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Maradona : Dieu est de retour en Argentine !
Neuf ans après avoir été écarté du poste de sélectionneur de l’Albiceleste, Diego Armando Maradona revient dans le football argentin en mode « Rolland Courbis » pour entraîner et tenter de sauver le club de Gimnasia La Plata menacé de relégation. Le retour de l’idole sur ses terres enflamme déjà le pays.
« Veillée jusqu’à l’arrivée de D10S. » C’est derrière ce message que des supporters de Gimnasia se sont réunis ce mercredi soir aux portes de la majestueuse cathédrale de l’Immaculé-Conception de la Plata. Ils prient pour que l’information se confirme enfin. « Je peux désormais dire que nous sommes d’accord à 99% » , annonce finalement dans la soirée le président du club Gabriel Pellegrino au quotidien platense El Dia. Diego Armando Maradona va donc bien devenir le nouvel entraîneur du « Lobo » (le « Loup » , surnom de l’équipe, N.D.L.R.). La fin d’un peu plus de 72 heures d’un feuilleton qui a tenu en haleine toute l’Argentine et joué avec les nerfs des supporters du plus vieux club du pays (fondé en 1887).
Diego le pompier
Samedi dernier, l’entraîneur de Gimnasia, Dario Ortiz, démissionne après la nouvelle défaite de son équipe 1-0 sur la pelouse d’Argentinos Juniors. Le bilan catastrophique de quatre déroutes et un nul après cinq journées met, avec le système de relégation basé sur la moyenne de points des trois dernières saisons, le club platense en situation de grand danger pour se maintenir en Superliga. Depuis quelques jours déjà, le nom de Maradona, libre depuis son départ en juin dernier des Dorados de Sinaloa club de deuxième division mexicaine qu’il n’a pas réussi à hisser parmi l’élite, circule dans la presse comme candidat possible pour être le « pompier de service » de l’équipe de la province de Buenos Aires. L’éternel serpent de mer d’un retour du « Diez » au pays semble cette fois-ci crédible et même être avancé sérieusement par les dirigeants. Alors que la température commençait à monter, le quotidien sportif Olé refroidit tout le monde en annonçant ce mardi que « Diego a repoussé l’offre pour des raisons de santé » . Le « Pibe de Oro » a en effet subi ces derniers mois deux interventions chirurgicales sérieuses au coude et au genou. Sauf que Maradona lui-même va sortir de la boîte quelques heures plus tard. Une photo le représentant debout, tout sourire, est postée sur son compte Instagram avec le commentaire : « Je veux clarifier les choses. Je n’ai reçu, ni refusé, aucune proposition de la part d’équipes argentines. Je suis en bonne santé et évidemment ce serait pour moi un grand honneur d’entraîner dans mon pays ! »
« Pour lui, il n’y a pas pire maladie que de ne pas se sentir Maradona »
Il n’en fallait pas plus pour enflammer définitivement les plateaux télé ce mercredi. « Dieu veut que Maradona soit entraîneur de Gimnasia » , annonce sobrement Sebastian Vignolo, le présentateur star en ouverture de l’émission football de référence de la mi-journée 90 minutos : « Il va encore enrichir notre football ! » À ses côtés, Daniel Arcucci, qui a suivi toute la carrière d’ « El Pelusa » pour le mythique et disparu magazine El Grafico, commence, en se la racontant un peu : « Moi, en tant qu’ami de Maradona, je préfère qu’il ne dirige pas dans ce broyeur de viande qu’est le football argentin ![…]Le sportif est secondaire. Je veux qu’il soit heureux ! » Il tempère tout de même : « Mais il n’y a pas pire maladie que l’ennui. Et dans le cas de Maradona, il n’y a pas pire maladie que de ne pas se sentir Maradona ! » Le « Pollo » Vignolo reprend.
Batistuta ne sera pas dans le staff
L’avocat et homme de confiance de Diego, Matias Morla, vient de poster une vidéo sur les réseaux sociaux ! L’ancien numéro 10 apparaît à l’image assis sur un canapé aux côtés du chirurgien qui l’a opéré. « Certains disent que je ne peux pas bouger ? Ils disent ça ? Regardez ! » , dit le champion du monde 1986, avec une élocution difficile, puis il remonte son pantalon qui était sur ses chevilles et poursuit debout après quelques pas moyennement assurés : « Je suis prêt à entraîner ou pas ? Hein ? Je suis un peu plus maigre ! À tous les gens du Lobo, vous êtes là ! » Et il se tape le poing à la poitrine. L’officialisation n’est plus qu’une question d’heures. L’un de ses conseillers, le puissant agent Christian Bragarnik, évoque sur Fox Sports Radio « un contrat d’un an dans un premier temps pour voir comment se sent Diego. Il veut être là tous les jours si sa santé le permet. Il a proposé à Gabriel Batistuta de faire partie du staff. » « Je vais me mettre à pleurer ! Ça va me rendre fou » , réagit sans filtre le coprésentateur de l’émission Tarde Rodonda en apprenant l’éventualité d’un duo Diego-Batigol. Finalement, l’ancien buteur de la Fiorentina mettra fin à l’illusion rapidement dans la soirée sur Twitter : « Je voudrais le remercier pour cette proposition que j’attendais depuis longtemps. Mais malheureusement, je dois subir une opération le 17 septembre pour replacer la prothèse de ma cheville. Je lui souhaite le meilleur ! »
Revenir pour se venger de Veron ?
Son retour acté, et des débuts programmés contre Racing à domicile le dimanche 15 septembre, la question est désormais de savoir dans quel état d’esprit Maradona va revenir dans l’univers du football argentin. Pour rappel, l’ancien joueur de Naples a déjà entraîné dans le championnat de son pays. Alors qu’il était suspendu après son contrôle positif à la cocaïne qui l’avait exclu du Mondial 94, le « Pibe de Oro » avait profité de cette « pause » pour diriger, aux côtés de Carlos Fren, deux clubs de l’élite : Mandiyu de Corrientes (12 matchs, 1 victoire) et Racing (11 matchs, 2 victoires) où il permettra notamment au club d’Avellaneda de remporter son premier succès à la Bombonera depuis vingt ans. Il reprendra ensuite sa carrière de joueur à Boca en 1995 où il terminera sa carrière deux ans plus tard.
Son mandat de sélectionneur de l’Argentine entre 2008 et l’élimination en quarts de finale de la Coupe du monde 2010 contre l’Allemagne (4-0) est surtout marqué par ses relations exécrables avec l’intransigeante presse locale. Attaqué de toutes parts à propos du faible niveau de son équipe, il avait violemment répliqué après avoir obtenu, dans la difficulté en Uruguay, la qualification pour le Mondial : « À ceux qui n’ont pas cru en nous, pardon mesdames, qu’ils me la suc*** et qu’ils continuent de me la suc**. Moi je suis blanc ou noir. Jamais je ne serai gris. Vous qui m’avez traité de cette manière, continuez à vous masturber ! » La FIFA le suspendra deux mois et lui infligera 25 000 francs suisses d’amende pour cette sortie.
Sera-t-il plus calme cette fois-ci ? Pas sûr. Un indice. Dans la vidéo diffusée hier, Maradona finit son intervention par cette phrase : « Il y a une bande en face qui veut me détruire et ça je ne le pardonnerai jamais ! » À qui s’adresse-t-il de manière si virulente ? « C’est pour Juan Sebastián Verón » , éclaire son avocat hier soir dans la presse. L’ancien joueur de Manchester United et Chelsea, qui avait joué sous les ordres du « Diez » au Mondial 2010, avait largement critiqué ses méthodes et compétences après son départ de la sélection. Le « Pibe de Oro » ne l’a jamais digéré, et les deux hommes se sont régulièrement écharpés par médias interposés et même sur le terrain à l’issue de la première mi-temps du match… de la paix, une rencontre caritative organisée à Rome en 2016. Le problème ? Juan Sebastián Verón est aujourd’hui le président d’Estudiantes La Plata, le club rival qui partage la ville avec le Gimnasia de Diego Maradona. Le toujours électrique Clásico platense est prévu le 2 novembre prochain. Comment mettre encore plus d’huile sur le feu ? Le quotidien Olé a mis en ligne et diffusé tard dans la nuit ce mercredi un message audio envoyé sur Whatsapp par Veron à un ami : « J’ai parlé avec quelques supporters, et honnêtement, ça me dérange qu’ils voient sa venue(de Maradona à Gimnasia, N.D.L.R.) comme quelque chose de sympathique. Ce n’est pas sympathique. C’est grave et très triste. » Et le journal sportif de ponctuer son article d’un très responsable : « La Plata brûle » . Bienvenue au pays Diego.
Par Georges Quirino Chaves, à Buenos Aires