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Manchester City : le club qui n’intéresse personne en France
Alors que Manchester City est bien parti pour remporter son deuxième titre de champion en trois ans, le club du cheikh Mansour ne semble pas passionner autant les Français que ses adversaires directs pour la couronne d’Angleterre. Une impopularité étrange au regard de l’audience dont jouit la Premier League dans l’Hexagone. Tentative d’explication.
Fin août 2008, le cheikh Mansour débarque à Manchester avec un objectif en tête : placer l’ « autre club » de la ville sur la carte du football mondial. Près de six ans plus tard, avec plus de 700 millions d’euros dépensés sur le marché des transferts et à l’aube de gagner son deuxième titre de champion en trois ans, le propriétaire émirati a réussi sa mission, avec succès. Si l’on a tendance à dire que l’histoire ne s’achète pas, le cheikh, lui, peut se targuer d’avoir su attirer de grands joueurs et surtout, d’avoir offert à son public sa première couronne d’Angleterre depuis 1968, au terme d’un scénario aussi stupéfiant qu’improbable. Malgré ce finish frisson, et la ribambelle de stars présente sur la pelouse de l’Etihad à chaque rencontre des Citizens, le public français semble se foutre de cette équipe comme Liam Gallagher de sa première cuite. Voire exprimer une certaine forme d’animosité envers le dernier nouveau riche du championnat anglais. Mais pourquoi donc ?
« À Paris, beaucoup de gens ont vendu leur âme au Diable ! »
« Il y a pas mal de français qui sont fans d’une équipe étrangère. T’as des mecs qui sont fans de United, d’Arsenal, ou du Barça. Moi, je trouvais cela rigolo de supporter une équipe un peu naze. » Romain est français et son équipe étrangère à lui, c’est Manchester City. Lui ne s’en cache pas, sa passion pour les Citizens provient avant tout de son admiration pour le groupe Oasis, dont les deux frères, Liam et Noel, sont des fans invétérés de City : « Pendant les années 90, les frères Gallagher portaient, sur pas mal de photos, le maillot de City avec le sponsor Brother, et cela m’avait bien plu. Du coup, j’ai voulu m’intéresser au club, et puis j’ai accroché avec le côté outsider, les mecs sur qui tu mets pas un radis. » Pour lui, la nouvelle envergure prise par le club mancunien est une aubaine, puisqu’elle lui permet de suivre régulièrement les rencontres des hommes de Pellegrini : « Théoriquement, à part ces dernières années, City n’a jamais été une équipe très bandante. En plus, en France, on les voyait jamais à la télé. » Une des raisons pour lesquelles le public français ne semble pas accrocher avec les Citizens ? Oui, mais pas seulement, à en croire Hassan, un Mancunien pur souche expatrié en France depuis sept ans maintenant : « Man City n’a atteint le très haut niveau que depuis trois ou quatre ans. Liverpool, Manchester United ou Chelsea, cela fait au moins une décennie. À Paris, vous avez plus de gens qui supportent Arsenal, pour des raisons évidentes et Manchester United, car c’est le diable, et à Paris, il y a beaucoup de gens qui ont vendu leur âme au diable ! »
« En Angleterre, vous allez au supermarché, et vous parlez de foot »
À Paris, pourtant, est installé le Bombardier, le pub officiel des fans de Manchester City, comme en atteste la plaque Blue Moon apposée sur la devanture. Pourtant, l’ambiance n’est pas toujours au rendez-vous, comme en témoigne Romain : « Il n’y a jamais de supporters de City, c’est un club que tout le monde déteste. Pour le match du titre, j’étais au pub, il y avait plein de supporters de United. Et quand Agüero marque, j’ai hurlé. Le patron m’a offert une bouteille de champagne, mais du coup, j’ai payé mon coup aux mecs de United. Mais je n’ai pas besoin d’être entouré de 50 mecs qui ont des écharpes pour être heureux. »
Mais ne regrette-t-il pas de ne pas voir plus de Français s’intéresser à son club de cœur ? « C’est assez charmant de rester en petite communauté. Les nouveaux supporters de City, c’est un peu comme si le RC Lens devenait cool du jour au lendemain. Mais s’il y en a, tant mieux, cela fait augmenter la popularité du club et c’est toujours drôle de rencontrer quelqu’un qui partage la même passion que toi. » Même son de cloche chez Hassan qui considère que « si vous rejoignez notre club, vous faites partie du club. Cela ne m’intéresse pas de savoir pourquoi ils ont commencé à supporter City, c’est une décision totalement subjective. » Ce dernier avoue cependant, avec un peu d’amertume, regretter parfois l’ambiance de sa ville : « Cela me manque parfois d’aller aux matchs, et le chambrage entre supporters qui va avec. En Angleterre, vous montez dans un taxi, vous allez au supermarché, et vous parlez de foot. On ne retrouve pas cela en France. » Alors, lorsqu’on lui demande ce qu’il a prévu de faire en cas de titre, la réponse est claire : « Il ne faut pas tenter le diable, cela, c’est pour Liverpool ! On n’a pas encore gagné le titre, et il n’y aura pas de célébration avant qu’on ait gagné ce putain de truc ! »
Par Paul Piquard