- MONDIAL 2014
- BARRAGE RETOUR
- FRANCE/UKRAINE (3-0)
Mamadou superstar
Double buteur contre l’Ukraine, Mamadou Sakho s’est retrouvé sur le devant de la scène presque par magie. L’ancien Parisien est un véritable symbole français. Celui d’un môme qui a toujours su forcer son destin.
Depuis qu’il a fait ses débuts professionnels un soir de février 2007 dans le froid glacial d’Athènes à seulement 17 ans, Mamadou Sakho suit une trajectoire bien à lui. Présenté très tôt comme un héritier de Lilian Thuram, notamment pour sa conduite de balle peu esthétique et son amour de la chair, le gaucher a fait comme son aïeul, mardi, sur la pelouse du Stade de France. Il a planté un doublé. Deux buts qui vont compter dans l’histoire des Bleus mais aussi dans la vie d’un jeune joueur de 23 ans qui a déjà traversé des épreuves. Entre la mort de son père durant l’adolescence, le brassard de capitaine dans son club formateur un soir d’octobre 2007 à seulement 17 ans, un titre de champion l’an dernier et un premier déracinement en toute fin de mercato (le 2 septembre, il signait à Liverpool), Sakho a déjà vécu trois vies. Dans chacune d’entre elles, il est tombé. Plusieurs fois. Il s’est systématiquement relevé. Mentalement, le gamin du quartier de la Goutte d’or est un roc. Entre assurance et volonté de fer, Sakho est arrivé là où il voulait être. A 13 ans, toute sa famille comptait sur lui pour assurer la survie du clan. Chez les Sakho, le football n’est pas un jeu mais une certaine idée de la survie. A Paris, on sait que l’on tient une machine de guerre. Un mec en avance sur son temps. Il impressionne tous les observateurs. Que ce soit en club ou dans les sélections de jeunes. On le dit mature, posé, doté de l’âme d’un chef. Un leader en somme.
Il fallait couper le cordon…
Durant l’été, pourtant, on sent que l’histoire d’amour entre le Paris SG et son enfant chéri touche à sa fin. L’arrivée de Marquinhos scelle l’impensable : Sakho va quitter Paris. Une hypothèse qui glace. Qui fait mal. Qui blesse. Comme lorsqu’un enfant quitte le foyer dans lequel il a grandi. C’est inéluctable mais douloureux. A Paris, on parlait de lui avec des cœurs dans la bouche. C’était l’enfant du pays. Le titi parisien. Le « fait maison » . Sauf que cette étiquette devient un sacerdoce. Une excuse pour le traiter à toutes les sauces, y compris les plus amères. Mamad’, lui, veut jouer. Il doit partir. Il va partir. Il est parti… Il faut dire que Didier Deschamps avait envoyé un premier signal au cœur de l’été en ne convoquant pas le Parisien pour le match estival. Le sélectionneur était clair : « Il ne joue pas en club » . Pour voir le Brésil, Sakho devait se trouver un point de chute idéal. A cette époque, quand il lâche ses larmes pour rallier Liverpool, on rigole. Sur les bords de la Mersey, la concurrence sera la même qu’à Paname : Agger, Skrtel, Kolo Touré et Coates. Sakho commence d’ailleurs par deux bourdes contre Swansea. Il joue même latéral gauche. C’est moche. Mais ça ne dure qu’un temps.
Une part de chance
Très vite, son amour des duels, son jeu de tête et son engagement ont raison de Daniel Agger. Dans le 3-5-2 des Reds, Sakho est titulaire. Naturellement, il revient en équipe de France. En costaud. Son premier pari est d’ores et déjà réussi. A ce moment-là, on est loin d’imaginer le scénario du Stade de France. Abidal en méforme, Koscielny expulsé à Kiev, la défaite, l’absence d’envie, c’est tout un assemblage de choses qui a amené Didier Deschamps à titulariser Sakho – 15 sélections – contre l’Ukraine. Il y a une part de chance, oui. Il y a surtout l’idée d’un combattant. Le besoin, même. Il fallait des guerriers. Des hommes. Mamad’ est de cette race. Certes, Mamadou Sakho n’est pas le défenseur central français le plus doué de sa génération. Il ne sait pas relancer, peine à se retourner, est encore tributaire de ses fameuses sautes de concentration mais lorsqu’il est dans son match comme ce fut le cas mardi soir, il est infranchissable. Waterproof. Un joueur que l’on aime car imparfait. Sakho râle, gueule, harangue, ne fanfaronne pas, et même lorsqu’il plante le troisième but, celui de la délivrance, il a ce réflexe exceptionnel. Alors qu’il part pour enlever son maillot, il se souvient qu’il est déjà averti et se ravise. A cet instant, dans de telles circonstances, d’aucuns auraient commis la faute. Pas lui. C’est ça, la marque des grands. Un grand garçon qui a toujours sa chambre à Paris. Pour toujours. Parce qu’on peut regarder partir ses enfants, on ne cesse jamais de les aimer. Jamais.
Par Mathieu Faure