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Marangoni : « Boca-River est un match qui se vit avec excès »
Personnage atypique du football argentin des années 80, Claudio Marangoni était, sur le terrain, professionnel, bosseur et efficace. De quoi se mettre les fans d'Independiente, puis ceux de Boca Juniors dans la poche. Le bonhomme idéal pour évoquer le Superclásico de la soirée, à la Bombonera.
Claudio, seras-tu à la Bombonera ce dimanche ?Non, ça fait des années que je ne vais plus au stade. Mais bien évidemment, je serai devant ma télé.
C’est un stade qui t’a beaucoup marqué.C’est quelque chose d’unique. C’est le seul endroit que j’ai connu où les chants sont si puissants que le sol semble trembler. Je me rappelle un match avec Independiente dans ce stade, on menait 1 à 0 et Boca nous égalise sur le final. Il y avait tellement de bruit qu’on a mis cinq minutes à récupérer nos esprits.
Ça a joué dans ta décision de quitter Independiente pour Boca ?Non, c’était plutôt lié à une fin de cycle à Independiente. On jouait ensemble depuis longtemps, j’avais besoin d’un nouveau défi. River était venu me chercher deux ans auparavant, mais les dirigeants avaient dit : « Celui-là il ne part pas. » Cette fois-ci, tout le monde était d’accord.
Ça n’a pas été difficile de passer d’Independiente à Boca ?Si, ça a été très difficile. Parce que j’avais joué six années à Independiente, avec la grande équipe de 1984, celle de Bochini et Burruchaga, qui remporte la Copa Libertadores et bat dans la foulée Liverpool en Coupe intercontinentale. J’étais identifié à cette équipe, et les supporters ont mal pris mon départ pour Boca.
Tu as dit qu’une année à Boca équivalait à dix dans n’importe quel autre club.C’est vrai. Les supporters de Boca vivent les matchs de leur équipe avec une intensité inouïe. Quand tu joues à Boca, tu ne peux pas sortir dans la rue. Tu fais partie d’une institution en quête de succès permanent, qui te pompe toute ton énergie, ce qui est à la fois usant et passionnant.
Que représente ce Boca-River pour le football argentin ?C’est l’expression maximum du football local, le clásico du río de la Plata. Ce sont les deux clubs ayant remporté le plus de championnats dans l’ère professionnelle, les deux clubs avec le plus de supporters. C’est un match qui se vit avec excès. Et généralement, la réussite de l’un s’accompagne d’une mauvaise passe de l’autre. Dans ce cas précis, River (3e) se présente dans une meilleure situation que Boca (18e). Mais une défaite à la Bombonera le mettrait hors-course pour le titre, d’où l’enjeu du match.
Globalement, ni l’un ni l’autre n’est dans une bonne période…Boca est dans un processus de reconstruction, avec un entraîneur qui a eu beaucoup de succès ici (Bianchi, ndlr). Et River, pareil, Ramón Díaz est le coach qui a remporté le plus de titres avec ce club. Actuellement, le nom des entraîneurs est plus important que celui des joueurs, ce qui est quand même particulier, voire insolite. Ça ne devrait pas être comme ça.
N’est-ce pas une preuve du faible niveau du championnat ?C’est probable, oui. Un ami me disait récemment qu’il nous reste très peu d’idoles. El Burrito Ortega s’en est allé, Verón aussi. Riquelme est la dernière idole du football argentin.
Pour en revenir à toi, que retiens-tu de ton année en Angleterre, à Sunderland ?Le football anglais m’a marqué, il a eu une influence majeure sur la suite de ma carrière. C’est un football très exigeant, physique, organisé. Il faut prendre soin de soi, s’entraîner très sérieusement. Pour moi, il y a eu un avant et un après Sunderland. J’ai eu bien davantage de succès après, et ce n’est pas un hasard.
C’est vrai que tu t’es caché dans un hôtel pour pouvoir revenir en Argentine ?Oui, plusieurs équipes anglaises me cherchaient, mais moi je voulais à tout prix rentrer ici. J’avais des offres importantes de Chelsea, d’Ipswich Town, de Nottingham Forest, mais l’Argentine me manquait beaucoup.
À ton poste, il y a un joueur qui te plaît particulièrement ?J’aimais beaucoup Makélélé, un joueur complet, capable à la fois de parfaitement prendre au marquage et de bien jouer au football. Mais à mon poste, il y a toujours eu de grands joueurs. Aujourd’hui, il y a Busquets, Xabi Alonso, Pirlo, ici on a Mascherano, Gago. Des bons milieux relayeurs, ce n’est pas ce qui manque dans le football.
Parallèlement à ta carrière, tu as obtenu ton diplôme de kiné, tu suivais diverses formations et lisais beaucoup de livres. T’es-tu senti à part dans le milieu du football ?J’étais un cas un peu particulier, oui, j’aimais les études au moins autant que le football. Mais j’ai toujours été fier d’être footballeur, et en bonne relation avec les gens du milieu. Et puis le fait d’étudier ne faisait pas de moi quelqu’un de mieux ou de moins bien que mes partenaires. Simplement, c’est toujours bien d’avoir plusieurs armes dans la vie.
Propos recueillis par Léo Ruiz