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Manchester-Real : la cour des très grands
Si le PSG a choqué le monde du football en recrutant Neymar pour 222 millions d'euros, le club francilien n'a rien inventé. En matière de transferts records, Manchester United et le Real Madrid se sont illustrés comme des références. Parce que les deux finalistes de la Super Coupe d'Europe appartiennent à une catégorie où les transferts ne s'amortissent plus par une revente. Une catégorie où les Qataris veulent s'installer durablement…
D’un côté le Real Madrid, double tenant de la Ligue des champions, déjà détenteur de douze titres dans la compétition reine du vieux continent. De l’autre, Manchester United, « seulement » trois Ligues des champions mais la même aura de marque globale à l’échelle du football mondial. À Skopje, la Super Coupe d’Europe 2017 ne pouvait rêver de plus belle affiche, pour un choc des titans dont le PSG ambitionne d’être digne à plus ou moins long terme. « Manchester United et le Real Madrid ont de l’avance sur Paris en grande partie car ils ont une histoire plus ancienne, et donc un palmarès mieux fourni » , avance Vincent Chaudel, expert sport du cabinet Wavestone. « Ajoutez à cela le drame aérien qui a donné une dimension humaine à MU, ainsi que la période de succès de Sir Alex Ferguson au moment du virage du football business, et vous avez tous les ingrédients pour faire un club d’envergure mondiale. En plus, à ce moment, la naissance de la Premier League permet de capitaliser sur cette nouvelle aura de Manchester et de lui donner une visibilité mondiale. » À Madrid, le poids de l’Histoire est également évident, ainsi que la vision d’un homme, Florentino Pérez : « À Madrid, il y a le choix d’avoir cru de suite à la Coupe d’Europe, d’en avoir gagné les cinq premières éditions, et de devenir le club de la royauté, avec une base de supporters nationale. Puis Florentino Pérez a eu la vision de ce qu’allait être le football business et a redonné son lustre au Real au meilleur des moments. »
Faire avec Neymar Jr à Paris comme avec Cristiano Ronaldo au Real Madrid
Durant son premier mandat de président, il dégaine les recrutements de Luis Figo (60 millions d’euros, en provenance de Barcelone à l’été 2000), Zinédine Zidane (75 millions d’euros, Juventus, en 2001) ou encore Ronaldo (42 millions, Inter Milan, en 2002). Des prix hallucinants pour l’époque, avant de tout exploser en 2009 avec Cristiano Ronaldo (94 millions d’euros, Manchester United) dans un mercato global à 248 plaques. Pas de fair play financier à l’époque, ni personne ou presque pour s’insurger contre un Real qui dépenserait l’argent qu’il n’a pas. Car les Galactiques ont placé les Merengues dans une nouvelle dimension, où les ventes de joueurs ne sont plus essentielles dans le modèle économique. « Ronaldo, ils ont rentabilisé son achat en 18 mois » , se souvient Vincent Chaudel. « L’arrivée de Neymar à Paris, c’est la même logique. Paris, Manchester, le Real, la Juventus, Barcelone… on parle de clubs qui jouent dans une catégorie au-dessus. Ils ont un marché mondial, avec des milliards de consommateurs. À ce niveau, prendre Neymar à 222 millions d’euros, c’est une très bonne idée, même à 300 ou plus, car l’amortissement ne va pas se faire sur une revente. Rien que sur le marché chinois où ils étaient peu présents, les Parisiens vont gagner beaucoup de terrain. » Si bien que même si Neymar Jr pourrait coûter le double de son prix dans deux ou trois ans, « il serait plus intéressant de le garder jusqu’à la fin de sa carrière comme le Real va faire avec Cristiano Ronaldo. »
Fair Play Financier et théorie des barrières
Les indignés comme Patrick Montel ou Javier Tebas, le président de la Ligue espagnole, peuvent donc invoquer la morale ou le Fair Play Financier, l’arrivée de Neymar à Paris tient moins d’un caprice d’émir que d’un coup de maître marketing que n’auraient pas renié Mancuniens ou Madrilènes. « Le président de la Ligue espagnole, quand le Barça va chercher Neymar à Santos malgré plusieurs malversations, ne s’offusque pas et valide le transfert. Parce qu’il sait que le club et la Liga vont s’y retrouver, comme il sait aujourd’hui que la Ligue 1 et Paris vont s’y retrouver. » Pareil concernant le Fair Play Financier, Vincent Chauvel estime que l’UEFA n’a pas intérêt à sanctionner le PSG. « Dans son format actuel, le FPF est bon pour empêcher les clubs de faire n’importe quoi. Par le passé, des clubs comme Valence, la Lazio, ont vécu au-dessus de leurs moyens, mais un OL a su être sage et grandir à son rythme. Mais des nouveaux acteurs comme le PSG ou Manchester City ont moyen d’augmenter leurs recettes plus vite, et le FPF tend à les ralentir avec ces règles. Et pourtant, ils dépensent de l’argent qu’ils ont à disposition. » Outil de régulation pour éviter les dérives, le FPF a le tort de « figer les forces en présence, donc à favoriser les forces établis. Un nouvel arrivant, quelque soit le secteur d’activité, a besoin de temps pour devenir rentable. » Donc quand Tebas invoque le sacro-saint Fair Play Financier devant le PSG, « il applique la théorie des barrières, l’argument d’un acteur historique qui veut préserver son avance. Un peu comme les radios historiques en France qui s’étaient opposées à la mise en place de la bande FM, par peur de voir arriver une nouvelle concurrence. »
Manchester United, une balance transfert à -400 millions sur quatre ans
Depuis 2014, Manchester United a ainsi englouti plus de 400 millions d’euros dans ses mercatos sans susciter une réelle levée de boucliers sur le bien-fondé de ces dépenses. Parce qu’il fait partie du cercle fermé depuis suffisamment longtemps, quand Paris tente d’y faire sa place. « Paris peut rattraper son retard très vite. L’arrivée de Neymar, c’est déjà une étape, montrer qu’ils peuvent avoir l’ambition de boxer dans la même catégorie. Sans tout gagner, le PSG aura fait une grande partie de son retard le jour où il gagnera sa première Ligue des champions, cela peut suffire si c’est couplé à de bons parcours régulièrement et un fond de jeu séduisant. » Surtout que Paris dispose d’un avantage qui dépasse le cadre du ballon rond : « la ville de Paris, tout le monde la connaît. C’est l’un des noms les plus universels qui soient. Une base solide pour développer une marque globale, et Neymar l’a compris. À Barcelone, il serait resté dans l’ombre de Messi. À Paris, il peut être celui qui amènera la Ligue des champions. » Une ville et un club où le Brésilien a beaucoup plus à construire qu’à Manchester ou Madrid.
Par Nicolas Jucha
Propos de Vincent Chauvel recueillis par NJ