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Manchester City : la chute des géants ?
Après une minutieuse enquête d’une commission indépendante de la Premier League, qui est remontée jusqu’à l’année 2009, le club de Manchester City se voit accusé de plus d’une centaine de manquements au règlement interne du championnat anglais. Après la condamnation de la Juventus, serait-ce la fin de l’impunité dans le foot ?
Alors qu’il existe un règlement général et homogénéisé à échelle européenne, avec le fair-play financier, chaque championnat impose sa propre réglementation financière et comptable dans la surveillance des clubs. La France dispose de la DNCG qui, depuis les années 1980, veille à la solvabilité, saison après saison, des clubs professionnels. L’Espagne a une instance indépendante qui surveille les capacités financières des équipes et impose une forme d’équilibre, de stabilité des comptes et des masses salariales. Quant à l’Angleterre, elle a mis en place, depuis plus d’une dizaine d’années, un fair-play financier national et spécifique, chargé de surveiller la rentabilité, la solvabilité et la stabilité financière des clubs.
Une enquête longue et indépendante
C’est cette entité indépendante qui vient d’accuser le club de Manchester City de plus d’une centaine d’infractions depuis 2009. L’enquête a duré plus de quatre ans, dans le plus grand des secrets, et les choses viennent d’être révélées. Depuis plus de dix ans, les Citizens auraient gonflé la valeur de leur contrat de sponsoring, auraient enfreint les règles sur les transferts des joueurs mineurs ou auraient apporté des informations financières tronquées, notamment en ce qui concerne le contrat de Roberto Mancini entre 2010 et 2013. Sur ce cas précis, l’enquête révèle que le coach italien aurait reçu une partie de sa rémunération via le club émirati Al Jazira SC afin que son salaire, à l’époque estimé à 9 millions d’euros, ne soit pas pleinement déclaré dans les comptes de Manchester City.
Le club risque de très lourdes sanctions, allant d’un retrait de points sur la saison en cours ou la suivante, une relégation administrative, voire carrément une exclusion des championnats britanniques ainsi que de très lourdes amendes financières. Pire, City ne pourra pas faire appel, s’il venait à être sanctionné, devant le Tribunal arbitral du sport de Lausanne, comme il l’avait fait, par le passé, après les sanctions portées contre lui par l’UEFA pour non-respect du fair-play financier. De même, il n’existe aucune prescription en Angleterre, contrairement au règlement de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC), en Europe, qui prévoit une période de reporting de trois ans maximum au moment de l’investigation.
Pas de prescription, pas d’appel devant le TAS
Point intéressant concernant cette affaire : elle fait suite aux révélations des Football Leaks, en 2018. L’instance indépendante, contrairement à l’UEFA, peut en effet se saisir de documents non officiels communiqués dans la presse pour entamer une procédure et une investigation. Il n’y a pas besoin, comme le demande et le précise le règlement de l’ICFC, de n’apporter que des documents officiels et reconnus. Normalement, les conclusions devraient tomber d’ici la fin de la saison, et il se raconte en off, selon la presse britannique, que la concurrence souhaiterait des sanctions « appropriées ». « Et la seule appropriée est qu’ils soient relégués », déclare un dirigeant d’un club de Premier League, cité dans le Sun.
D’autres clubs pourraient bientôt être concernés ?
Bien évidemment, après tout ce qu’il se passe contre City, beaucoup se demandent si d’autres clubs pourraient être inquiétés. Et oui, on regarde du côté parisien. Comme City, en 2018, le club de la capitale était concerné par les révélations des Football Leaks et, comme City, il lui était reproché des méthodes de dopage financier et de gonflement des comptes, après les nombreux articles publiés notamment par le site de Mediapart. Sachez qu’il n’existe aucune prescription dans la période de reporting de la DNCG et, si des choses sortent dans la presse, l’instance peut lancer une investigation et commencé à creuser. De plus, au nom de l’article 40 du code de la procédure pénale, déjà requis dans l’affaire de Noël Le Graët pour des soupçons de harcèlement sexuel, le comptable du foot peut saisir le procureur de la République afin qu’il lance une enquête préliminaire après des informations publiques. La Juventus déjà condamnée par la justice italienne, City inquiété, va-t-on voir s’accélérer une chute des géants du football européen ?
Par Pierre Rondeau