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Marca contre son camp

Par Nicolas Kssis-Martov
Marca contre son camp

Le quotidien sportif espagnol a défrayé la chronique ce lundi avec sa Une évoquant un « Africa power » au cœur de la puissance retrouvée du Real Madrid. Seul hic : les joueurs choisis pour illustrer le propos s’avèrent tous européens, que ce soit par leur nationalité ou leur formation. Alors maladresse, ignorance, bêtise ou racisme ordinaire ? Dans tous les cas, il serait peut-être temps que ce genre d’amalgame cesse dans le foot. Surtout dans le foot.

Difficile de savoir comment Marca a fini par accoucher de cette Une assez laide, stupide sur la forme, erronée sur le fond et dangereuse quel que soit le point de vue. « Bien que les grands terrains de recrutement du Real soient en Argentine ou au Brésil, ces derniers temps, le club a développé une voie, ouverte il y a de nombreuses années, qui se consolide avec des joueurs comme Camavinga, Tchouaméni ou Alaba. Le sang africain est présent à Madrid », peut-on ainsi lire en guise de pitch justificateur. Rapidement posé et troussé, il s’agirait de prouver au lecteur que quelque part, l’ADN des Merengues a changé. D’où cette Une provocante avec de faux relents politiques seventies : « Africa Power » (référence au black power, mais aussi aux rêves d’unité africaine de certains « grands leaders » postcoloniaux). Pour enfoncer le clou, et crucifier la vérité, les visages de Karim Benzema, Eduardo Camavinga, Aurélien Tchouaméni, Ferland Mendy, Antonio Rüdiger et David Alaba. Ils entourent une représentation de « leur continent » parsemé de lions et de girafes. Rien ne colle. Aucune des personnes concernées n’évolue pour une sélection de la CAF. Ils sont citoyens français, autrichien ou allemand, des pays dans lesquels ils sont nés ou ont grandi dès leur plus jeune âge (né en Angola, Eduardo Camavinga n’avait pas encore 2 ans quand il est arrivé à Lille avec ses parents). De fait, s’ils sont le produit d’un type de football, que ce soit par les centres de formation où ils ont appris à taper le cuir, ou leur premiers pas dans le professionnalisme, il s’agit clairement de celui du Vieux Continent, le nôtre, le leur. La vraie révélation aurait été donc de titrer sur le made in France avec un joli arrière-plan tricolore, plutôt que de refourguer un version Liga du Panafricanisme.

En rassemblant tout le monde sous la même étiquette, on évite aussi les sujets qui fâchent, comme le sort des réfugiés, que les destins de Camavinga et Rüdiger éclairent pourtant si pertinemment.

Quel était le but de cette théorie complètement artificielle et un peu nauséabonde ? Vanter le multiculturalisme et l’ouverture du Real, en grattant un peu les relents parfois racistes de la partie la plus obscure des fans de la Maison-Blanche ? Rendre excitant le mercato en manipulant de grands concepts géopolitiques pour cacher l’absence d’infos ? Attirer le lecteur irrité qui aurait l’impression que son club change trop ? Seule certitude, ce type d’amalgame, qui plus est dans un média sportif, participe à maintenir un éternel statut d’étranger, réservant le statut d’européen officiel aux seuls « blancs chrétiens » . Karim Benzema demeure ainsi par exemple d’abord un Algérien, y compris en Espagne, et même après son retour en Bleu. Si ce discours essentialiste n’est pas nouveau dans le football, le fait qu’il se retrouve en haut de l’affiche dans la presse espagnole – quand bien même il s’agirait d’une simple fainéantise intellectuelle – démontre à quel point il s’est incrusté dans les esprits. Par ailleurs, en rassemblant tout le monde sous la même étiquette, on évite aussi les sujets qui fâchent, comme le sort des réfugiés, que les destins de Camavinga et Rüdiger éclairent pourtant si pertinemment.

En outre, cette polémique nous rappelle de mauvais souvenirs, tant cette comptabilité malsaine des origines vient régulièrement s’inviter autour des Bleus. Eric Zemmour, juste après le sacre de Moscou, avait condensé cette vision racialiste : « Évidemment qu’ils représentent la France. Ils ont été sélectionnés. (…) C’est compliqué, car on voit bien aujourd’hui qu’il y a une énorme majorité de joueurs africains. Je ne dis pas qu’ils ne sont pas français, mais qu’ils sont noirs. Imaginez l’équipe du Nigeria avec huit joueurs blancs sur onze. Qu’est-ce que vous diriez ? C’est bizarre !  » Il y a peut-être un poste qui l’attend désormais chez notre confrère espagnol. Une reconversion comme une autre après son échec en politique.

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