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Manchester City : la fin du temps de l’innocence ?
Manchester City joue-t-il sa dernière Ligue des champions avant trois ans ? En tout cas, la décision de l'UEFA d'exclure le club anglais pour les deux prochaines saisons le laisse supposer. Une réponse à tous ceux qui doutaient d'un fair-play financier qui ne frappait que les petits et semblait conforter la position dominantes des « gros », ceux des championnats « à l'Ouest ». Mais la question reste entière : est-ce une première ou juste un coup de com' pour faire taire les critiques ?
Lors de sa mise en place, le système de régulation européen laissa sceptique de nombreux observateurs, et incrédules les supporters des premières victimes. Pour le coup, en frappant sur Manchester City, une des plus belles enseignes de la Premier League, il s’agit clairement d’envoyer un message fort, et à tout le monde. Les Citizens vont bien sûr se pourvoir devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), qui risque fort de leur donner raison. Mais on se souvient que l’AC Milan, même en y ayant obtenu gain de cause, avait dû s’accorder avec l’UEFA et accepter de renoncer à la Ligue Europa.
Football Leaks m’a tuer
Cela dit, rien d’idyllique chez nos amis de Nyon. Leur réaction intervient à la suite des révélations des Football Leaks, et il fallut ce gigantesque travail d’investigation journalistique pour que, finalement, la belle maison du foot européen décide de ne plus fermer les yeux et finisse par s’intéresser aux pratiques de sponsoring de la propriété du cheikh émirati Mansour Bin Zayed Al-Nahyan. En cause, évidemment, des méthodes de contournement des règles du fair-play financier en gonflant les contrats de partenariat. Et donc, une sentence évidente pour qui sait utiliser la calculette de son smartphone. « La Chambre d’arbitrage, après avoir examiné l’ensemble des preuves, a conclu que le Manchester City Football Club a commis de graves violations du règlement de l’UEFA sur les licences de club et le fair-play financier en surévaluant ses recettes de sponsoring dans ses comptes et dans les informations sur le seuil de rentabilité soumises à l’UEFA entre 2012 et 2016. »
Pour ce qui concerne City, il s’agit de près de 2,7 milliards qui étaient venus remplir les caisses. Un apport indispensable pour qui vise de remporter – à l’instar d’un PSG lui aussi un temps dans le viseur – le prestigieux trophée européen. Si le procédé se révèle un peu hors cadre, il sert à rattraper le retard sur ces seigneurs qui règnent sans partage sur le Vieux Continent, comme le Real par exemple. Ces « aînés » ont pu, avant 2013, se bâtir sportivement une position dominante par un endettement et des déficits démesurés, dont ils n’eurent jamais à rendre compte. Dans le Far West capitaliste, choisir son bandit d’honneur reste une affaire compliquée, surtout avec un shérif comme l’UEFA. Déjà, en 2014, Gianni Infantino avait réduit une première amende touchant City. Entre gens de bonne compagnie, on sait d’habitude se pardonner.
Leçon de morale ?
De fait, la décision de 2020 répond autant à l’application d’une règle qu’à l’agenda spécifique de l’UEFA. Toutefois, pas de mauvaise foi : si l’instance européenne tient bon, les conséquences seront non négligeables, que ce soit sportivement, en matière de visibilité, ou même économiques (droits TV, recette billetterie, etc.). Une absence de la Ligue des champions sera difficile à surmonter et pourrait même conduire au départ de certains joueurs cadres, en tout cas plus tôt que prévu.
Alors, qu’en penser ? Le foot professionnel tente depuis longtemps de réguler ses excès, non pas pour établir un système équitable ou égalitaire, mais pour garantir la survie d’une économie fragile et structurellement déficitaire. Pour cela, il doit sanctuariser son fond de commerce et donc ses plus belles affiches. La leçon de Manchester City ne vise finalement pas tant à démontrer aux clubs de l’Est ou des « petits championnats » , comme la L1 (qui a déjà la DNCG pour la cadrer un peu en amont) que tous les espoirs leur sont autorisés et que les mêmes règles s’appliquent à tous. Il s’agit surtout de rappeler aux cadors que le fair-play s’avère dans leur intérêt pour garantir un modèle viable sur le long terme. Les réformes de la Ligue des champions étudiées ou dans les tuyaux visent le même objectif, finalement. Certes, convaincre des gens qui veulent juste une C1 dans la vitrine des trophées et qui se sentent dépossédés de leurs armes pour y parvenir peut sembler compliqué. La sanction a le mérite d’être une langue universelle.
Par Nicolas Kssis Martov