- C1
- 8es
- RB Leipzig-Manchester City
Manuel Akanji, le gars sûr de Guardiola
Arrivé à Manchester City sans faire de bruit, Manuel Akanji s’impose peu à peu dans la défense centrale des Skyblues et paraît comme le défenseur idéal pour son entraîneur Pep Guardiola.
Quand on vous dit de lire les petits caractères en bas des pages, ça vaut aussi pour les rapports du mercato. Derrière les belles et grosses lignes du carnet de bord des Citizens, un mouvement estival est passé relativement inaperçu et a pourtant changé beaucoup de choses. C’est le cas de l’arrivée de Manuel Akanji, débarqué en toute fin du mois d’août dans l’ombre du recrutement d’Erling Haaland, un autre ancien du Borussia Dortmund. Le Suisse devait surtout apporter de la profondeur à l’arrière-garde du club anglais, réputée pour être fragile physiquement, mais a déjoué les pronostics qui lui prédisaient un faible temps de jeu. Au contraire, il est le premier surpris de son utilisation par Pep Guardiola. « Je ne pensais pas être titularisé aussi souvent », reconnaissait-il dans les colonnes du média suisse Watson en octobre dernier, moins de deux mois après son arrivée. Pourtant, l’international helvète s’est rapidement imposé dans la charnière centrale d’une des meilleures équipes d’Europe, au point d’être le défenseur qui a le plus joué cette saison sous les ordres de Pep Guardiola (près de 1800 minutes au compteur). Transféré du club de la Ruhr à City pour la modique somme de 17,5 millions d’euros, le joueur de 27 ans est l’un des meilleurs achats du point de vue du rapport qualité prix. Un montant dérisoire par rapport aux coûts dépensés par le club anglais dans le passé pour des défenseurs : 71 millions pour Rúben Dias, 65 pour Aymeric Laporte, idem pour João Cancelo, 57 pour Benjamin Mendy, 55 pour John Stones, 52 pour Kyle Walker…
Un joueur guardiolesque
Joleon Lescott, ancien international anglais et défenseur central de Manchester City durant cinq saisons, a récemment salué cette acquisition bon marché. « C’était une affaire incroyable, explique-t-il dans des propos rapportés par le Sun. De nombreuses équipes le regarderont et se diront : “Pourquoi n’avons-nous pas vu cela et saisi cette occasion ?” » Le champion d’Angleterre 2012 et 2014 s’est aussi fendu d’une comparaison élogieuse à l’égard du joueur suisse. « C’est un peu comme pour Thiago Silva : quand il est arrivé [à Chelsea], c’était comme s’il était là depuis toujours, affirme l’ancien compère de Vincent Kompany. L’impact s’est fait en douceur. » Le joueur formé au FC Winterthour était pourtant supporter du club rival de City durant son enfance. « Depuis tout petit, mon club préféré est Manchester United, confiait Manu au média suisse NZZ en 2018. J’aimerais bien y jouer un jour. » Celui qui n’est désormais plus fan des Red Devils satisfait pleinement son entraîneur, pourtant réputé pour son haut degré d’exigence. « Manu a eu un impact énorme depuis son arrivée, complimentait le mage catalan en octobre dernier. Le club a fait une signature incroyable avec lui. Nous sommes chanceux de l’avoir. »
Au vu de ses qualités, Manuel Akanji correspond fortement au profil recherché et voulu par Guardiola pour occuper sa défense centrale, avec des joueurs qui se retrouvent souvent près de la moitié adverse. « C’est une grosse garantie défensive, parce qu’il va très vite, explique son ancien entraîneur au Borussia Dortmund, Lucien Favre, qui le décrit comme très sympathique et très ouvert. Ça rassure quand vous jouez haut. On peut compter sur ses retours, donc c’est une sécurité en plus. Il le fait très bien et anticipe très bien la profondeur. » Un atout qui s’accommode bien avec son aisance balle au pied : le roc de la défense des Skyblues possède une très bonne relance et a la faculté d’avoir les deux pieds, des atouts indispensables dans une formation coachée par le Catalan. Son ancien coéquipier au FC Bâle, Seydou Doumbia, souligne une autre de ses forces : la sérénité. « Sa manière de jouer correspond à ce que le coach cherche, analyse l’ancien international ivoirien. Quand il est en défense, c’est rare qu’il dégage le ballon. Il peut monter balle au pied, défend très bien et sait bien anticiper. » L’ancien attaquant de l’AS Rome considère que son ancien compère lors de la saison 2016-2017, avec qui il a maintenu un bon lien depuis, pourrait devenir l’un des cinq meilleurs défenseurs centraux du monde. « S’il s’en donne les moyens, il peut en faire partie, car il a vraiment une capacité de pouvoir progresser et comprendre les choses. »
Le cerveau de la bande
En octobre dernier, en l’absence de Kyle Walker, blessé à l’aine, Akanji avait dépanné au poste de latéral droit face à Southampton. Après avoir remporté la rencontre (4-0), Guardiola avait notamment loué l’intelligence et la faculté d’adaptation de son joueur, qui évolue habituellement en défense centrale. « Le mouvement qu’il devait faire en tant qu’arrière latéral dans notre pressing élevé, il ne s’y est pas entraîné une seule fois et il l’a parfaitement fait, expliquait l’Espagnol dans la foulée du coup de sifflet final. Cela prouve encore une fois qu’il s’agit d’une personne intelligente. Ces personnes sont toujours payantes. » Celui qui a été nommé meilleur joueur de l’équipe en octobre a très vite impressionné le staff des Citizens. Après cette rencontre contre les Saints, le technicien catalan avait raconté une discussion qu’il avait eue avec son assistant Carlos Vicens, l’entraîneur des coups de pied arrêtés : « Carlos m’a dit : “Tu lui dis juste une fois et il le sait.” Le mouvement, défensif et offensif, il le répète et l’exécute parfaitement. »
Autant d’aptitudes qui plaisent à Guardiola. « C’est un cadeau pour un manager, révélait-il en début de saison. Il y a des joueurs auxquels vous devez expliquer des choses dix fois et d’autres auxquels vous devez faire répéter dix fois ce que vous pensez ou ce que vous voulez faire. Avec ce gars, il suffit d’un entraînement pour lui dire les choses, et il les comprend. » Issu d’une famille sportive avec une mère suisse, ex-joueuse de tennis, et un père nigérian, ancien footballeur amateur, le natif de Neftenbach, un petit village du canton de Zurich, est également polyglotte, parlant allemand, italien, français et anglais. Dans un effectif où se mélangent onze nationalités différentes, ses capacités linguistiques lui facilitent la communication, lui qui est toujours prêt à faire un pas vers les autres. « Il commençait à apprendre le français et avait une facilité à pouvoir parler plusieurs langues, se remémore Doumbia de leur saison ensemble. Je ne parlais pas bien allemand, donc souvent quand il voulait me parler, il essayait quand même de parler en français. » Au-delà de son côté chaleureux et abordable, le défenseur est aussi réputé pour ses facilités en calcul mental. « J’avais un professeur qui organisait des compétitions en calcul mental, confiait-il à Sky Sports en octobre dernier. Je savais que j’étais vraiment bon. J’arrivais toujours en finale et je gagnais souvent. » Néanmoins, Akanji est habitué à surprendre lorsqu’on ne l’attend pas. En mars 2016, alors qu’il portait les couleurs du FC Bâle, il avait subi une rupture du ligament croisé du genou. Beaucoup doutaient alors de sa guérison totale et se posaient des questions sur les conséquences pour la suite de sa carrière. Le Suisse s’était alors fait tatouer « Prove them wrong » sur son avant-bras gauche (traduisez par « prouve-leur qu’ils ont tort »). En retrouvant les terrains neuf mois après, l’actuel Citizen était parvenu à faire taire les sceptiques. Aujourd’hui, sous la tunique ciel de Manchester City, il continue à le faire pour le plus grand bonheur de Guardiola.
Par Alexandre Ross
Propos de Doumbia et Favre recueillis par AR.