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Mamadou Niang : « J’espère que les petits frères le feront pour nous »
En quarts de finale de la CAN 2017, le Sénégal affrontera le Cameroun avec l'étiquette de favori après une phase de poules parfaite. Mamadou Niang, ancien homme fort des Lions de la Téranga, veut y croire.
Le Sénégal a été le premier qualifié de cette CAN, j’imagine que tu es fier des joueurs ?Oui forcément, je suis très fier de ce qu’ils ont fait jusque-là. Je suis encore ami avec pas mal d’entre eux, comme, entre autres, Moussa Sow, Lamine Gassama, Cheikh M’Bengue. Je suis ça depuis la France en ce moment, mais je compte bien aller au Gabon pour aller les supporter. Soit pour le quart de finale contre le Cameroun, soit pour la demi-finale si on passe. On verra. Il ne faut pas s’enflammer, mais c’est vrai que l’on peut être satisfait des trois premières rencontres. Ça joue bien et les résultats sont là.
Durant les dernières éditions de la CAN, le Sénégal est resté sur de gros échecs, qu’est-ce qui a changé selon toi ?Que ce soit contre la Tunisie, le Zimbabwe surtout, ou l’Algérie, il y a de très bons mouvements devant. C’est aussi grâce au sélectionneur Aliou Cissé, qui fait un énorme travail. Il connaît parfaitement ses hommes et le football sénégalais. Il a apporté du professionnalisme et de la rigueur à cette équipe. On ne fait plus les petites erreurs que l’on pouvait faire auparavant.
Qu’est-ce que tu penses de Sadio Mané, trois fois Ballon d’or sénégalais, comme toi ? Le Sénégal est-il dépendant de lui ?Non, je ne pense pas que l’équipe soit dépendante de lui. C’est un super joueur, il fait de grandes prestations, mais c’est le collectif qui lui permet d’être aussi efficace. Idrissa Gueye et Cheikhou Kouyaté font un énorme travail au milieu pour lui permettre de se concentrer sur les tâches offensives. Baldé Keita de la Lazio et Mame Biram Diouf, même s’il joue moins, font énormément d’appels pour lui ouvrir des espaces et qu’il puisse s’exprimer pleinement. Donc le Sénégal n’est pas dépendant de lui, même si c’est un super, super joueur.
En quarts, ça va jouer contre le Cameroun, une autre grosse nation du football africain. C’est presque un classique.Oui, le Cameroun, ça a même été longtemps notre bête noire. On avait réussi à les éliminer de la CAN en qualifications en 2012, mais ça n’arrivait pas tous les jours. C’est une grande nation du football africain, avec de très bons joueurs, mais je pense que le plus gros adversaire du Sénégal, c’est nous-mêmes. Si on se concentre vraiment sur notre football, et qu’on arrive à être à 100 %, on doit pouvoir battre n’importe qui.
Toi, tu as connu ta première sélection avec le Sénégal peu avant la Coupe du monde 2002. Tu te souviens de ce que tu as ressenti ?Ah ça, je peux vous assurer que je m’en souviens comme si c’était hier. C’était un Sénégal-Bolivie, je marque dès ma première sélection. C’était un sentiment de fierté inégalable. Les Sénégalais, on est tous très fiers de porter ce maillot. C’est un véritable honneur. Mais malheureusement, je ne suis pas sélectionné pour disputer la Coupe du monde 2002. J’étais hyper déçu. Jusqu’au dernier moment, jusqu’à l’annonce de la liste, je me dis que je peux faire partie du groupe. Et puis, je reçois cet appel du sélectionneur, qui me dit que je suis le 23e homme. « Si y a un seul souci, tu es le premier sur la liste pour venir nous aider. » Je l’ai accepté, et j’étais à fond derrière le Sénégal.
On n’espère pas qu’un pote se blesse quand on est le 23e homme ? Non, jamais. Je n’ai jamais souhaité de blessure à personne, même à mon pire ennemi. Et encore moins celle d’un collègue. Au contraire, je voulais que tout se passe bien pour le groupe. Je suis vite passé de joueur de la sélection à premier supporter. Et puis, le parcours du Sénégal m’a vite fait oublier ma déception, avec ce match contre la France et tout le reste. C’était une fête.
Tu as participé à quatre CAN. Les deux premières, vous butez à chaque fois face au futur champion, et vous ne passez pas les poules lors des deux autres. Qu’est-ce qui a manqué, selon toi ?J’ai deux énormes regrets, c’est surtout sur les éditions de 2006 et 2012. En 2006, on perd contre l’Égypte en demi-finales. C’est finalement eux qui iront au bout, mais c’est le scénario du match qui est difficile. On monte en puissance, mais un peu sur le tard. On concède l’ouverture du score, puis on égalise sur un but de moi et après, on pousse énormément. Et franchement, sur la deuxième mi-temps, on mérite de passer. Mais bizarrement, c’est lors de notre temps fort qu’on prend ce deuxième but au lieu de le mettre au fond. Une véritable désillusion. Et puis en 2012, pour ma dernière CAN, c’est complètement différent. On arrive avec le plein de confiance, on est la meilleure équipe des qualifications avec cinq victoires et un nul, on a la meilleure défense, la meilleure attaque, et je suis le meilleur buteur. On fait une préparation parfaite, et on perd nos trois matchs de poules. Franchement, je ne saurais pas expliquer ces trois défaites aujourd’hui, même avec le recul. En quatre CAN, c’était la fois où on était le plus concentrés, le plus appliqués, avec la préparation parfaite. C’est inexplicable…
À un moment donné, tu as pris tes distances avec la sélection, qu’est-ce qui ne fonctionnait pas ?On reproche souvent aux joueurs de ne pas être assez impliqués avec la sélection nationale, et je peux vous dire que ça m’énervait de voir ça, parce que je les connaissais les gars, je les ai côtoyés, et on était tous à fond. Alors entre 2008 et 2011, vu qu’il y avait pas mal de soucis avec la Fédération et le sélectionneur, qui restent en interne, et bah j’ai décidé de prendre un peu de recul. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de revenir après, car tout s’est plus au moins réglé, et je voulais porter ce maillot encore une fois.
C’est un regret pour toi, de ne pas avoir gagné de trophée avec ton pays ?Oui, c’est un des plus gros regrets de ma carrière, forcément. Surtout que comme je te le disais, on avait les capacités pour le faire. Surtout en 2012. On avait fait des matchs amicaux énormes comme contre la Grèce, et une préparation énorme avant la compétition. Mais bon, j’espère que les petits frères, comme je les appelle (rires), iront au bout pour nous. Je suis sûr qu’ils peuvent le faire, et on croit tous en eux. Ça, c’est une certitude.
Propos recueillis par Kevin Charnay