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Mandanda peut-il inquiéter Lloris ?
Exceptionnelle, monstrueuse, hallucinante... Les qualificatifs viendraient à manquer pour évoquer la prestation du portier marseillais, dimanche soir, face à l'OL (1-1). Salué par son coach et ses coéquipiers, Steve Mandanda a confirmé son excellent regain de forme depuis la reprise du championnat. Suffisant pour bouleverser la hiérarchie des gardiens en équipe de France ? Pas vraiment...
« Nous avons deux joueurs que je considère comme irremplaçables, car ils pourraient jouer dans les meilleurs clubs du monde. Il y a notre capitaine et Lass’. Mais au fil de ma carrière, j’ai joué avec des grands gardiens, comme Buffon et Bravo. Steve est parmi les meilleurs. Il nous a sauvés à plusieurs reprises. » On commençait à s’habituer aux louanges faites à Lassana Diarra depuis son arrivée en Ligue 1, un peu moins à celles concernant Steve Mandanda. Pourtant, lors de la conférence de presse de Mauricio Isla, ce mercredi à Marseille, c’est bien le gardien olympien qui a récolté les lauriers. Dans la foulée, Míchel a emboîté le pas à son ailier chilien pour vanter, à son tour, les qualités d’un « véritable capitaine » qui, en plus d’être un grand joueur, est « en train de devenir un ami » . Toujours appréciable venant d’un mec qui a été six fois champion d’Espagne avec le Real. Dimanche soir, après être allé chercher à lui tout seul le point du nul sur la pelouse d’un Parc OL flambant neuf, Steve Mandanda a simplement assuré avoir « fait son job » . Un travail de titan que n’a pas manqué de saluer le président Aulas qui, en passant derrière lui en zone mixte, lui a glissé amicalement : « Il faut arrêter d’être aussi bon, y en a marre ! » Et Lloris, il en pense quoi ?
De Poulidor à Mandanda
Si le portier olympien a autant le vent en poupe, c’est qu’il a ses raisons. Auteur d’une partie dantesque dimanche soir à Lyon, le capitaine de l’OM a écœuré les hommes de Génésio, trois semaines après son récital en Coupe de France face à Caen. Claquette, sortie dans les pieds, présence dans les airs, parade main opposée, la prestation fut une nouvelle fois totale, et le spectacle grandiose. Si bien que le lendemain, L’Équipe s’est senti obligé de dégainer le 9/10. Logique. Mérité. Cependant, la situation de Steve Mandanda en bleu va-t-elle en être bouleversée pour autant ? Quelques statuts d’homme du match et une poignée d’arrêts spectaculaires peuvent-ils lui permettre de décrocher une place de numéro 1 en Bleu perdue depuis belle lurette ? À moins de cinq mois de l’Euro, la réponse tend vers le négatif. Mandanda, à bientôt 31 ans, serait donc condamné à évoluer dans l’ombre d’Hugo Lloris jusqu’à la fin de sa carrière – tel un Raymond Poulidor du temps d’Anquetil.
À ce triste constat, deux raisons. La première étant la présence sur le banc tricolore de Didier Deschamps, un sélectionneur qui réaffirme à chaque rendez-vous sa confiance indéfectible en Hugo Lloris. Or, à 133 jours d’un Euro où les Français sont particulièrement attendus, on imagine mal le patron des Bleus changer son portier titulaire et capitaine. D’autant qu’après les récentes convocations de Martial, Ntep, Gignac, Ben Arfa, Coman et Areola, il va être temps d’arrêter les « tests » et de songer sérieusement à un onze définitif. Concernant le poste de gardien, même si Steve Mandanda semble s’être fait une raison, l’hypothèse d’un hold-up doit toujours lui trotter dans la tête. Meilleur portier français pour les uns, grand frère et patron pour les autres, l’ancien Havrais récolte actuellement les fruits de son impeccable travail. En dépit d’une régularité pas vraiment exemplaire qui contribue, elle aussi, à en faire le Poupou de Dédé.
Steve, le grand frère
Si l’histoire de Mandanda en équipe de France se résume à un rôle d’éternel second, c’est aussi parce qu’en face truste un irréprochable Lloris. Accroché fermement aux cages des Spurs depuis 2012, le successeur de Brad Friedel trace sa route sereinement, sans faire de vagues ni de fautes majeures. Régulièrement vu comme le meilleur gardien de Premier League (si Pat Jennings l’a dit…), l’ancien Lyonnais peut aussi s’appuyer sur une expérience de l’étranger que n’a jamais connu le rempart olympien. Et, par extension, de l’international. Régulièrement dans les choux (cette sortie à Braga fin octobre…), le grand Steve a pour habitude de briller par intermittence. Capable de sauver les siens le jeudi, puis de les planter le dimanche, Mandanda est à l’image de son club : grand, puissant, mais aussi cruellement instable.
En bon capitaine et gardien qu’il est, Steve Mandanda est celui qui encaisse. Aussi bien les buts que les critiques, justifiées ou non. Alors quand il se transforme en Fantômette pour offrir le but du 3-2 à Braga fin octobre, il relève la tête face aux journalistes et assume : « Je tue le match à la fin sur cette erreur d’appréciation, tout simplement. » Et forcément, quand c’est à son tour de régaler, comme face à Lyon dimanche soir, Steve se fait à nouveau réaliste : « Je suis content, oui. En même temps, c’est mon rôle, mon job. J’essaye de le faire au mieux. Ce soir, ça a souri, tant mieux ! » Il y a peu, Lassana Diarra rappelait au journal L’Équipe que ce fameux boulot, Mandanda le fait depuis huit ans à l’OM. Huit ans à garder les cages, à parler à la presse, aux supporters, à replacer sa défense, à recadrer certains jeunes, à se justifier, à encaisser, à célébrer, à espérer, pour finalement déchanter. Huit ans à mener une vie de footballeur et de grand frère pour finalement en arriver à espérer une place de numéro 1 qui ne viendra sans doute jamais. Parce que certains lui ont barré la route, mais aussi, et surtout, parce que le destin en a décidé ainsi.
Par Morgan Henry