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Mamadou Sakho, cramé tout seul
Contrôlé positif après le match de Ligue Europa Liverpool-Manchester United en mars dernier, Mamadou Sakho a probablement tiré un trait sur l'Euro 2016. Le joueur invoque la prise d'un brûleur de graisse. Un produit plus familier des salles de musculation qui pour le coup aura surtout cramé la fin de saison du joueur.
France-Ukraine appartient définitivement au passé. En l’espace de 10 jours, l’équipe de France a probablement perdu les deux hommes providentiels du 19 novembre 2013. Pour Karim Benzema, l’officialisation de la FFF n’était qu’un secret de polichinelle, pour Mamadou Sakho en revanche, l’annonce de son contrôle antidopage par l’UEFA a la saveur d’un coup de poignard. C’est lors du match retour de huitièmes de finale de Ligue Europa le 17 mars entre Liverpool et Manchester United que le défenseur français aurait été épinglé. Sans attendre, l’ancien du PSG a plaidé la négligence dans le cadre de l’utilisation d’un « brûleur de graisse » , un produit plus courant dans les salles de musculation que dans les vestiaires d’une équipe de football professionnelle.
Guarana, thé vert et caféine
Accessible au grand public via les boutiques spécialisées ou certaines parapharmacies, les brûleurs de graisse se présentent sous « forme de boissons ou de compléments alimentaires » , explique Romain Viale, préparateur physique au centre de formation de Bastia. « J’en proposais quand je bossais dans des salles de musculation, mais je ne travaille pas avec ça dans un groupe de footballeurs, encore moins avec des jeunes comme à Bastia. Pour réduire la masse graisseuse, on accentue plutôt les efforts sur l’alimentation, le repos, les bonnes habitudes comme éviter de manger entre les repas… » En clair, un footballeur professionnel n’est pas censé s’appuyer sur ce type de produits, « car avec un diététicien et l’entraînement qui est le sien, normalement c’est réglé » , estime Bruce L., patron d’une boutique de compléments alimentaires. Ce qui n’arrête pas certains sportifs de haut niveau soucieux d’optimiser leur silhouette grâce à « du guarana, du thé vert et de la caféine ou parfois des trucs à la con genre du citrus » , témoigne Jérémy, coach sportif depuis plus de 5 ans, qui a déjà testé des brûleurs. « On ne trouve rien d’autres dedans, du moins en France. » Si Mamadou Sakho a été rattrapé par la patrouille, cela signifie qu’il n’a pas consommé un produit légal, car « les brûleurs légaux passent les contrôles antidopage » , assure Bruce. « Sakho, on ne sait pas exactement ce qu’il a pris, mais si c’est un brûleur de graisse, c’est un brûleur de graisse qui n’est pas légal à la vente avec de l’éphédrine ou du clenbutérol. »
« Le matin, j’étais sur l’ordi, je commençais déjà à transpirer »
Contrairement à la caféine, autorisée depuis 2004, éphédrine et clenbutérol sont officiellement dans la liste des produits dopants. « Le clenbutérol, c’était utilisé dans la médecine pour les chevaux. L’éphédrine, c’est un peu différent. Comme pour la cocaïne ou la morphine, c’est le dérivé d’une plante » , explique Bruce. En 1994, c’est à cette substance que Diego Maradona a été contrôlé positif en plein Mondial américain. Dans un brûleur, ces produits renforcent les effets sur la température corporelle et l’accélération du métabolisme. Parfois dans des proportions inquiétantes, comme se souvient Jérémy, lorsqu’il a ingéré un produit importé des États-Unis, mais dont il n’avait pas vérifié la composition exacte : « Mon cœur battait beaucoup plus vite, et je transpirais pour rien. Par exemple, j’étais sur l’ordi le matin, et je commençais déjà à transpirer. » Mamadou Sakho a-t-il pris sciemment une telle substance pour améliorer ses performances ? Peu probable, car cela consisterait à se suicider sportivement, ces produits ne pouvant en aucun cas passer un contrôle antidopage. « Dans une structure sportive de haut niveau, il y a parfois un staff médical qui explique que le taux de masse grasse est trop important, qu’il y a un retard sur les objectifs, et donc le joueur peut être tenté par une solution de ce type » , tente d’analyser Romain Viale. Qui refuse d’accabler l’international français : « Quelqu’un de confiance a dû lui proposer un brûleur, et lui n’a pas fait attention, le truc con. Mais c’est vraiment prématuré pour le présenter comme un dopé, cela peut arriver à n’importe qui, ce type de mésaventure. » C’est d’ailleurs la ligne de défense que le Liverpuldien va adopter pour limiter au maximum sa sanction.
Pas d’Euro pour Sakho ?
En 2011, dans une situation comparable, l’Ivoirien Kolo Touré avait écopé de six mois de mise sur la touche, après avoir expliqué s’être servi d’un produit amincissant de son épouse. Le Français pourrait expliquer que l’étiquette du produit ingéré ne mentionnait aucune substance illicite. Ce qui ne suffira pas pour le blanchir a priori, mais permettra de limiter sa durée de suspension – l’agence antidopage prévoit des sanctions jusqu’à quatre ans de suspension -, ce qui cependant l’élimine de facto de la course pour la liste des 23 de Didier Deschamps à l’Euro. Quant à la suite de sa carrière, « tout dépend de ce qui est mentionné dans son contrat » , analyse Romain Viale. « Si c’est écrit noir sur blanc qu’il ne doit pas consommer de compléments alimentaires non prescrits par le staff médical du club, alors il sera en faute » , mais dans le cas plus probable où il n’y ait rien de précisé, « il n’a rien à craindre sauf s’il est avéré qu’il s’est dopé » . Après les problèmes d’asthme sur le peloton du tour de France, le diabète de Maria Sharapova, les poignées d’amour de Mamadou Sakho vont alimenter la chronique médicale du monde du sport. Dans son malheur, le héros de France-Ukraine fera un heureux : le joueur qui va prendre la place qu’il lui était promise pour l’Euro 2016.
Par Alexandre Doskov et Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par AD et NJ