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Marcelo Bielsa : « Espérons que prévale toujours la célébration du but transformé »

Propos retranscrits par Pierre Boisson
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Depuis maintenant de nombreuses années, Marcelo Bielsa a choisi de ne plus accorder d’interview à la presse, par souci d’équité et de justice entre les médias. Par souci de justice et d’équité envers Marcelo Bielsa, So Foot publie les transcriptions in extenso de ses conférences de presse avec Leeds United. Cette semaine, après deux victoires, Leeds affronte Rotherham.

Marcelo Bielsa et Salim Lamrani, son traducteur, s’installent. Marcelo Bielsa pointe sa montre du doigt. « Excuse me, I have a problem for the… »

Bonjour. Parlons du match de Rotherham. Vous pensez que vous allez faire face à un autre type de football ?Oui, le style n’est pas le même que celui des deux premiers rivaux.

Réussir à imposer un style de jeu est très difficile. Ce n’est pas simple. Et c’est plus dur si on n’est pas cohérent, si on ne maintient pas la recherche.

Parce qu’ils vont essayer de vous empêcher de jouer plutôt que de jouer et d’attaquer ?Ce qui définit leur manière de jouer est que le ballon arrive aux attaquants plutôt par les airs que par le sol. C’est la principale différence, mais ce ne sera pas nécessairement comme ça. C’est pourquoi je ne veux pas me positionner définitivement sur le style de jeu du rival.

Ce sera le premier match de Championship dont vous serez clairement le favori. Comment vous le gérez ?Réussir à imposer un style de jeu est très difficile. Ce n’est pas simple. Et c’est plus dur si on n’est pas cohérent, si on ne maintient pas la recherche. Au-delà des caractéristiques de l’adversaire, nous tenterons de jouer de la même manière que nous l’avons fait jusqu’ici. Le favoritisme que vous nous attribuez présuppose que nous devons nous sentir supérieurs au rival ou que le rival nous est inférieur.

Comme je l’ai dit la dernière fois, existe seulement la possibilité que s’ajoute un joueur de plus, ou deux au maximum.

Et ces deux choses ne se déterminent jamais avant le match. Le match est si proche qu’il convient de le démontrer plutôt que de l’annoncer. Et nous ne considérons, avant de jouer, aucun rival inférieur.

À propos de l’équipe, il y a des actualités, des blessures, ou on peut attendre la même composition que pour les autres matchs ?Je pense que ce sera la même composition.

Marcelo, ce match est un derby. Quelle est votre expérience des derbys ?Bon, les derbys ont une dose de passion additionnelle. La répercussion du résultat affecte l’état d’esprit des fans. Et d’aucune manière nous ne sommes indifférents à cette situation.

Puisque la fenêtre des transferts est encore ouverte, avez-vous quelques news sur le sujet ? Non, non. Sincèrement, non. Comme je l’ai dit la dernière fois, existe seulement la possibilité que s’ajoute un joueur de plus, ou deux au maximum.

Merci.(Il hoche la tête.)

On a été impressionnés par le début de saison de Kalvin Phillips. Qu’est-ce que vous avez aimé chez lui quand vous l’avez vu jouer la saison dernière ?

Éviter est une manière de transformer.

C’est un joueur pratique, simple, il défend bien, il a un très bon jeu long, il a un sens de l’orientation du jeu, il sait sortir le ballon d’un endroit pour l’emmener dans un endroit plus opportun. (Il répète) Plus opportun. (Le traducteur répète « A better space  » .) Ah, correct. Il est bon pour couvrir défensivement l’équipe quand les latéraux montent. Il défend bien en infériorité numérique aussi.

Qu’est-ce que vous attendez de lui ? Vous préférez qu’il joue milieu défensif ou qu’il joue plus devant ?Il a les qualités pour jouer plus devant. De fait, il peut marquer des buts. Mais en ce moment, il permet que nous prenions moins de but et c’est une forme aussi de transformer. Éviter est une manière de transformer. (Il rigole.) Une des nouveautés du football, qui n’est pas encore fréquente, est de célébrer les buts évités. Espérons que prévale toujours la célébration du but transformé.

Si Kalvin Phillips a besoin de se reposer ou s’il est blessé, vous pensez qu’un autre joueur pourrait le remplacer ?C’est une question à laquelle vous avez réfléchi. (Il lève la tête et regarde le journaliste.) Qu’est-ce que vous me suggérez ? (Rires dans la salle.)

Je n’ai pas de conseil à vous donner… (Marcelo Bielsa sourit.) Ce que je voulais vous demander, c’est s’il y avait un autre joueur de l’équipe capable de faire le même travail que ce que fait Kalvin Phillips aujourd’hui… Je sais que vous avez pensé à la question. (Il fixe à nouveau le journaliste en souriant.) Parce que c’est difficile de trouver un joueur comme ça.

Ce à quoi, moi, je fais beaucoup attention, c’est que le joueur sache que s’il appartient au groupe, c’est parce qu’il a été choisi pour disputer un poste à égalité de possibilité.

Dans notre groupe, c’est difficile de le trouver. Peut-être que nous n’avons pas bien dessiné l’effectif en ce sens, parce que Vieira (Ronaldo Vieira, parti à la Sampdoria, N.D.L.R.) était le joueur qui ressemblait le plus à Phillips, mais je pense que Klich, Forshaw et Shaughnessy, avec des profils différents, pourraient assumer le rôle de numéro 4, de milieu défensif. Klich est un joueur qui peut marquer, mais avec moins de prédilection pour le jeu défensif que Phillips. Et Forshaw est un joueur complet, mais sans la dimension physique que demande parfois ce poste. Dans les équipes d’aujourd’hui, le troisième défenseur central est le numéro 4. En considérant que les latéraux sont très offensifs. Dans notre cas, nos numéros 8 sont aussi très offensifs. Je parle de Klich, Baker, Forshaw. Donc on a besoin d’un milieu défensif très expérimenté. Dans le meilleur des cas, nous n’aurons pas à remplacer Phillips. Et sinon, on a Ayling qui règle tous les problèmes. (Il regarde les journalistes et rigole franchement.)

L’équipe a très bien joué mardi dernier. Vous n’avez pas eu la tentation de changer quelques joueurs pour le match de samedi ? La question pourrait aussi être que l’équipe de samedi dernier a très bien joué et que ça nous invite à la maintenir. (Il coupe son traducteur Salim Lamrani.) La conclusion. Cela pourrait aussi être la conclusion.

Une dernière question pour moi. Les joueurs se sont beaucoup entraînés pendant la pré-saison. Qu’est-ce que vous changez dans les entraînements, maintenant que nous jouons tous les trois ou quatre jours ?Bon, on s’entraîne moins, avec moins d’intensité, moins longtemps. Ou si on s’entraîne aussi longtemps, il y a beaucoup de pauses pour dialoguer. Mais jusqu’à présent, personne n’a joué deux fois par semaine, sauf les trois joueurs que sont Ayling, Phillips et Saiz. Et Saiz a joué moins longtemps. Ayling a joué à un poste qui lui demande moins physiquement. Et Phillips, oui, a eu l’exigence habituelle.

Comment vous réussissez à maintenir la motivation des joueurs qui n’ont pas joué les deux premiers matchs ?Bon, ça fait partie du professionnalisme de comprendre qu’un footballeur n’apporte pas quelque chose à l’équipe uniquement en jouant.

Je ne manque pas de reconnaissance envers les joueurs sur lesquels je n’ai pas compté.

Ça fait aussi partie de la compréhension de notre métier qu’aucune saison ne se joue avec onze joueurs. Ce à quoi, moi, je fais beaucoup attention, c’est que le joueur sache que s’il appartient au groupe, c’est parce qu’il a été choisi pour disputer un poste à égalité de possibilité. Les joueurs se rendent compte si ceci est vrai ou non. Et s’ils se rendent compte que c’est vrai, ils sont patients et attendent leur moment. C’est pour cela que c’est très important de ne pas tromper les joueurs.

Il y a des joueurs qui ne faisaient pas partie du projet initial, comme Anita, O’Kane, Ekuban… Quelle est leur situation ?Écoutez, quand un professionnel a des antécédents, Anita les a, O’Kane les a, Ekuban les a, une manière de les respecter est de les conserver dans l’équipe s’ils ont la possibilité de disputer le poste à un autre joueur. Si on a un poste à partager entre trois joueurs, c’est très compliqué que le troisième ait une chance. J’ai vu chaque minute que chaque joueur a jouée l’année passée. (Il enlève ses lunettes et se frotte les yeux, d’abord avec ses doigts, puis avec ses poings.) Et par ailleurs, j’ai écouté l’avis du club parce que ne pas avoir entraîné un joueur est un déficit pour prendre une décision. Ensuite, on a construit un groupe avec deux joueurs pour chaque poste et cela aurait été contre-productif d’agir autrement. Je peux dire Ayling, Dallas et Shackleton parce que Shackleton a du temps devant lui et peu d’antécédents. Mais je ne peux pas faire la même chose avec Ayling, Dallas et Anita. Parce que cela porterait préjudice à l’un des trois. Donc prendre des décisions, les transmettre au moment opportun me semble une attitude honnête. Je réitère : ce n’est pas la même chose Roofe, Bamford, Edmondson, qu’Ekuban à la place d’Edmondson. Ce n’est pas la même chose Clarke que Sacko. Bien sûr, je dois prendre des décisions. Et j’ai considéré aussi l’opinion du club, ou le club a considéré la mienne et bien sûr que je peux me tromper. Mais je n’aime pas me tromper au prix de l’incommodité d’un footballeur.

Il y a beaucoup de joueurs dans notre groupe, qui jouent à différents postes, et selon les possibilités extérieures que nous aurons, nous distribuerons les joueurs pour décider de l’incorporation.

Au mieux, avec l’absence de Dallas, cela aurait été bien de compter sur Anita. Cela aurait été plus commode pour moi. Mais ça ne me paraît pas juste de conserver un joueur si je ne vais pas le prendre suffisamment en compte pendant toute l’année. Au-delà de ces joueurs en particulier, je me suis étendu dans la réponse parce que je ne me réfère pas à Anita, O’Kane ou Ekuban, mais j’explique comment je procède. Il est très probable que l’un des trois soit meilleur à son poste qu’un joueur auquel j’ai donné la priorité. Mais finalement, je dois décider. Ça donne la même chose que j’ai choisi Ayling, Dallas ou Anita. Je ne manque pas de reconnaissance envers les joueurs sur lesquels je n’ai pas compté. J’ai simplement dû décider et j’ai décidé. Et j’ai donné mon opinion. Parce que je ne suis pas le seul à décider.

Merci pour cette réponse détaillée. Ces joueurs que vous avez mentionnés vont-ils partir ?Ceci, je ne pourrais pas vous l’assurer.

Vous avez parlé à Pochettino ou à Guardiola pour qu’il vous prête un joueur de leur effectif ?Non, non. Cela ne m’aurait pas semblé correct d’utiliser une relation personnelle de tendresse et de respect que j’ai pour les deux pour conditionner un choix professionnel. Ces décisions professionnelles, il ne faut pas les manipuler.

Marcelo, vous avez parlé de la possibilité qu’un ou deux joueurs arrive avant la fin du mois d’août. Quel poste vous avez en tête ?Écoutez, je préfèrerais ne pas faire référence à cela parce qu’il y a beaucoup de joueurs dans notre groupe, qui jouent à différents postes, et selon les possibilités extérieures que nous aurons, nous distribuerons les joueurs pour décider de l’incorporation. Donc si je vous donnais une réponse, elle ne serait pas certaine.

Merci.(Il hoche la tête.)

Est-ce que choisir entre Roofe et Bamford comme titulaire est la décision la plus importante que vous ayez à prendre aujourd’hui ?Non, non. Les attaquants, je fais référence aux 7, 9, 11 et 10, les deux ailiers et les deux centraux sont les postes où il est le plus dur de briller. (Il se redresse et sourit.) Si vous regardez bien, c’est très intéressant.

L’absence est un problème.

J’ai fait une analyse du pourcentage que les remplacements d’attaquants représentent dans les remplacements en général. Par exemple, sur dix changements qui se font, combien impliquent ces quatre joueurs ? J’ai fait cette analyse en excluant les expulsions, car on retire toujours un attaquant dans ces cas-là. Et le pourcentage de changements impliquant ces quatre joueurs est très élevé. Ça ne veut pas dire que les attaquants soient mauvais. (Salim Lamrani traduit : « que les buteurs soient mauvais » . Marcelo Bielsa répète : « que les attaquants soient mauvais » . Puis il parle à Salim Lamrani : « Striker, ça veut dire 9, non ? Moi je parle de 7, 9, 11 et 10. Offensive players, no strikers. » Puis à l’ensemble de la salle, en anglais : « I’m saying offensive players, not only strikers. » ) La majorité des changements affectent ces quatre joueurs. Et ce, parce que c’est très difficile de jouer à ces postes. C’est pourquoi c’est nécessaire qu’abondent les solutions pour ces postes. Avoir deux 9, deux 10, deux 7, deux 11. L’excès, à ces postes, n’est jamais un problème. L’absence est un problème.

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Propos retranscrits par Pierre Boisson

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