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Manchester City, dream better ?
Doha s'est offert Lionel Messi. Abou Dabi a fait péter sa tirelire dans un relatif anonymat pour Jack Grealish. À Paris, on a saisi l'opportunité d'un mercato un peu dingue, quand à Manchester City, on a préféré aller au bout d'une idée de longue date. Moins clinquant que le « meilleur joueur du monde » pour booster ses réseaux sociaux, certes, mais dans la quête d'une première Ligue des champions et du statut de meilleure équipe du monde, les Citizens ont peut être joué le meilleur coup.
Nasser al-Khelaïfi n’est pas peu fier, Omar Da Fonseca se laisse totalement emporter. Lionel Messi a de son côté le sourire satisfait de celui qui a rapidement retrouvé un job à la hauteur de ses attentes après une non-prolongation de CDD douloureuse. Depuis le week-end dernier, et l’annonce de la séparation entre la Pulga et le FC Barcelone, que l’on pensait liés ad vita aeternam, le PSG squatte les gros titres et fait le show en conférence de presse. Dans le même temps, Manchester City présentait sa recrue phare de l’été, en attendant peut être la venue d’Harry Kane, dans un calme relatif. Pourtant, Jack Grealish a coûté un bras, à savoir 117 millions d’euros pour devenir le transfert le plus élevé de l’histoire de la Premier League. Un contraste fort entre les deux nouveaux riches de la dernière décennie, qui souligne la différence profonde entre deux projets sportifs : quand le Qatar s’empresse de faire un énième « coup » , les Émirats arabes unis continuent de construire brique après brique ce qui ressemble à une équipe de rêve.
De Bruyne plutôt que Zlatan
Petit rappel utile. C’est à l’été 2008 que le cheikh Mansour ben Zayed al-Nahyan, de la famille régnante à Abou Dabi, s’offre Manchester City et en confie la présidence à Khaldoon al-Mubarak. Trois ans avant l’arrivée de QSI au PSG donc. Le premier mercato ne porte officiellement que sur une journée, la dernière de la fenêtre de transferts : à peine racheté, City s’offre Robinho pour 43 millions d’euros et annonce la couleur. La suite prend la forme d’une balance « commerciale » à moins 100 millions d’euros presque chaque été, pour s’acheter les meilleurs joueurs possibles. Paris et City même combat ? Pas forcément, car pendant que le PSG saute sur des stars certes performantes mais surtout très visibles – Zlatan Ibrahimović, Neymar -, le club anglais semble quant à lui casser sa tirelire sur des noms légèrement moins tapageurs mais correspondant à un besoin précis de l’équipe. David Silva en 2010, Sergio Agüero en 2011, Kevin De Bruyne et Raheem Sterling en 2015, John Stones ou Ilkay Gündogan en 2016 ou encore Ryad Mahrez en 2018. Une multitude de joueurs confirmés, parfois légèrement surpayés au vu du marché, mais qui ont pris une dimension supérieure sous le maillot bleu ciel.
Pep Guardiola, entraîneur choyé
Quand Paris est aujourd’hui une constellation de stars – un trio offensif dément, deux des meilleurs gardiens au monde, un joker de luxe nommé Angel Di Maria -, Manchester City est clairement une équipe. Avec un fond de jeu bien identifié, souvent maîtrisé et surtout spectaculaire. Et avec une feuille de route – s’inspirer du FC Barcelone millésime 2009-2011 – bien plus respectée qu’au PSG, où le projet collectif a évolué au gré des changements d’entraîneurs. Une autre différence notoire entre Paris et City : dans le nord anglais, malgré la pression inhérente à la compétitivité locale, Abou Dabi n’a finalement consommé que cinq techniciens en 13 ans de pouvoir. Parmi eux, Mark Hughes, qui n’a été déboulonné « que » seize mois après le rachat parce que les résultats ne suivaient pas, et Brian Kidd, intérimaire entre les règnes de Roberto Mancini (2009-2013) et Mauricio Pellegrini (2013-2016).
Depuis cinq ans, c’est Pep Guardiola qui est confortablement installé sur le banc avec l’impression, contrairement à ce qu’il se passe en France, d’avoir les clés du camion et donc le final cut sur le recrutement. L’historique du Catalan à Manchester est l’exemple le plus fort de la différence d’approche entre les deux projets : quand Paris a utilisé six entraîneurs en dix ans, tout en remerciant Antoine Kombouaré à Noël alors qu’il était leader de Ligue 1, ou Thomas Tuchel quatre mois après qu’il ait atteint la première finale en C1 de l’histoire du club, Guardiola a lui survécu à plusieurs désillusions européennes, dont un huitième de finale contre Monaco en 2017 ou un quart de finale contre Lyon en 2020. Un signal fort.
Le nouveau Messi ? Plus proche de City que de Paris
Manchester City n’est pas l’Atalanta ou Sassuolo, clubs de moindre envergure financière mais qui réalisent des miracles avec ce qu’ils ont. Manchester City ne s’est pas évité plusieurs erreurs de casting bien coûteuses : Eliaquim Mangala, Wilfried Bony ou Mario Balotelli pour ne citer qu’eux. Manchester City s’est encore moins épargné de grosses frustrations sur la scène européenne, quand ses quelques échecs en championnat étaient beaucoup plus faciles à justifier que ceux du PSG au vu de la concurrence. Mais contrairement à ce qu’il semble se répéter à Paris chaque été, les propriétaires de City paraissent avoir appris à mettre en sourdine l’impatience que l’on attribue souvent aux riches décideurs des pays du Moyen-Orient, pour intégrer l’idée que le succès se construit, certes avec beaucoup d’argent, mais aussi avec du temps et des erreurs.
Tout ne s’achète pas, la preuve : Nasser al-Khelaïfi disait en 2012 que « faire du PSG un club fort, ce n’est pas seulement acheter des joueurs, c’est aussi s’appuyer sur le centre de formation, trouver le nouveau Messi ». Près de dix ans plus tard, le seul Titi parisien à avoir pris une place pérenne dans l’effectif est Presnel Kimpembe. L’autre joueur d’envergure, Adrien Rabiot, a lui quitté le club libre et en mauvais termes, pour signer à la Juventus. Le « rêve » de Nasser, c’est City qui semble le plus proche de le toucher du doigt : dans la dream team de Pep Guardiola, Phil Foden est devenu l’un des premiers choix. Et peu importe que le gamin soit passé à côté de son Euro 2020, ses employeurs peuvent espérer profiter de lui pendant encore dix à quinze ans. À moins que le PSG ne sorte là encore un nouveau coup sur le mercato, au moment où il devra remplacer Lionel Messi.
Par Nicolas Jucha