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Maradona : « Moi, des buts de la main, j’en ai inscrit beaucoup »

Par Benjamin Laguerre
8 minutes
Maradona :  «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Moi, des buts de la main, j’en ai inscrit beaucoup<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Diego Maradona, qui fête aujourd'hui ses cinquante-six ans, a attendu le trentième anniversaire de la victoire de son équipe au Mundial 86 pour revenir sur le sommet de sa carrière. En mode Inside with Diego, le capitaine de l’Argentine se raconte à la première personne, sans fard et sans détour. Pour balancer quelques punchlines bien senties, mais aussi pour régler quelques comptes. Comme toujours avec Diego. On ne commentera pas ses écrits. Pas de blasphèmes. « El 10 », on le cite.

En préambule, Diego explique le pourquoi de son bouquin Ma vérité : « Pour la première fois depuis bien longtemps, nous avons passé Noël tous ensemble, à la fin de l’année 2015, dans la maison familiale de Villa Devoto.(…)Ce soir-là, quelqu’un, et je ne me souviens plus qui, m’a offert une copie de la Coupe du monde. Ce trophée, je pouvais à nouveau le prendre dans mes bras, le bercer comme un bébé.(…)Et je me suis dit que ce bonheur fou était certainement le plus beau cadeau que j’avais offert à mes parents. Le plus beau des cadeaux. Pour eux et pour tous les Argentins.(…)Des années et des années plus tard, trente ans pour être plus précis, je me rends compte qu’être heureux, c’est rendre heureux les autres. Et je pense que les Argentins ont été heureux de ce qu’on a accompli au Mexique.(…)Dans ce livre, je vais vous raconter toute cette histoire. À ma manière, qui n’est pas celle d’un autre. » Ça, on s’en doutait. Sur les terrains comme sur le papier, Diego cultive sa différence.

« Je me prenais pour un président »

La victoire de cette Coupe du monde par l’Argentine de Maradona commence en amont lorsqu’il s’empare du brassard de capitaine : « J’avais vingt-quatre ans, mais je me sentais fait pour cette fonction. J’avais les épaules suffisamment larges pour ce genre de responsabilité. Et dans ce rôle, je remplaçais Passarella, qui avait été un capitaine historique de la sélection. Mais mon tour était arrivé. » Il ne restait plus qu’à définir quel serait son credo avec le brassard autour du bras : « La première chose que je me suis dite, après avoir exaucé mon rêve, c’était qu’il fallait installer une idée forte : jouer avec le maillot de la sélection sur le dos, c’était la chose la plus importante du monde. Tandis que jouer avec le maillot d’un club européen, ça te permettait de gagner beaucoup d’argent. »

Et pour mener à bien sa mission et montrer l’exemple en équipe nationale, le meneur de jeu du Napoli va devoir affronter des ennemis inattendus. Par exemple au moment de participer aux éliminatoires qui conduiront l’Argentine au Mexique : « Le dimanche 5 mai (1985), quelques heures avant le match contre la Juve, j’ai donné une nouvelle conférence de presse. Je me prenais pour un président, car je donnais des conférences tous les jours. Mais là, j’étais vraiment furieux, j’étais chaud comme la braise, parce que la Fédération italienne avait envoyé, le vendredi, un télex aux clubs – au Napoli pour moi et à la Fiorentina pour Passarella – pour leur dire qu’il nous était interdit de voyager et de rejoindre notre sélection avant la fin de notre championnat. Ils menaçaient même de nous suspendre. Passarella a préféré jeter l’éponge. Moi ? Jamais de la vie. » Comme souvent, Diego la joue cartes sur table et sans filtre. Et quand il a une idée en tête…

Passarella ? « Un monstre, une tête de lard, un égoïste »

Passarella, justement. L’ancien et le nouveau capitaine de l’Argentine s’affrontaient alors en Serie A. En sélection, il ne devait en rester qu’un. Diego revient sur le moment où le rapport de force s’est inversé, à un mois du Mondial mexicain : « Le clash nous pendait au nez. Parce qu’il y avait un malaise avec Passarella.(…)Il ne savait pas, non plus, que quelqu’un avait réussi à se procurer la liste des appels internationaux passés depuis notre téléphone avant de me la donner. On devait tous payer, alors qu’il n’y avait que lui qui passait des coups de fil. J’ai décidé d’aborder ce problème et de l’attaquer une nouvelle fois, de front :« Écoute Passarella, si tu regardes bien la facture, tu vas te rendre compte qu’il n’y en a que pour toi. Il n’y a que des coups de fil que tu as passés. Je n’ai pas téléphoné une seule fois à Naples, il n’y a pas un seul coup de fil de Valdano à Madrid. Et d’ailleurs, il n’y a pas d’autres coups de fil, à part les tiens. » J’ai senti que le vent avait tourné. Mes coéquipiers étaient avec moi. On était face à un monstre qui touchait plus de deux millions de dollars par an, et qui voulait maintenant qu’on lui paie son téléphone. Un monstre, une tête de lard, un égoïste. Et là, il n’y avait plus de match entre lesmaradonisteset lespassarellistes, puisque j’avais gagné par K.O. »

« J’ai brisé le mythe Platini. Je l’ai tué »

Cette Coupe du monde 1986, Diego la résume à un duel de « 10 » franco-argentin, une prolongation du championnat italien qui fait à l’époque office de référence européenne et mondiale : « Il faut bien dire la vérité, celui qui avait l’image de vainqueur, celui qui gagnait tous les titres, c’était bien Platini. Moi, j’étais lejogolieri, celui qui faisait le spectacle avec mes petits ponts, mes coups du foulard, mes coups du sombrero, mais moi, je ne faisais pas de tours d’honneur. Je ne gagnais pas de titres. Ce que je voulais maintenant, c’était gagner des titres.(…)Et c’est ce qui s’est finalement passé : je me suis battu, battu et battu et finalement, j’ai brisé le mythe Platini. Je l’ai tué. » Même si le fond du problème ne se limite pas qu’au sportif selon le capitaine de l’Albiceleste : « Si tu regardes bien, celui qui a enlevé son short pour se mettre une cravate, c’est Platini, le fameux Platini, le pire de tous. Il y a trente ans, je le voyais, le Français, tout parfumé, trèslight… C’est quoi son problème à Platini ? Platini, il a toujours joué un double jeu, il a toujours été des deux côtés du comptoir : il aimait manger du caviar et boire du champagne, mais il voulait également se montrer avec les joueurs, avec ceux qui essayaient de lutter contre le système, ceux qui étaient prêts à faire grève si ça avait était nécessaire. Lui, il portait les deux maillots. Il était des deux cotés. Ou en tout cas, il voulait être des deux côtés. »

« Dans le fond, je voulais être le Che »

Bien sûr avec Maradona, il y a toujours des digressions. Quand l’ex-sélectionneur de l’Argentine (pour la Coupe du monde 2010) se rêve en pape du foot, cela donne ça : « Moi, je trouve ça top, mais vraiment top, que ce pape s’occupe enfin de ses affaires et de ceux qui en ont le plus besoin.(…)Le pape, il fait au Vatican ce que j’aimerais faire à la FIFA, il faut en finir avec les pots-de-vin, avec cette maudite manie d’acheter les Mondiaux. Si le pape se préoccupe et s’occupe de ceux qui ont faim, les dirigeants du football devraient de préoccuper de ceux qui jouent et de ceux qui regardent. » L’occasion aussi de nous confier son secret le plus profond dans sa lutte face à l’ogre de la FIFA depuis cette Coupe du monde 1986 : « Moi, dans le fond, je voulais être le Che. Mes armes étaient mes jambes et les cartouches, le ballon. »

Bon et sinon ce Mondial, cette montée en puissance des Argentins jusqu’à la finale. Que retenir ? Cette « mano de Dios » , forcément. Un geste assumé, comme tous les autres : « Moi, des buts de la main, j’en ai inscrit beaucoup. Aux Cebollitas, à Argentinos, à Boca ou au Napoli.(…)Avec le Napoli, j’en ai également inscrit un de la main contre l’Udinese(…)Zico s’est approché de moi sur le terrain et m’a dit : « Si tu n’avoues pas que tu l’as marqué de la main, tu es vraiment malhonnête. » Je lui ai serré la main et je lui ai répondu : « Enchanté, Zico. Je m’appelle Diego Armando ‘Malhonnête’ Maradona. » » Mais il ne faut pas s’arrêter à une seule explication avec Diego. Pour revenir à l’origine de l’appellation de ce but, le capitaine argentin nous replonge dans le contexte historique de la guerre des Malouines entre l’Angleterre et son pays quatre ans auparavant : « Je ne savais pas vraiment comment j’allais pouvoir gérer la conférence de presse d’après-match. Et j’ai dit, en pensant à tous ces gamins qui étaient morts, que c’était la main de Dieu qui m’avait permis d’inscrire ce but. En pensant à tous ces gamins disparus aux Malouines… Et c’est ce que je continue de penser, de ressentir, trente ans plus tard. »

Pour Peter Shilton, sa victime anglaise sur cette action, il réserve un tacle bien appuyé dont il a le secret : « Shilton, lui, ne s’en est jamais vraiment remis. Il est toujours en colère, comme tout bon gardien de but. De vraies têtes de lard… Il a même dit :« Je n’inviterai pas Maradona à mon jubilé… »OK. Mais, dites-moi, qui a envie de participer au jubilé d’un gardien de but ? Et en plus, celui de Shilton ? Shilton, l’homme aux amortisseurs cassés. Vous n’avez jamais vu comment il marche ? Regardez, vous allez voir. Il a vraiment besoin de changer ses amortisseurs. » Une punchline comme une autre extraite d’un bouquin de 272 pages de cet été mexicain 1986 totalement maradonesque. Du début à la fin.

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Par Benjamin Laguerre

Maradona, Ma vérité chez Hugo Sport (traduction d’Alexandre Juillard), mai 2016, 18 euros.

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