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Mandanda, profession thermomètre
Décisif à Toulouse dimanche dernier et cadre au-dessus de la mêlée depuis son retour à l'OM l'été dernier, Steve Mandanda confirme à 32 ans qu'il est encore le repère de la bonne santé du club marseillais.
Il paraît que le temps passe vite, surtout dans le foot, et peut-être au Vélodrome plus qu’ailleurs. Il paraît aussi qu’à 32 ans, Steve Mandanda venait de toucher le fond du bocal façon Shurik’n entre les lignes de Demain, c’est loin : sur un banc, sans rien, ou pas grand-chose, à faire. C’était l’Angleterre, Crystal Palace, et un rêve de gosse qui explose en vol. De cette expérience, Mandanda disait en décembre à L’Équipe : « Ne pas jouer, ne pas t’entraîner avec le groupe, le coach qui ne te regarde même pas… Ça ne m’était jamais arrivé.(…)Pour moi, c’était injuste, car les deux qui jouaient à ma place n’étaient pas meilleurs que moi. Mais il n’y avait rien à faire. Dans ce cas-là, soit on s’effondre et on abandonne. Soit on travaille en pensant au futur. C’est ce que j’ai fait pendant six mois. » Et l’ancien boxeur est revenu, sur la pointe des pieds, dans un club où il était quoi qu’il arrive déjà une légende, attaquant dans la foulée le treizième round de sa carrière pro. Confirmation : Jérémie Guez avait prévenu, il n’y a bien « rien de plus dangereux qu’un boxeur heureux de boxer » .
« L’homme du match ? Quand même, c’est moi ! »
Dimanche dernier, à Toulouse, où l’OM a regoûté à la victoire en Ligue 1 (2-1) après une branlée reçue au Parc (0-3) et un nul heureux contre Nantes (1-1) au Vélodrome, Steve Mandanda a ainsi débarqué en zone mixte et s’est marré : « L’homme du match ? Sur 90 minutes, quand même, c’est moi ! » Un peu plus loin, toujours au Stadium, Rudi Garcia n’a pas dit autre chose : « On a très très bien entamé la rencontre, mais on a laissé cette équipe de Toulouse prendre confiance, égaliser et renaître. Heureusement, Steve nous a tenus à flot et on a fait un résultat. » À Marseille, c’est devenu un vieux réflexe : prendre la température de l’OM revient souvent à regarder les performances d’un mec qui pèse près de 480 matchs avec le club. Mandanda, lui, fait du Mandanda : il profite de l’instant, cultive son jardin et entretient, sur le terrain, une image qu’il espère similaire « à la personne qu’[il est] en dehors. » Dans ce cadre, il ne change pas et semble même s’être élevé depuis son retour à Marseille l’été dernier, comme s’il souhaitait être la couverture de survie d’un groupe qui dépasse largement les espoirs initiaux des dirigeants. Dimanche soir, en cas de victoire au Vélodrome, l’OM peut mettre l’OL à huit points et conforter sa place sur la boîte, quelques jours après s’être qualifié pour les quarts de finale de la Ligue Europa.
Le but qu’il ne doit jamais prendre
Tiens, Lyon. Un vieux souvenir : en novembre 2009, à Gerland, on assiste à un bordel sans vainqueur (5-5) entre l’OL et l’OM. Le lendemain, Steve Mandanda file en équipe de France, Raymond Domenech l’attend et lui annonce qu’Hugo Lloris, auteur d’une boulette énorme au milieu du choc de la veille, sera titulaire pour le barrage en Irlande. « Là, j’ai senti que c’était fini. Derrière, on se qualifie et il joue la Coupe du monde en Afrique du Sud.(…)J’ai mis pas mal d’années à me sentir à nouveau bien avec les Bleus. J’étais déçu, vexé. Je m’en voulais à moi-même de ne pas avoir été performant et de ne pas avoir été assez costaud mentalement pour affronter tout ce qui a suivi » , racontait Mandanda toujours en décembre, toujours à L’Équipe. Depuis, le bonhomme a « fait son deuil » , accepté la sanction du terrain sans forcément la comprendre, tout en traversant les vestiaires comme les crises, mais a tenu dans le combat de l’âge. À Lyon, toujours, il est pourtant retombé, le 17 décembre dernier (0-2), se trouant sur un coup franc lointain de Fekir. Sa réaction ? Comme à chacune de ses glissades : « Je prends l’entière responsabilité de cette défaite. On était bien, pas en difficulté et je prends ce but que je ne dois jamais prendre. » Garcia, lui, a refusé de l’enfoncer.
L’arrêt d’une vie
Car l’entraîneur marseillais a trop de respect pour les institutions et qu’il s’est toujours appuyé sur les totems, partout où il est passé. Puis, Mandanda, c’est un truc à part : une aura naturelle, un caractère qui lui permet de dominer les débats et d’obtenir l’adhésion de tous. Le natif d’Évreux rassemble plus qu’il ne divise. Rappelez-vous qu’en 2010, après le départ de Mamadou Niang à Fernerbahçe, le portier avait été élu par le vestiaire marseillais capitaine sans rien avoir quémandé. Avec Garcia, il a perdu le brassard, le coach refusant de le donner à un gardien, mais est resté une aiguille centrale du système OM où il fait partie du conseil des sages aux côtés de Rolando, Dimitri Payet et Luiz Gustavo. Sur le terrain, ça s’est traduit par des gueulantes, forcément, et des soirées héroïsme comme face à Bilbao ou à Nice durant l’automne. « Mes arrêts ? C’est mon rôle de les faire et d’apporter ce que je peux à l’équipe » , répond un Mandanda qui a retrouvé le calme dans la tempête et qui retrouvera la semaine prochaine Clairefontaine, seule béquille de sa carrière. Et ce, alors qu’Hugo Lloris n’est pas forcément meilleur que lui. Plus qu’une histoire de temps. Reste une envie, lâchée il y a quelques mois : « Pour moi, ce n’est pas fini. L’arrêt que tout le monde se rappellera, j’espère que je l’aurai un jour. »
Par Maxime Brigand