Manu Petit : «écorché vif»

Emmanuel, tu sors un livre qui retrace ta carrière, cela annonce-t-il un retour dans le football ? Absolument pas. Je n’ai pas le temps, pas l’énergie de revenir dans le football. Avec ce livre j’ai plutôt envie de dire merci beaucoup mais au revoir. Le principal reproche que je fais au football, c’est comme dans la vie d’ailleurs, c’est que l’on est dans un système de l’argent roi. La plupart des gens subissent un système qu’ils n’ont pas choisi. Il y a dans le football un nombre de transferts opaques hallucinant. Tant qu’on laisse faire, il ne faut pas s’étonner de voir des présidents au passé étrange à la tête de clubs.

Tu brosses un portrait sombre du football… Il y a des solutions pour l’améliorer. Quand je regarde ce qui se fait aux États-Unis, je me dis qu’au lieu de les critiquer, on ferait bien de s’en inspirer. La draft ou le système de salaire égal sont des dispositions qui pourraient servir. Il y a encore des choses positives dans le football comme la vie de groupe ou le dépassement de soi. Ce qui est beau dans ce sport, et il ne faudrait pas que les dirigeants l’oublient, c’est l’incertitude du résultat.

Justement, en parlant d’incertitude, tu évoques dans ton livre un club du sud de la France qui aurait truqué certains matchs… Oui, l’OM et Tapie, tu peux le dire, tu ne risques rien, de toute façon, tout le monde s’en fout. Dans les années 1990, il y avait des choses pas nettes lors de certains matchs. Tous les journalistes qui étaient en poste à cette période pourront te le dire, c’était plus qu’un secret de polichinelle. Seulement on était en face d’un système pyramidal, on était face à des gens protégés par Mitterrand. Je ne savais pas qu’Eric Di Meco militait pour la restauration du titre de champion de France. Je voudrais lui faire remarquer qu’en Athlétisme quand le premier est destitué, le second est primé. En Italie c’est pareil. Il n’y a qu’en France où ça ne s’est pas passé comme ça.

Tu es critique envers le foot business, mais pourtant tu en as profité. Oui, à une période j’ai fait de la publicité. Cela m’a rapporté de l’argent, je n’ai pas de raisons de m’en cacher. Mais mon argent, je sais aussi comment je l’ai redistribué. Et je mets quiconque au défi de venir me donner des leçons à ce niveau. Oui après, il y a des choses que je regrette. Ce duo avec Sophie Thalmann, je crois que c’est un boulet que je traînerai jusque dans ma tombe.

Et avec la presse, ça n’a jamais été le grand amour. Le problème quand on est médiatisé, c’est qu’il ne faut pas être sensible, sinon on se retrouve vite dans la catégorie d’écorché vif. Je n’ai rien contre la presse. Enfin si, j’en ai après la presse qui s’autocensure. Celle-ci je lui jette une pierre. Bon une petite pierre parce qu’il faut en vouloir pour prendre le risque. Mais quand même, à force de ne vouloir froisser personne, on ne fait que des choses sans relief. Quand on est un mouton, il n’y a que deux fins possibles : c’est soit l’abattoir, soit le méchoui.

Ta sortie sur Zidane a fait grand bruit. Zidane ne se fait pas leader alors qu’il devrait. Les grands de ce monde, ce ne sont pas les politiciens. Zidane est l’un d’eux. Il pourrait se servir de son statut pour servir de nobles causes. Au lieu de ça, je le trouve un peu trop proche des grands patrons. Pour les banlieues, j’aurais aimé qu’il prenne position, qu’il prête main forte à Thuram qui était en première ligne.

Et l’équipe de France ? De l’équipe de France, je ne suis encore en contact qu’avec Vieira, Thuram, Gallas, Pires, Anelka et quelques autres. Les 80% restants, je ne les vois plus. Mais ce n’est vraiment pas grave. Moi je m’entends bien avec tout le monde. C’est juste le monde qui ne s’entend pas avec moi. Wenger est un de mes rares amis dans le football. Il dit de moi que je suis un emmerdeur. Mais c’est bien un emmerdeur, ça permet de voir plus loin.

Un pronostic pour l’Euro ? L’équipe de France a un gros potentiel. Si elle ne loupe pas son démarrage, elle peut vraiment aller loin. Pour la blessure de Vieira, ils disent, on va jusqu’au 8. Cela veut dire que ce n’est pas qu’une simple élongation. Je pense qu’il faudrait quand même un peu de clairvoyance. Il faut dire ce qu’il a, s’il se rétablit ou pas. Ce n’est pas une maladie grave. Le sélectionneur suisse a eu des problèmes bien plus graves et il a été clair. Ça nous avait plombé la préparation de 2002, il ne faudrait pas reproduire les mêmes erreurs.

Propos recueillis par Romain Canuti