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Marcel Domingo, le Zamora français
Après un intermède belge, le trophée Zamora revient aux mains du Chilien Claudio Bravo. Une distinction que le Français Marcel Domingo, baroudeur de Liga et surtout mythe de l'Atlético Madrid, a remporté par deux fois. Retour sur le parcours de celui qui se faisait appeler le « volcan » du Calderón.
En cette veille de Majorque-Real Madrid de la Liga 1983, l’entraîneur insulaire ne garde pas sa langue dans sa poche. Tout juste débarqué aux Baléares, il envoie de la punchline en rafale aux quelques gratte-papier présents : « Je suis le sauveur des équipes. Je pourrais entraîner 80% des clubs. Si vous faisiez une enquête parmi les supporters, la plus grande partie d’entre eux me voudrait pour coacher leur équipe. » Son castillan reste imparfait, ce malgré plus de 35 années de présence en Espagne, et lui coûte de nombreuses piques de la presse locale. Cet entraîneur au style pompeux et à l’auto-congratulation prononcée, c’est Marcel Domingo. Natif d’Arles, il a construit sa carrière de joueur, puis de technicien des deux côtés de la frontière pyrénéenne. Après avoir gardé les cages de quatre fanions français et moitié moins d’espagnols, il entame une carrière d’entraîneur qui le mène sous pas moins de 17 guérites, principalement de Primera Division. Ses principaux faits d’armes : avoir remporté deux Liga en tant que joueur, une autre avec le costume d’entraîneur de l’Atlético. Et deux trophées Zamora de meilleur gardien.
Maillots fluorescents, Zamora et Helenio Herrera
« Ça a été un révolutionnaire qui a contribué à moderniser le football, tant comme portier qu’entraîneur. » Le compliment, signé du mythique Adelardo, joueur le plus capé de l’histoire colchonero, rappelle que plus que son fameux bagout, Marcel Domingo était un formidable puits de football. Né sur le sol français, dans une petite bourgade limitrophe d’Arles, il quitte rapidement l’Hexagone pour rejoindre l’Espagne de ses ancêtres – sa famille est originaire de Valence. Suite à ses passages à l’AC Arles, à l’OGC Nice et au Stade Français, il rejoint, à l’été 1948, les rangs d’un Atlético Madrid déjà relégué dans l’ombre du voisin de Chamartin. Dès son premier exercice, la réussite est au rendez-vous : gardien le plus imperméable de Liga, il s’octroie le trophée plus tard rebaptisé Zamora. En juin 1953, alors qu’il évolué à l’Espanyol, rebelote. Son secret ? « Il aimait bien mettre des maillots jaune fluorescent et particulièrement visibles. Il disait qu’ainsi il accaparait l’attention des adversaires qui, inconsciemment, tiraient où il était. Ça lui rendait la vie plus facile » , se souvient Adrian Escudero, son partenaire et attaquant rojiblanco.
Après cette réussite individuelle vient celle collective. Lors des exercices 1949-50 et 1950-51, l’Atlético domine l’Espagne du football et remporte deux Liga consécutives. Les Colchoneros, alors coachés par un autre Français, Helenio Herrera, jouissent alors d’une attaque de feu. Composée de Juncosa, Vidal, Silva, Campos et Escudero, cette « Delantera de seda » marque une illustre période dans l’histoire des Matelassiers. Suite au titre de 1951, Marcel prend ses cliques et ses claques pour la Côte d’Azur. De cette escale d’un an à l’OGC Nice, il repart avec un doublé coupe-championnat en poche. Toujours sur la côte méditerranéenne, celle de Barcelone, il garde de 1952 à 56 les cages des Pericos. Sans titre majeur, il complète sa collection personnelle par un second trophée Zamora. Retraité deux années plus tard après une dernière expérience marseillaise, il prend illico les commandes de l’Espanyol et entame une carrière de baroudeur des bancs de touche de Liga. En onze ans, il écume ainsi les guérites de Las Palmas, Lleida, Ponteverdra, Cordoue et Grenade. Et ce, jusqu’au coup de téléphone de Vicente Calderón à l’été 1969.
« Nous partions en contre comme des anges »
« J’étais au club depuis 1964. Nous nous étions toujours plus ou moins distingués par notre manière de jouer le contre. Mais lors de cette saison… » , se souvient Ufarte dans les colonnes du Pais. Pour sûr, cet exercice reste dans les mémoires des aficionados de l’Atlético comme l’un des plus grands crus. Grâce à leurs transitions rapides et assassines, les Madrilènes de Domingo reprennent les commandes de la capitale et plus largement de l’Espagne. « Durant mes 17 ans ici, je n’ai probablement jamais vu un Atlético aussi moderne et visionnaire. Nous partions en contre comme des anges, s’enthousiasmait Adelardo en 2010. Je garderai toujours un bon souvenir de Marcel. Pour moi, il a été très spécial, c’est l’homme qui m’a fait revivre après une saison sans jouer(Domingo l’aida notamment à ne pas sombrer dans la dépression suite au décès de son paternel, ndlr). » Cette saison 68-69 est conclue sur le terrain de Sabadell et une célébration un peu barrée du señor Domingo. Il y gagne le surnom de « Volcan Domingo » , qui ne lui suffit pourtant pas à remporter dans la foulée une seconde Liga, perdue lors de la dernière journée au profit du Valence de Di Stéfano. S’ensuivent alors des années de pèlerinage dans de nombreux clubs d’Espagne, et un hommage vibrant le 10 décembre de 2010, le jour de sa mort.
Par Robin Delorme, à Madrid