ACTU MERCATO
Mammana, l’enfant couvé par River
À vingt ans, Emanuel Mammana, défenseur central formé à River Plate, va rejoindre Lyon, avec 35 matchs professionnels dans les jambes. Mais qui est ce joueur annoncé comme l’une des plus grandes promesses argentines ?
Nous sommes le samedi 7 juin 2014. Lors du match de préparation de la Coupe du monde au Brésil contre la Slovénie, Emanuel Mammana remplace Mascherano, pour entrer dans l’histoire. Le jeune de River Plate dispute alors son premier match avec l’Albiceleste sans même avoir joué une seule minute avec le club Millonario. Alors sparring-partner de la sélection argentine, le défenseur de River raconte, dans une interview à La Nación : « J’ai reçu un appel. Je pensais que c’était une blague de mes amis. Mais dix minutes après, je suis au téléphone avec Sabella, qui me convoque pour le match. Je suis resté totalement muet. » Cette sélection marque le début d’une année de rêve pour le crack argentin. Premier match sous les couleurs de River Plate, puis un record : en décembre dernier, lors de la finale aller de la Copa Sudamericana (petite sœur de la Copa Libertadores, ndlr) face à l’Atlético Nacional, il devient le plus jeune joueur du club du quartier de Nuñez à disputer une finale internationale, à 18 ans.
Orphelin à 15 ans
Convoqué pour la première fois dans le groupe de River en 2013, le défenseur central né à Merlo, ville de la province de Buenos Aires, a rapidement gravi les échelons. Depuis l’arrivée de Marcelo Gallardo à la tête de River, Mammana est devenu un joueur majeur du club vainqueur de la dernière édition de la Copa Sudamericana. Il a même souvent poussé sur le banc des cadres de River grâce à sa polyvalence (il peut jouer défenseur central et latéral droit). Le gamin issu du centre de formation de River Plate a aussi connu l’horreur avant de se révéler aux yeux du monde entier.
À six ans, il perd sa mère. À 15 ans, alors qu’il a déjà intégré le centre de formation de River Plate, son père meurt, lui aussi, dans des circonstances que le joueur avoue ne pas vouloir révéler. « Après la mort de mon père, je ne voulais plus jouer au football. Alors, mes amis du centre de formation de River, les dirigeants et ma famille m’ont beaucoup aidé. Grâce à eux, je n’ai pas abandonné ce que j’aime faire. Je savais que je devais donner le meilleur pour lui rendre hommage » , explique le jeune défenseur argentin dans une interview sur le site de la FIFA. Et d’ajouter : « Depuis que j’ai perdu mes parents, River est ma deuxième maison. C’est grâce à ce club que j’en suis là aujourd’hui. »
La relance, son point fort
Sur le terrain, Emanuel Mammana transmet cette force et cette sérénité qui font de lui l’une des promesses argentines au poste de défenseur. « J’ai toujours aimé diriger et commander la défense » , clame-t-il, comme pour mieux expliquer son rôle majeur dans la sélection des moins de vingt ans argentins, dirigée par Humberto Grondona, fils du défunt président qui a régné sur l’AFA pendant 35 ans. Alors que ce dernier révélait l’intérêt de l’Atlético Madrid pour le pibe argentin – « J’ai eu une réunion avec Enrique Cerezo, le président de l’Atlético de Madrid. Diego Simeone veut recruter Mammana. Je leur ai dit qu’il avait déjà le niveau de Juanfran » – c’est la Fiorentina qui devait le recruter lors du dernier mercato d’hiver. Problème, les dirigeants italiens ont tenté de renégocier l’offre au dernier moment, ce qui n’a pas vraiment plu au board de River. C’est donc Lyon et son nouvel attrait pour les jeunes sud-américains (Roger Martínez pourrait suivre) qui va s’attacher les services de l’international argentin. Un transfert de 8 millions d’euros, pour un joueur aux 35 matchs professionnels.
Mais à l’heure où le niveau du football argentin ne cesse de régresser, Mammana fait figure de perle rare. C’est simple, le défenseur central déteste rendre le ballon : « Parfois, il faut balancer pour ne pas mettre l’équipe en danger, mais j’essaie de ne jamais le faire » , pose-t-il. Ça m’énerve, car c’est offrir le ballon à l’adversaire. Le football est bien plus beau lorsqu’il est joué au sol. J’aime sortir le ballon proprement. »
S’il érige le beau jeu en culte, le défenseur paie parfois une certaine prise de risque : « Humberto Grondona me fait confiance. Mais il me demande souvent de ne pas prendre autant de risques, quand ce n’est pas nécessaire. Il s’énerve un peu quand je porte le ballon. » Cet amour du ballon, Emanuel Mammana l’explique par sa formation de meneur de jeu : « J’ai commencé comme milieu offensif. Ensuite, j’ai joué milieu défensif, et finalement les entraîneurs de River m’ont replacé en défense. » Même Tata Martino est complètement gaga de lui : « Je ne l’ai pas pris pour la Copa América (au Chili l’an passé, ndlr), , mais il sera sûrement sélectionné pour les futurs éliminatoires. »
Ça tombe bien, la défense argentine se cherche un nouveau patron. Le mot de la fin est pour Gustavo Zapata, ancien entraineur de la réserve de River, qui décrit Mammana dans une interview pour La Pagina Millonaria: « J’en ai vu passer, mais celui qui m’a le plus impressionné, c’est Mammana. On l’appelait Federer, parce qu’il ne se décoiffait pas, il ne se salissait pas quand il jouait. Il joue avec une telle qualité technique. Ariel Ortega l’a parfaitement décrit : C’est un meneur de jeu qui joue libero, ou défenseur central. Il faudra beaucoup de temps avant que River ne ressorte un joueur avec ce talent » .
Par Ruben Curiel