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Manolo Saiz : « On ne va pas faire venir Messi »
Six ans après avoir quitté le milieu du cyclisme, suite à l’affaire Puerto, Manolo Saiz est de retour dans le sport. L’ancien directeur sportif de la Once vient d’entrer au Racing Santander, relégué en seconde division il y a deux mois. L’occasion d’en savoir un peu plus sur ce club racheté par un millionnaire indien l’année dernière, et de parler foot espagnol. Sur fond de crise économique, bien sûr.
Manolo, on t’attendait dans le vélo et te voilà finalement dans le foot, au Racing Santander.Je suis un professionnel du monde du sport. Cette proposition s’est présentée à moi. Depuis mon retrait du monde du cyclisme, je n’étais pas bien. Le Racing, c’est une bonne expérience, qui va m’offrir de nouvelles possibilités et l’opportunité de montrer que je suis capable, comme professionnel du sport, de gérer une situation sportive compliquée ailleurs que dans le vélo.
Le passage du cyclisme au football n’est pas difficile ?Le monde du cyclisme est beaucoup plus complexe que celui du football. Dans le cyclisme, il y a beaucoup plus d’improvisation. Je me rends compte que dans le foot, si tu es capable de planifier bien les choses et que tu as les moyens de les réaliser, ce n’est pas compliqué.
Quel sera ton rôle au Racing ?Je suis le manager général sportif, je travaille actuellement sur la composition de l’équipe. Je vais être en contact permanent avec les sportifs et le corps technique. Mais je ne vais pas travailler seulement avec l’équipe première, mais aussi et surtout pour la formation, avec l’objectif de laisser un club stable dans le futur. Je suis beaucoup plus proche du style allemand ou anglais que de la mentalité du foot espagnol, où l’on pense toujours en termes de résultats immédiats.
L’année dernière, l’Indien Ali Syed a racheté le club pour 50 millions d’euros. Il disait qu’il comptait faire du Racing une grande équipe, comme à Malaga, en investissant des millions d’euros. Aujourd’hui, le club est en deuxième division et sans argent. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Les Indiens sont venus, disposés à investir sous conditions. Celles-ci n’ont pas été remplies. Aujourd’hui, c’est à moi et à mes associés de donner une nouvelle portée, un nouvel élan à ce club.
Pourquoi n’a-t-il pas pu investir ?Pour plusieurs petites raisons. Il a d’abord mis de l’argent et a été trompé. Ensuite, il y a eu une série de circonstances défavorables. Je ne crois pas que le futur du club passe par Ali, mais par une augmentation de capital. Un autre entrepreneur doté d’un important pouvoir économique pourrait arriver au Racing, cela donnerait plus de tranquillité au club.
Ali Syed a pourtant assuré que le club n’était pas à vendre.Oui, ça serait une augmentation du capital, pas une revente. Si quelqu’un qui en a envie investit, il pourrait prendre 66% des parts, et Ali laisserait alors la gestion du club.
Cette semaine, tu devais aller à Bahreïn pour parler avec lui. Pour qu’il lâche un peu d’argent ?Je n’ai pas pu y aller, d’autres vont le faire. J’ai préféré rester en Cantabrie, ces deux semaines sont très importantes pour former l’équipe, faire venir des joueurs. Mais oui, l’idée de ce voyage est de trouver une stabilité, et pour cela on a besoin d’un ou deux millions supplémentaires qu’il pourrait apporter.
C’est un peu le bordel niveau administratif au club, les petits actionnaires ont même mené une action en justice pour invalider le nouveau conseil d’administration.Ça, c’est ce que veut vendre la presse. Il y a eu un recours en justice de seulement deux personnes, qui à eux deux détiennent 0,04% des parts. Leur action a fait beaucoup de mal à l’image du Racing. Imaginez-vous, deux types avec 0,04% des parts qui veulent invalider tout un conseil d’administration… Évidemment, leur demande a été rejetée.
« Le Racing Santander ressemblera à la Once »
Qu’en est-il du futur entraîneur ? Ali Syed a choisi Carlos Unzué, mais les membres du conseil d’administration bloquent sa venue.Ils avaient choisi un entraîneur, et m’ont demandé de le faire venir. Tout le monde sait que j’ai suffisamment de personnalité pour savoir ce que je veux pour le futur, et ce qui me paraît être le mieux pour le Racing. J’ai donc choisi un entraîneur didactique, susceptible de reformer le club. Comme je disais, je me fie beaucoup plus au modèle de football allemand, où la tranquillité et le long terme importent plus que le moment présent.
Concernant les joueurs, as-tu déjà avancé sur certaines pistes ?Bien sûr. Bon, on ne va pas faire venir Messi, mais on aura une équipe compétitive. Je crois que le Racing Santander ressemblera à la Once : sans grand leader, mais avec un groupe capable d’unir ses qualités pour gagner. On est en contact avec l’Athletic Bilbao, avec l’Atlético Madrid, tout le monde sait que je suis aussi très ami avec Sandro Rosell. On s’intéresse aussi de près à la formation française, qui est excellente. D’ailleurs, à plus long terme, j’aimerais signer des accords avec des clubs français.
L’Espagne vient de remporter l’Euro, mais la Liga, c’est une autre histoire. Presque tous les clubs se trouvent dans une situation économique très difficile.On en est là aujourd’hui. Il y a le Barça et le Real, le nouveau Malaga, puis des clubs comme Gijón, Bilbao ou Villarreal avec de bons centres. Mais dans le football espagnol actuel, 70% des revenus proviennent des droits télés. Il me semble que c’est une erreur, une des causes de l’instabilité de notre football.
Quelqu’un va se décider à modifier cette histoire des droits télés (plus de 40% reviennent au Real et au Barça), ou la Liga est-elle condamnée à être coupée en deux ?Pour l’instant, malheureusement, nous sommes en seconde division. On a donc très peu de poids dans l’opinion publique. Mais je compte bien faire remonter rapidement le Racing en Liga et débattre de ce problème avec plus de force. Le foot espagnol a besoin d’un mode de gestion relevant beaucoup plus du monde de l’entreprise, plus stable, comme en Allemagne. Le Racing a eu des difficultés, mais je pense que ça a été un des clubs les mieux gérés, puisqu’il a un déficit de 10 millions d’euros, soit beaucoup moins que la plupart des autres équipes. Notre objectif est que ce club devienne un exemple de gestion.
Cette situation économique dangereuse fait-elle perdre de l’attractivité à la Liga ?Non, ce qu’elle perd, c’est de la compétitivité. Deux équipes jouent le titre, le reste la troisième place ou le maintien. De l’attractivité, elle en a, entre tous les titres qu’a gagnés le Barça, la tranquillité que dégage le Real Madrid, les équipes qui jouent la victoire en Europa League comme Valence, Bilbao ou l’Atlético. On a suffisamment d’arguments pour bien travailler, à condition de mettre plus de stabilité dans tout ça.
Comment résoudre la crise économique du foot espagnol ? La mise en place d’une instance de contrôle, comme la DNCG en France, pourrait-elle être une solution ?L’unique solution est que l’on se transforme en clubs rentables, et pour cela, il faut faire des clubs espagnols de véritables entreprises, qui recherchent avant tout la stabilité. C’est la condition d’un football efficace et durable.
Propos recueillis par Léo Ruiz