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Mandžukić, l’aile ou la cuite
Avec son physique de déménageur et son jeu de de tête cinq étoiles, Mario Mandžukić semblait voué à évoluer uniquement à la pointe de l'attaque des Bianconeri, comme remplaçant attitré de Gonzalo Higuaín. Pourtant, en quelques semaines, Massimiliano Allegri est parvenu à faire du Croate un ailier fondamental au fonctionnement de son nouveau système en 4-2-3-1. Retour sur une mutation inattendue, mais remarquablement efficace.
D’une aile à l’autre, un monde ou presque. À droite, Juan Cuadrado, ses arabesques balle au pied, ses crochets foudroyants et ses semelles sensuelles qui caressent délicatement le cuir. À gauche, Mario Mandžukić, ses appels innombrables, son jeu de tête surpuissant et ses retours défensifs rageurs. Et au milieu de tout cela, Massimiliano Allegri, qui observe l’ensemble d’un œil approbateur. Car en recyclant son attaquant de pointe sur l’aile, l’Italien pourrait bien avoir trouvé en Mandžukić le point d’équilibre d’une équipe qui était encore en quête de certitudes tactiques il y a à peine plus de deux mois.
L’ingrédient surprise d’Allegri
L’équation a longtemps été complexe et les variables nombreuses pour cette Juventus-là. À la mi-janvier, les Turinois subissent une défaite vexante à l’Artemio Franchi (2-1) face à la Fiorentina. Si elle reste leader de la Serie A, la Vieille Dame doit encaisser un quatrième revers en championnat après vingt journées, là où elle n’avait subi que cinq défaites sur l’ensemble de la saison 2015-2016. De quoi faire cogiter Massimiliano Allegri. Qui doit bien se rendre à l’évidence : sa Juve n’est plus tout à fait impériale, le sacro saint 3-5-2 hérité de l’ère Conte n’offrant plus les même garanties défensives que par le passé. De quoi inciter leMister bianconero à faire bouger les lignes. Fini la défense à trois, place au 4-2-3-1. Et à Mario Mandžukić, qui troque son statut de remplaçant de luxe de Gonzalo Higuaín pour celui d’ailier dans la nouvelle formule imaginée par Allegri. Un choix qui détonne, pour un joueur dont la grande carcasse et l’impact physique n’entrent pas franchement dans le registre de l’ailier type. Qu’importe, avec le Croate, la Juve assure et rassure, n’encaissant que deux buts lors de ses sept derniers matchs toutes compétitions confondues (pour autant de succès). Comme si Mandžukić avait définitivement cimenté le collectif bianconero. « Avec ses qualités, c’est un joueur qui a transformé la Juventus plutôt que l’inverse » , avancait Allegri en conférence de presse.
Nouveau Mario, nouveau système
Une mise à jour tactique d’abord rendue possible par l’éventail de qualités d’un joueur de devoir trop souvent mésestimé. La Juventus disposait déjà d’un ailier virtuose en la présence de Cuadrado, ne lui manquait plus qu’un ailier travailleur, capable de multiplier les efforts défensifs, pour tranquilliser une formation focalisée sur la recherche d’un plan de jeu équilibré. L’apport de Mandžukić diffère ainsi de celui de l’ailier classique : avec lui, pas de dribbles chaloupés ou de soyeuses frappes enroulées, mais des rushsdans tous les sens pour proposer des solutions de passes à ses coéquipiers, une inlassable combativité à la récupération du ballon, un jeu aérien et en déviation précieux et une densité renforcée dans la surface adverse. Ainsi que la possibilité de s’appuyer sur une formation en 4-2-3-1, qui permet à certaines individualités du collectif bianconero encore un peu en dedans depuis le début de la saison de respirer un bon coup. À commencer par Paulo Dybala, plus à l’aise en retrait de Gonzalo Higuaín, que lorsqu’il évoluait avec son homologue argentin dans un système à deux attaquants. Depuis que Mandžukić se démène pour animer et blinder le côté gauche, le petit Paulo est un homme libéré, plus décisif quand il navigue entre la ligne d’attaque et le milieu, comme en attestent ses quatre buts en deux passes décisives depuis la mi-janvier. Constat identique pour Miralem Pjanić, dont le nouveau système de jeu lui permet d’évoluer plus bas, dans une position semblable à celle qui était la sienne à la Roma. Là, lesté du marquage adverse, sa vista et sa qualité de passe peuvent plus facilement s’exprimer pour rythmer le jeu des Turinois.
« Il n’a décidément pas le même moteur que les autres… »
De quoi rassurer Massimiliano Allegri, à l’heure de défier le FC Porto en terres portugaises. Et qui affirme n’avoir pas eu grand-chose à faire pour transformer l’attaquant de pointe qu’est Mandžukić en ailier travailleur : « On le considère comme un joueur avant tout physique. Mais c’est oublier sa qualité technique et sa capacité à répéter les efforts. Il n’a décidément pas le même moteur que les autres » , se réjouissait ainsi le Misterfin février dernier. Ce qui n’est pas le cas de Marko Pjaca , ailier de formation prometteur recruté par la Juve cet été, mais dont la technique ciselée n’est pas près de supplanter la grintade l’attaquant croate : « Pjaca doit comprendre que le football n’est pas qu’une question de technique… Il a de grandes qualités, mais pour devenir un grand joueur ici, il vous faut une mentalité irréprochable. » « Et le mental, c’est le point fort de Mandžukić, analysait fin janvier le sélectionneur croate Ante Čačić. N’importe qui peut se battre dix minutes sur le terrain, mais peu peuvent le faire tout le long du match comme Mario. Ce serait le premier à dire qu’il peut jouer dans n’importe quelle position pour être dans le onze type. » Ne reste plus qu’à demander au principal intéressé ce qu’il pense du nouveau rôle qui lui a été alloué au sein de la Vieille Dame : « J’aime cette nouvelle tactique pensée par le coach… Cette nouvelle formation me semble idéale pour optimiser nos qualités offensives. Moi, on me demande d’aider l’équipe et d’être sans cesse disponible et c’est que je fais, en essayant de donner l’exemple à mes équipiers. » Autant dire que le Croate vit franchement bien sa reconversion professionnelle.
Adrien Candau
Tous propos issus de Tuttosport, La Gazzetta dello Sport et espnfc.com