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Manchester City : un Sky un peu moins blue
En concédant jeudi face à Chelsea sa huitième défaite de la saison en Premier League, son total le plus haut depuis 2016, Manchester City a permis à Liverpool de sabrer le champagne un peu plus tôt que prévu. Et pendant que les bords de la Mersey dansent, on se demande comment l’une des meilleures équipes de l’histoire de la Premier League a pu si brutalement devenir un dauphin complètement largué. Analyse.
Pep Guardiola n’est sans doute pas ravi, mais il a au moins le mérite d’être lucide. « Cette saison, nous avons laissé filer des points dès le début, certains injustement, mais d’autres parce que nous avons fait des erreurs, comme aujourd’hui », a-t-il reconnu après la défaite des siens face à Chelsea (2-1), marquée par une belle bourde de Benjamin Mendy sur le premier but et une entrée catastrophique de Fernandinho, qui a mené au second. « Malheureusement, contre Chelsea comme trop souvent, ces erreurs nous ont punis et nous ont rendu la tâche difficile face à des équipes de qualité », continuait le Catalan. Vingt-trois unités devant et mathématiquement assurés du titre, les Reds de Liverpool célébraient leur retour sur le perchoir, trente ans après, à la faveur d’un Manchester City qui, en ne se battant pas aussi brillamment que les saisons précédentes, leur a ouvert un boulevard.
Tiki-taka stérile et approximations défensives
Face à Chelsea comme lors de ses précédents revers cette saison, Manchester City n’a pas donné l’impression d’être une équipe dominée. Bien au contraire. Ce match est d’ailleurs un résumé assez fidèle des quelques couacs qui ont embêtés City cette saison : comme lors de certains de ses précédents revers cette saison, que ce soit contre le voisin United (deux défaites, 2-1 et 2-0), Wolverhampton (deux défaites, 0-2 et 3-2), Newcastle ou Palace (2-2), City a certes donné l’impression d’une maîtrise, mais d’une maîtrise muette. Capable de confisquer le ballon (65% de possession contre Chelsea) et de le transmettre impeccablement (713 passes, 91% de réussite), mais sans savoir concrétiser ces occasions en marquant un but. Surtout, une maîtrise qui a été rendue stérile par des erreurs individuelles évitables, parfois grossières : celles d’Otamendi contre Norwich ou d’Ederson contre United, comme le CSC de Fernandinho face à Palace ou les quatre rouges pris par des joueurs défensifs, dont trois dans des matchs qui se sont soldés par des défaites (Fernandinho contre Chelsea, Zinchenko contre Tottenham, Ederson contre Wolverhampton).
Une fébrilité défensive inhabituelle à certains moments clés qui peut être expliquée, ne serait-ce que partiellement, par la longue blessure d’Aymeric Laporte en plein milieu de saison. Le Français a pris la place dans l’effectif bleu ciel de Vincent Kompany, pas vraiment remplacé cet été. « Il nous a manqué un défenseur très important avec Vincent, et Aymeric a été blessé toute l’année, ça a été un problème pour nous et nous n’avons pas su montrer assez de régularité pour mieux jouer », regrettait Guardiola après Chelsea. Derrière, ce sont Otamendi et Fernandinho un peu vieillissants (32 et 35 ans) qui ont dû tenir la baraque, relevés occasionnellement par John Stones et épaulés par un Rodri pas toujours à l’aise dans cet effectif. Et si la formule fonctionne globalement bien, la défense de City a également montré ses limites lors de quelques oppositions délicates, où ses approximations ont fait pencher la balance en leur défaveur.
Le premier des perdants
Défensivement plus fébriles, les Citizens ont aussi dû faire face à plus d’équipes capables de les museler cette saison. Contre Chelsea, l’absence de véritable 9 a pu être néfaste. Mais dans ses mauvais matchs et même au complet, l’attaque de City, avec des joueurs comme Sterling ou les deux Silva en tête, a pu montrer une étonnante maladresse. Les deux matchs contre Tottenham (2-2 à l’aller, défaite 2-0 au retour) en sont sans doute le meilleur exemple, avec à chaque fois le même schéma : un nombre bien plus élevé d’occasions côté City, beaucoup de ratés, et des buts encaissés quasiment sur les seules occasions adverses. Même schéma lors des nuls contre Palace (2-2) et Newcastle (2-2). Sur ces quatre matchs, en cumulé, City a frappé 98 fois au but, pour 17 tirs subis et les résultats que l’on connaît. Comble de la scoumoune : aucune équipe n’a plus touché les poteaux que City cette saison en Premier League (celui de Sterling contre Chelsea était le 21e de la saison).
Si les statistiques ne disent pas tout, tous ces éléments montrent que City a légèrement moins bien réussi cette saison dans les expected goals* (xG, 79,22, pour 77 buts inscrits, le plus haut total en Premier League, soit une petite différence) et dans les expected points* en Premier League (xPTS, 68,97, pour 63 points, soit un peu moins de six points de différence). À l’inverse, Liverpool s’est envolé dans ces catégories : 70 buts inscrits par rapport à ses 64,25 xG, et 86 points par rapport à ses 64,04 xPTS (+21,96 points, quand même). La fameuse réussite du champion, que City traînait depuis deux ans et qui l’a visiblement abandonné cette année.
L’écart de points entre Liverpool et son dauphin surprend forcément, comparativement à la bataille acharnée que les deux s’étaient livrée la saison dernière. Mais là encore, c’est Pep Guardiola qui a les mots pour relativiser : « Il y a deux saisons, on était 25 points devant Liverpool, aujourd’hui c’est l’inverse, donc il faut réfléchir et essayer de se rattraper. Peut-être qu’après avoir gagné les deux derniers titres, nous ne sommes pas arrivés avec la même passion pour gagner chaque match que Liverpool, qui n’avait pas été champion depuis trente ans et qui a joué chaque match comme si c’était la dernière chance qu’ils avaient. » Dans son malheur, City reste quand même un brillant dauphin, capable d’enchaîner deux saisons record avec une troisième où il n’a pas quitté le podium depuis le premier jour, où il a remporté 20 de ses 31 premiers matchs en produisant toujours l’un des plus beaux jeux d’Europe, en remportant la League Cup, en étant toujours en course en FA Cup (quart de finale à disputer ce dimanche) et plus que jamais en bonne posture en Ligue des champions (victoire 2-1 à Madrid à l’aller, dans son 8e de finale contre le Real). Pas trop mal, pour l’une de ses pires saisons de ces dernières années.
Par Alexandre Aflalo
* Les expected goals et points sont des outils statistiques estimant le nombre de buts et de points qu'une équipe « devrait » avoir, au regard de nombreux facteurs.