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- 35e journée
- Lazio/Inter Milan
Mancini et le tournant de ses années Lazio
Quand on parle de Roberto, on pense rapidement Inter et Sampdoria, mais beaucoup moins à la Lazio. Pourtant, c'est bel et bien là que s'est joué l'un des tournants de sa carrière.
Costard noir, polo blanc ouvert jusqu’au torse et mèche impeccable. Même en conférence de presse, Roberto Mancini fait dans le classieux. Au menu du jour : la tactique à employer face à la Lazio, le fair-play financier (l’Inter a récemment pris une amende de 6 millions d’euros) et les ambitions du club. Réponse du Mancio : son équipe doit battre la Lazio pour espérer la Ligue Europa et tentera de se renforcer malgré la pénalité financière. C’est d’une logique implacable, limite langue de bois. Ce que l’on semble juste oublier, c’est que Roby connaît très bien le club qu’il rencontre ce soir. Et il le connaît même très bien puisqu’il y a fait ses débuts en tant qu’entraîneur et y a vécu le Scudetto le plus fou de l’histoire.
Col relevé, talonnades et Coupes d’Italie
Tout démarre en 1997. Après quinze années de bons et loyaux services à la Sampdoria, certainement les années les plus prolifiques du club, Roberto décide de quitter Gênes et de suivre son mentor. Direction la Lazio avec Sven-Göran Eriksson donc. Et dès la première saison, les deux compères s’offrent une première Coupe d’Italie et un parcours en UEFA proche de la perfection. Dans l’ordre, ils marchent sur le Vitória Guimarães, le SC Rotor Volgograd, le Rapid Wien, l’AJA Auxerre et l’Atlético Madrid avant de tomber en finale face à l’Inter de Ronaldo. Le Mancio n’inscrit que trois buts dans la compétition, loin derrière le grand Stéphane Guivarc’h, mais il détient une place de choix dans le dispositif du Suédois. Il est titulaire à 57 reprises où il est généralement associé en pointe à Alen Bokšić. À l’époque des grandes doublettes d’attaque, celle-ci est certainement la plus belle d’Italie. Une association petit filou et tueur à gages, col relevé et froide technique qui marche du feu de Dieu.
Mais la concurrence est rude. Surtout pour Bokšić. Le Croate est tué par Vieri, Salas et Inzaghi. Pas de problème en revanche pour Mancini qui assiste sur la pelouse au début de la consécration pour la Lazio. Une énorme année 1998–99 seulement assombrie par l’absence de titres. Sauf à considérer la C2 comme une vraie compétition, dans laquelle la Lazio a triomphé sans rencontrer la moindre difficulté. En quarts de finale par exemple, elle balaie le Paniónios 7–0. Bref, l’important lors de cette saison, c’est surtout le parcours de la Lazio en Serie A. L’apogée pour Mancini. Dix réalisations en championnat, dont deux retentissent encore aujourd’hui. Deux reprises de volée du talon. Bien avant celles d’Ibrahimović. Tellement qu’on devrait aujourd’hui parler de geste manciniesque selon le principal intéressé : « Je pense que c’est un mouvement naturel. Tu l’as ou tu ne l’as pas. C’est un coup en plus de certains attaquants, assez rare c’est vrai. Ibra l’a, et je l’ai aussi. »
Mais malheureusement, ça ne sera d’aucune utilité pour la conquête du titre. Jusqu’à la dernière journée, la Lazio est au coude à coude avec le Milan, mais elle finit par échouer sur l’ultime marche. C’est dur, mais c’est ce qui la rendra plus forte.
Homme à tout faire
C’est même ce qui l’amènera à son premier titre depuis 26 ans. Le deuxième de son histoire, qui coïncide avec la dernière saison de Mancini en tant que joueur. La plus paradoxale de sa carrière. Vingt matchs, aucun but, mais un quart de finale de C1, une Coupe d’Italie et le Scudetto. Et quel Scudetto ! À huit journées de la fin, les Biancocelesti pointent à neuf longueurs de la Juve. Ils remportent finalement le titre lors de la dernière journée malgré une grosse polémique. Ce jour-là, la Juve est neutralisée à Pérouse sur un terrain détrempé. Qu’importe. Malgré ce fond de controverse, malgré la méforme de Roberto, la Lazio est championne. Et voilà l’une des explications de ce sacre selon Sven-Göran Eriksson : « Avant même d’avoir fini sa carrière, Mancini voulait déjà devenir entraîneur. C’était un homme à tout faire, un entraîneur, un chauffeur de bus, tout. » En fait, plus le temps passe et plus Mancini se transforme. Il devient le porte-parole de l’entraîneur, ses pieds ne servent plus autant que sa parole, d’ailleurs il passe plus de temps sur le banc plus que sur le terrain… Bref, sa reconversion est en marche. Le costard n’est plus très loin.
Après une ultime et brève expérience à Leicester, Mancini revient en Italie complètement changé. Plus la peine de se cacher : il est officiellement entraîneur. Ses débuts à la Fiorentina sont perturbés par des problèmes financiers. Il quitte d’ailleurs le club au bout de dix mois. C’est à ce moment, en 2002, qu’il retourne à la Lazio. Mais il est encore limité par des soucis de trésorerie. Il est par exemple obligé de vendre Crespo et Nesta dès son arrivée. Malgré tout, il obtient des résultats probants : une Coupe d’Italie (encore !), une demi-finale de Coupe UEFA et deux bonnes quatrième et sixième place en Serie A. Plus que les bons résultats, c’est surtout l’éclosion du style Mancini : un bon gestionnaire d’ego, un mec qui ne perd pas, qui s’appuie toujours sur une grosse défense et l’un des fervents défenseurs du costard, de la classe à l’italienne. L’histoire entre la Lazio et Mancini se termine en 2004. Une relation comme une première expérimentation, qui a forgé le reste de sa carrière, mais qu’il ne remet jamais vraiment sur le tapis parce qu’il n’est pas fier de tout, parce que c’est trop vieux comme souvenir aussi. Sauf quand il la recroise sur son chemin.
Par Ugo Bocchi