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Manuel du football olympique
Le tournoi de foot olympique est une bizarrerie qui revient tous les quatre ans. Quelque chose qui fait penser à une belle année 1984, au Super Eagles de 1996 et à Mia Hamm. Décryptage du tournoi olympique, qui n'est pas réservé aux amateurs de Football Manager.
288 hommes et 216 femmes, soit 16 équipes masculines et 12 équipes féminines. Neymar, Lo Celso, Matthias Ginter et John Obi Mikel. Les Îles Fidji. Le Maracanã, le Mineirão du 7-1, l’Arena Corinthians de São Paulo. Deux médailles d’or, et même des médailles d’argent et de bronze pour les vaillant(e)s. Le plus vieux tournoi international de football au monde. Et pourtant, une popularité en berne, un intérêt limité, un fonctionnement hasardeux. Les Jeux olympiques et le football, ça paraît être une histoire compliquée. Alors qu’il suffit de démêler quelques ressorts pour tout comprendre.
Il était une fois la Coupe du monde
Le football est déjà présent lors des premières olympiades, en 1896 à Athènes, mais il n’a alors pas de statut officiel. Si la distinction est encore floue, il se rapproche des « sports de démonstration » , ces disciplines qui ont droit de présence sans être inclus dans le palmarès, comme la pêche et la pétanque pour les Jeux olympiques de 1900, à Paris. Le foot est officiellement reconnu en 1908, suite à la création de la FIFA quatre ans plus tôt et à l’organisation d’épreuves de qualifications. Le tournoi olympique de football devient la première véritable compétition internationale de foot, à la suite du British Home Championship et bien avant la première Coupe du monde, en 1930.
En 1920, l’Égypte est la première nation non-européenne à participer aux JO, suivie en 1924 et 1928 par l’arrivée des pays du continent américain – et par les deux victoires consécutives de l’Uruguay. Cette réussite valide le rêve de Coupe du monde fait par Jules Rimet, qui prend forme en 1930. La mise en place du tournoi mondial de la FIFA accompagne l’apparition du professionnalisme dans le football et marque le schisme entre le CIO, qui prône l’amateurisme, et la FIFA, encline à la professionnalisation. Après la guerre, ce sont les pays du Bloc de l’Est qui profitent du flou entourant « l’amateurisme marron » : les joueurs employés par l’État mais sportifs à plein temps braquent 23 médailles sur les 27 possibles entre 1948 et 1980. La FIFA et le CIO doivent travailler de concert à l’instauration de nouvelles règles, la simple référence à l’amateurisme étant devenue désuète.
Des amateurs aux U23
Après des sanctions à l’encontre des joueurs participant à des matchs organisés par la FIFA s’ils ont précédemment pris part aux JO, la maison-mère décide de prévenir avec l’interdiction d’avoir plus de 5 sélections en A pour les JO de 1984 à Los Angeles, qui verront la France triompher. Puis, en 1992, c’est l’instauration de la fameuse règle « U23 + 3 » , à savoir une sélection composée de jeunes pros de moins de 23 ans accompagnés de trois joueurs plus âgés – même si, théoriquement, tout joueur amateur peut participer, quelque soit son âge. Une règle qui a aussi ses limites de genre puisque, depuis l’arrivée du tournoi féminin aux JO d’Atlanta en 1996, elle ne concerne pas les joueuses.
Dans le même temps, désireuse de bien marquer la différence avec la poule aux œufs d’or que constitue sa Coupe du monde, la FIFA précise que les matchs des Jeux olympiques ne comptent pas comme sélections. C’est simple, le tournoi ne fait même pas partie du calendrier FIFA. Ce qui explique pourquoi les clubs n’ont aucune obligation de libérer leurs joueurs, situation confirmée par le TAS avant les JO de Pékin en 2008, sur laquelle est revenue la FIFA avant Londres 2012… avant un nouveau revirement du Comité exécutif de la FIFA en septembre 2015, précisant que c’est aux clubs de choisir s’ils autorisent leurs salariés à prendre part au tournoi olympique. D’où l’arbitrage Neymar au détriment de la Copa América, d’où l’imbroglio Marquinhos, d’où, aussi, Larsson père retenant Larsson fils à la maison.
Les travaux d’Héraclès avant de monter sur l’Olympe
Mais cette règle U23 +3, ainsi que la responsabilité des clubs quant au choix de libérer leurs joueurs ou non, ne valent que pour le tournoi final, et pas pour les matchs qualificatifs. En effet, au contraire du Mondial ou de l’Euro, par exemple, les éliminatoires des JO ne sont pas organisés ad hoc mais intégrés à d’autres compétitions. En vrac : l’Euro espoirs (U21) pour la zone Europe, le championnat sud-américain U20, la CAN U23 pour l’Afrique ou, chez les femmes, le vainqueur de la Copa América et les trois premières nations européennes au Mondial canadien de 2015. Un joli gloubi-boulga qui n’aide pas à la lisibilité du tournoi et donc, à sa popularité.
Le tournoi olympique de foot est ainsi le parent pauvre tant des Jeux olympiques que du football. Pourtant, face à l’oligarchie qui règne en Coupe du monde, retrouver des équipes historiques au sommet des Olympiades du ballon est rafraîchissant. Il y a donc l’Uruguay qui, quoiqu’en pense la FIFA, continue d’arborer quatre étoiles sur son maillot, pour les mondiaux 1930 et 1950 mais aussi pour les JO 1924 et 1928. On retrouve également Lev Yachine et l’URSS, médaillés d’or en 1956, ou le Onze d’or hongrois, titré en 1952 avant que la Hongrie ne fasse le doublé puis le triplé en 1964 et 1968, ce qui en fait la nation la plus prolifique en la matière. Depuis 1996 enfin, aucun titre n’a échappé à une équipe africaine ou sud-américaine : le légendaire Nigeria d’Atlanta, le doublé argentin de 2004 et 2008 avec Javier Mascherano seul double médaillé de l’histoire du foot olympique, ou le tenant du titre mexicain. Côté femmes, l’hégémonie américaine est totale, avec quatre victoires et une finale perdue en cinq éditions. Alors, ce samedi 6 août à 22 heures, il ne faudra pas manquer l’alléchant France-USA au programme. Il sera bien temps ensuite de se mettre à l’apéro. Et là, pas question de la jouer amateur.
Par Eric Carpentier