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Manuel valse
C'est l'histoire d'une romance qui se termine dans l'ignorance. Alors que Pep Guardiola plie actuellement ses dernières paires de chaussettes pour Manchester, Manuel Pellegrini vivra aujourd'hui sa dernière après-midi en tant qu'entraîneur de City. Après trois ans de boulot, que retenir ?
Cela devait se terminer sur des regrets. « Nous aurions dû gagner ce match, on le méritait. On a vraiment bien joué. Je pense même qu’on a livré nos vingt-cinq meilleures premières minutes de la saison. » Comme souvent, Manuel Pellegrini est dans son style : sobre, affirmé, tranchant. Jusqu’au dernier mot prononcé, rien n’aura changé. Quelques minutes plus tôt, avancé devant son groupe et à l’aube d’une dernière bataille pour aller décrocher une place en Ligue des champions la saison prochaine, l’entraîneur chilien était déjà dans ce registre, la nostalgie à la place de l’analyse sportive, au centre de l’Etihad Stadium de Manchester. Il vient de refermer une parenthèse de trois saisons dans une carrière qui s’étire maintenant sur vingt-huit longues années. Les traits sont tirés, le cœur lourd, car jusqu’au bout, Manuel Pellegrini n’aura pas été reconnu à sa juste valeur. Personne ne s’est réellement attardé sur ses adieux à l’Angleterre du foot, son au revoir à Manchester City, pas même un stade qui s’était déjà en partie vidé après le nul entre les Citizens et Arsenal (2-2) dimanche dernier. Comme si la rupture était une bonne chose, comme si l’Ingénieur pouvait partir sans bruit et que tout le monde n’en avait rien à foutre. Du côté de Manchester, on ne pense déjà plus qu’à Pep Guardiola, son successeur, et on semble déjà oublier qu’il y avait un avant. Et surtout que Manchester City n’a peut-être jamais été aussi grand que sous Pellegrini.
« On peut toujours faire mieux »
Pourtant, depuis début février, Manuel Pellegrini n’a jamais paru aussi seul. On parle plus de son successeur que de lui, plus du conte de Leicester que de ses propres joueurs, et son mandat a presque été passé sous silence. Comme si une demi-finale de C1 était devenue une banalité. Alors oui, Manchester City est complètement passé à côté de sa double confrontation contre le Real (0-0, 0-1), mais on peut pardonner l’inexpérience d’un puceau. Pellegrini : « On peut toujours faire mieux, je suis déçu, vraiment, mais le plus important est de se comparer aux autres équipes. Si on fait un résumé de mes trois ans passés ici, Manchester City est l’équipe qui, sur cette période, a pris le plus de points en Premier League. L’équipe que j’ai menée est celle qui a eu les meilleures performances de l’histoire du club et aussi celle qui a marqué le plus de buts. Le seul secteur où on n’est pas les meilleurs, c’est la défense, mais la différence de buts entre nous et les autres équipes est immense. » C’est simple : sur une même période, seul José Mourinho, entre 2004 et 2007, a fait mieux que l’homme poivre et sel. Les statistiques parlent pour lui et la vitrine aussi (deux League Cup, un championnat) avec un groupe qui n’a cessé de lécher les bottes de son guide comme Joe Hart : « On ne peut pas le critiquer. Il a réussi à construire quelques choses de fort, un lien entre nous et on peut parler d’amour, véritablement. »
Mais peu importe, le football tabasse les sentiments, mais n’en ressent aucun. C’est comme ça et Pellegrini le sait. C’est aussi pourquoi l’entraîneur chilien a préféré annoncer son départ de lui-même, histoire de claquer la porte à la gueule des rumeurs sifflantes. Manuel Pellegrini n’a jamais cherché la polémique et ne l’a jamais trouvée. Il n’a jamais bougé ses dirigeants, n’a jamais posé de conditions et a su faire briller son City dans la discrétion. C’est sa force, ce qui le rend différent et peut-être ce qui faisait passer sa présence à Manchester City comme une anomalie. Progressivement, le club a changé de catégorie et l’été prochain doit marquer définitivement le début d’un nouveau cycle. On parle même d’une ère avec l’arrivée de Guardiola et l’enveloppe de 200 millions d’euros pour recruter qui lui est promise. Car Pep brille et Pep a – quasiment – toujours gagné. Reste que Pep a surtout toujours tout eu. Là, il doit construire sur des bases nouvelles et repartir avec une page blanche. Ce qu’il n’a jamais connu.
Le mousseux bouchonné
Alors la question est légitime : que restera-t-il de Manuel Pellegrini ? En arrivant en juillet 2013, la mission du coach chilien était simple : redonner de la sérénité à un vestiaire de stars et lier enfin le projet City dans la durée. Ces Citizens ne sont pas les siens, la plupart était là avant lui et le sera après, mais Pellegrini a su poser les bases solides d’un mouvement collectif commun avec un schéma tactique fixe, ce qui lui a d’ailleurs joué des tours. Car en trois ans, Manchester City a alterné entre le pétillant offensif et la fragilité défensive liée aux blessures fréquentes du capitaine Vincent Kompany. Le tableau qui se dégage est alors paradoxal car, à plusieurs reprises, on aura vu Pellegrini incapable de retourner certaines situations. Pire, ces cadres ont même régressé au fil des saisons pour progressivement laisser l’entraîneur chilien seul face à ses responsabilités et ses choix. Depuis plusieurs mois, Manuel Pellegrini n’a jamais été en mesure de retrouver le relais perdu de Yaya Touré par exemple, ce qui est un symbole relatif. Son succès est européen et a placé Guardiola dans de bonnes conditions, là où Mancini avait échoué avant lui. On parle bien de bases. C’est ce que restera finalement Pellegrini : un bâtisseur, là où Pep Guardiola devra donner de la constance – enfin – à une galaxie d’étoiles. Là aussi, c’est une question de respect. Et sur ce point, City n’est pas encore un grand club.
Par Maxime Brigand