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Malouda, pour faire décoller la Guyane
Pour sa première participation à la Gold Cup aux États-Unis, la sélection de la Guyane fait figure de tout petit Poucet. Heureusement, les Guyanais pourront compter sur l’expérience de Florent Malouda. De retour sur sa terre natale, l’ancien international français espère redonner un peu de sourire à un département qui a connu des derniers mois difficiles.
Certains pensaient même qu’il s’agissait d’une île. Lorsque la Guyane s’est révoltée en mars dernier, beaucoup de Français découvraient plus ou moins l’emplacement géographique de ce département situé en Amérique du Sud, frontalier du Brésil. Mais l’un d’entre eux connaissait très bien ce bout de terre : Florent Malouda. Né à Cayenne, chef-lieu de la Guyane, l’international français a pas mal voyagé dans sa vie. Passant de Châteauroux à Chelsea, de Lyon au Delhi Dynamos en Inde, le Guyanais a dans sa besace plusieurs titres de champion de France, d’Angleterre et une Ligue des champions. Avec la tunique bleue, Florent Malouda peut se targuer d’être allé chercher une finale de Coupe du monde en 2006. Bref, une belle carrière somme toute. Mais Florent Malouda a pourtant décidé de prolonger le plaisir en revenant défendre la terre de ses ancêtres. Le 22 juin, il a ainsi honoré sa première sélection avec sa Guyane natale face à la Jamaïque dans la Coupe caribéenne des nations 2017. Et ce n’est pas une défaite aux tirs au but qui l’arrêtera. L’ex-international français va donc disputer la Gold Cup aux États-Unis, la première de l’histoire des Yana Doko, surnom de l’équipe guyanaise.
Dans les pas de Sloan Privat
Déjà en 2014, Florent Malouda avait évoqué son souhait de renforcer la sélection guyanaise, mais le FC Metz n’avait pas voulu laisser partir son joueur, au grand regret de Bernard Lama, manager des Yana Doko. Trois ans plus tard, l’ancien Lyonnais est libre et peut tranquillement rejoindre sa Guyane natale. Car celle-ci n’est pas reconnue par la FIFA, la faute en particulier à la France qui avait posé son veto. Il y a près d’un an, le député de Martinique, Alfred Marie-Jeanne, avait demandé des explications à Thierry Braillard devant l’Assemblée nationale. « L’article 11 du statut de la FIFA reconnaît comme membre une seule association par pays. C’est la raison pour laquelle, riche de ses territoires, c’est la France qui est membre de la FIFA » , avait rétorqué l’ancien secrétaire d’État chargé aux sports. La Nouvelle-Calédonie, autre territoire français, fait pourtant partie de l’instance internationale, mais elle doit cette adhésion à un statut particulier de large autonomie, quand la Guyane est considérée comme un département français. Et c’est vrai qu’on imagine mal la Creuse demander son adhésion à la FIFA. En revanche, la Guyane est membre officiel de la CONCACAF depuis le 19 avril 2013, notamment avec la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin, autres territoires français des Caraïbes.
« Florent avait toujours été clair. C’est-à-dire qu’une fois sa carrière terminée, il se mettrait au service de son pays. On a réussi à trouver un terrain d’entente et c’est avec toute sa fierté et beaucoup de cœur qu’il va venir nous apporter son expérience pour qu’on puisse être beaucoup plus compétitifs » , avait déclaré Jaïr Karam, entraîneur des Yana Doko, lors de l’annonce de la sélection du Flo. Mais pour l’instant, c’est à un triplé de Sloan Privat que la sélection guyanaise doit sa qualification à la Gold Cup 2017. Et c’est encore l’attaquant de l’En Avant de Guingamp qui a marqué le but décisif pour permettre à sa sélection de finir à la troisième place de la Coupe caribéenne des nations face à la Martinique.
Florent le grand frère
Pour cette Gold Cup 2017, la Guyane place donc de grands espoirs dans son nouveau pirate des Caraïbes. Et à bord de son Black Pearl, Florent Malouda compte bien envoyer quelques boulets de canon dans les cages adverses. « Sur le terrain, il a un rôle déterminant. Il fait un peu plus que ce que son poste lui demanderait de faire. On attendait aussi de voir ce que ça allait donner avec Sloan Privat. Pour l’instant, il y a des signes plutôt encourageants. Ils arrivent à bien se comprendre sur le terrain et à eux deux ils forment l’ossature offensive » , se réjouit Jessy Xavier, journaliste pour la chaîne Guyane 1re qui suit l’équipe aux États-Unis. Mais le rôle de l’ancien Blue dépasse évidemment le terrain, et son expérience sera sûrement utile pour les Yana Doko lors de cette première participation à la Gold Cup. « La défaite face à la Jamaïque a été vécue comme un gros coup dur, parce qu’honnêtement, la place en finale était jouable. D’un point de vue moral, on voit tout de suite son statut d’international. Il a su tout de suite se relever. Même le coach marquait un peu le coup, et Florent a été le premier à tout de suite remonter le moral des troupes, explique Jessy Xavier. Il a un rôle de grand frère, c’est évident. Il y a une vraie fraternité dans cette équipe et il a réussi à très rapidement prendre sa place dans le collectif. On lui a clairement demandé d’assumer son rôle au sein de l’équipe et il le fait, mais il n’écrase pas les autres, il refuse de faire la star, même s’il était honoré du respect que certains lui portaient. »
« C’est comme dire si on préfère son papa ou sa maman… »
Surtout que la Guyane aurait bien besoin de vibrer ces temps-ci. Après avoir traversé une lourde crise en mars dernier qui a paralysé tout le département, le peuple guyanais ne serait pas contre un peu d’ondes positives. « Le sport, sans aucun doute, participe à panser certains blessures du quotidien, c’est classique. C’est vrai qu’il y a eu cette période de tensions très fortes, mais qui n’a pas mis à mal la cohésion, puisque les gens se sont retrouvés autour de revendications communes. À travers le sport, on a une autre expression de cette solidarité, de cette idée qu’on est tous dans la même barque. On a connu une Guyane un peu morose et c’est vrai que l’aventure des Yana Doko offre une bouffée d’air à la population » , reconnaît Jessy Xavier.
Le journaliste affirme même qu’il existe un lien très fort entre la population guyanaise et son équipe de football qui la représente. « Ce sont nos gars, quoi » , comme dit Jessy. De là à dire que le football est porteur d’un élan nationaliste ? Pas vraiment. De l’autre côté de l’Atlantique, on supporte autant les Dana Yoko que les Bleus. « C’est un peu comme dire si on préfère son papa ou sa maman, coupe Jessy Xavier. Les deux équipes ne participent pas aux mêmes compétitions, donc il n’y a pas vraiment de plus ou de moins. En matière d’effervescence, par rapport aux enjeux, il y a beaucoup plus d’enthousiasme dans les rues pour une Coupe du monde quand la France joue. Mais c’est normal, c’est une Coupe du monde. La Gold Cup aussi c’est international, mais ce n’est pas la même échelle. » Les rues de Cayenne n’attendent qu’un but de Malouda en finale pour s’égayer à nouveau.
Par Robin Richardot
Propos de Jessy Xavier recueillis par RR