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Malouda : « Je m’entraîne plus qu’à vingt ans »

Propos recueillis par Guillaume Vénétitay, à Delhi
10 minutes
Malouda : « Je m&rsquo;entraîne plus qu&rsquo;à vingt ans<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Après Metz, Florent Malouda est depuis deux saisons en Inde, entrecoupées d'un interlude égyptien. L'ex-international raconte sa fin de carrière, comment un joueur vieillit et ses envies de Brésil.

Salut Florent. Est-ce que tu peux nous rappeler comment tu es arrivé à Delhi, en 2015 ?En 2014, j’avais eu des contacts et rencontré le président Prashant Agarwal. Mais j’avais déjà donné mon accord à Metz. Et à la fin de saison, on a repris contact, on s’est vu une fois à Londres et je suis parti sur ce projet-là. J’avais eu des bons retours des Français qui avaient joué la première saison, comme Bernard Mendy, Nico (Anelka, ndlr), et aussi Mikaël Silvestre. Ils essayent de créer quelque chose. Avant de signer, j’avais vu qu’il y avait un engouement et énormément de monde qui venait au stade. Aussi, l’ISL est un championnat court (octobre-décembre, ndlr), donc ça me permettait de jouer deux championnats dans la même saison. Et il y avait aussi le désir de faire quelque chose de nouveau après Metz. J’ai dit banco.

Quelle image avais-tu de l’Inde avant de débarquer ?

Avant d’arriver en Inde, j’avais l’image d’un pays surpeuplé, plus axé sur le cricket et qui n’a pas trop la culture du football.

Un peu des clichés. Il y a l’image d’un pays surpeuplé, plus axé sur le cricket et qui n’a pas trop la culture du football. Mais je savais qu’en fonction des régions, les paysages étaient très différents, on le voit bien quand on passe du sud à Guwahati, dans le nord-est. De ce côté-là, je n’ai pas été déçu, mais en venant de Guyane, ce n’est pas quelque chose qui me déstabilise. Lorsque tu es à Cayenne, c’est un peu pareil, tu fais deux heures de route, t’es à Oyapock, ou bien tu peux aussi aller de l’autre côté à Panamaribo.

Ça fait quoi de jouer dans la ville la plus polluée du monde ?Je me souviens qu’en décembre dernier, mes yeux commençaient à piquer un peu. Et il y a quelques jours, quand on est revenu de Goa et qu’on a débarqué à Delhi en période de Diwali (fête majeure hindoue, dont les célébrations à base de pétards et feux d’artifice provoquent des pics de pollution, ndlr), ça attaque les poumons ! Et ce n’est pas une légende, on a du mal à voir le soleil. Il y a ce qu’ils appellent ici le smog, un mélange de fumée et de brouillard qui couvre en permanence la ville. Ce n’est pas le point positif de Delhi, et heureusement qu’on passe quasiment autant de temps à l’extérieur. Parce que c’est vrai qu’en ce moment, ça attaque vraiment le système.

Pour l’ISL, les équipes sont 24h/24h à l’hôtel, les joueurs n’ont pas de logement personnel pendant trois mois. Comment tu le vis ?C’est un peu une mise au vert qui dure trois mois. Ça me rappelle les périodes de préparation pour les tournois internationaux. Mais la préparation est un peu plus cool qu’en équipe de France. On est à l’hôtel, mais un peu plus libres.

C’est un peu comme en Europe lorsque tu joues tous les trois jours. Même si on est à la maison, une routine s’installe, les matchs s’enchaînent et on ne sait pas forcément quel jour on est.

Cette année, on est allés à Birmingham, en Suède… Au moment où tu arrives à Delhi, tu comprends qu’il faut beaucoup de temps pour aller d’un point à un autre. Si chacun devait vivre chez lui, ce serait dur d’avoir des entraînements groupés ! (rires) La compétition est courte et on joue beaucoup de matchs, donc ça va. C’est un peu comme en Europe lorsque tu joues tous les trois jours. Même si on est à la maison, une routine s’installe, les matchs s’enchaînent et on ne sait pas forcément quel jour on est. Là, on est déjà en novembre, et on ne fait même pas attention à l’environnement, car le rythme est soutenu.

Tu as très longtemps joué le haut de tableau, la C1. Comment as-tu vécu ton passage à Metz, où l’équipe se battait pour le maintien ?C’est quelque chose que j’avais connu à Châteauroux ou à Guingamp, au tout début de ma carrière. À Metz, le groupe était assez jeune et n’avait quasiment aucune expérience de la Ligue 1. C’est différent d’un groupe qui a l’habitude de lutter pour le maintien. C’est vrai que sportivement, c’est difficile, il faut aller chercher chaque point. Au niveau personnel, j’étais multitâche, un peu joueur et un peu dans le staff en même temps. C’était une expérience enrichissante, j’ai senti beaucoup de respect de la part des joueurs, du staff, des gens du club. Malgré la descente, j’en garde un très bon souvenir et j’ai gardé des amis là-bas.

Qu’as-tu pensé de la Ligue 1, sept ans après ton départ ?La Ligue 1 a perdu en consistance. Et si on regarde en matière d’ambition, mis à part le PSG et Lyon qui reprend des couleurs… La plupart des clubs ont quand même moins de moyens. Si un club a un bon joueur, il ne pourra pas le garder. Même une demi-saison, ça peut être difficile. On a du mal à être compétitif en coupes d’Europe, et pas seulement face aux Anglais et aux Espagnols. Sportivement, on sent qu’il y a une forme de déclin. Les clubs sont obligés de sortir les joueurs un peu plus tôt, qui ne sont pas forcément à maturité. Et ils vont partir vite. On a l’impression que n’importe quel championnat peut attirer les talents français. C’est un peu dommage, parce qu’un bon championnat doit pouvoir au moins garder ses meilleurs jeunes.


Tu comptes toujours terminer ta carrière en signant au Brésil ?Je suis un fan de foot brésilien. À Cayenne, avant même de regarder le championnat français sur Téléfoot, je regardais le championnat brésilien via la parabole.

Même si le championnat brésilien est un peu en déclin, c’est quelque chose qui m’intéresse, que j’aimerais avoir sur mon CV.

Même si le championnat brésilien est un peu en déclin, c’est quelque chose qui m’intéresse, que j’aimerais avoir sur mon CV. Je ne sais pas si ça se fera. C’est plus un vœu de ma part. J’y ai aussi pensé en choisissant l’Inde, car la saison reprend en janvier au Brésil. Et c’est ce qu’a fait un joueur comme Elano l’an passé, il a joué à Chennai, puis il est allé à Santos. Mais je n’ai pas vraiment cherché et je n’ai pas eu de contacts. Peut-être que je vais creuser, car je me rapproche un peu plus de la fin de ma carrière. Si je le fais pas, je ressentirais un manque, mais bon, je survivrais. (rires)

Tu as trente-six ans. Un joueur qui vieillit, comment il le ressent et comment il s’adapte ?Avec mon jeu, j’ai moins souvent la capacité d’accélérer. J’en ai, mais j’ai moins de cartouches. (rires) On s’adapte avec l’expérience. Au départ, j’étais attaquant ou ailier, donc je faisais beaucoup de courses. Et plus j’avançais, plus je me suis recentré, au milieu, j’ai été très polyvalent. En matière de fond, ça va, mais c’est sûr que pour les sprints… Vu la vitesse des joueurs aujourd’hui, il faut être sage. J’ai besoin de m’entraîner pour jouer, pour avoir des sensations. Je ne m’entraîne pas moins qu’à vingt ans. Au contraire, je m’entraîne plus ! Il faut écouter son corps. Et en même temps, j’apprécie plus. J’ai besoin de plus de préparation et de récupération pour des choses qui étaient assez naturelles. Mais avec l’âge, tu n’acceptes pas plus la défaite, le caractère ne change pas. On apprécie plus chaque instant, et on se dit qu’il ne faut rien laisser passer.

Justement, est-ce que tu prends le même plaisir lors de cette fin de carrière que lors des matchs à enjeux ?Le plaisir est forcément différent. Quand tu es compétiteur, le plaisir se trouve dans les résultats, dans les titres que tu gagnes.

Sur le terrain, au départ, il y a une notion de respect. Et après, chacun veut se mesurer à toi. T’es tout le temps « challengé« .

Tu comprends très vite que ton palmarès définit la grandeur de ta carrière. Après, le fait d’être dans des championnats moins médiatisés comme l’Inde amène des responsabilités plus grandes. Parce que tu as un nom, tu portes des espoirs. Et même s’il y a moins de moyens, les gens n’en attendent pas moins. Ils veulent le même joueur qu’ils ont vu à la télé. Sur le terrain, au départ, il y a une notion de respect. Et après, chacun veut se mesurer à toi. T’es tout le temps « challengé » . C’est une expérience différente et c’est un plaisir aussi d’arriver à répondre à ça. Parce que si à chaque fois tu te fais bouger, tu te dis : « Bon, vaut mieux que j’arrête. » (Rires)

Tu dis que tu portes des espoirs dans ces championnats moins médiatisés. En quoi ton rôle est différent ?Il y a plus de remise en cause dans ces championnats. On peut être dans un championnat plus connu, jouer moins souvent. Être sur le banc, entrer de temps en temps et faire quatre passes en retrait. Mais ce qui m’intéresse, c’est d’être toujours au contact, de jouer et encore jouer. En Inde, par exemple, le niveau est moins élevé, mais il y a plus d’implications en dehors du terrain, au niveau tactique, de conseils auprès des jeunes. Dans un club où tout va bien et qui joue le haut du tableau, tu te concentres sur toi. Alors que dans ce genre de championnat, il faut être plus disponible et ouvert aux autres. Et tu vois des choses que tu ne voyais pas avant, car tu étais centré sur toi.

Est-ce que tu te vois en Guyane à la fin de ta carrière ?Je n’ai jamais vraiment quitté la Guyane, je me suis toujours investi. Là, avec plus de coupures, comme en fin de championnat avec l’Inde, j’y vais plus régulièrement. Ma fondation (One Love Foundation) est active en Guyane, dans les Caraïbes, en Afrique, dans tous les pays où je passe, comme ici en Inde. J’essaye de faire des choses un peu partout. En Guyane, j’ai investi dans un restaurant là, dans un label. Je fais plein d’activités et je n’attends pas la fin de carrière. Car dans le foot, en principe, la fin de carrière, c’est à chaque fin de contrat !

Donc pas forcément en Guyane à plein temps ?Ce sera beaucoup lié au parcours de mes six enfants. Ils arrivent à un âge où je devrai les accompagner. En ce moment, je suis la météo et je reste au chaud. Quand c’est la saison des pluies en Guyane, je vais en Europe et inversement ! (rires) Sinon, je pense que je vais rester proche du milieu du football, qui m’a beaucoup apporté. On peut essayer beaucoup de choses en dehors, mon domaine de compétences, c’est le football. Et ça se passe en Europe. Aussi, après avoir beaucoup voyagé en Afrique, en Inde, je pense que je serai un globe-trotter. J’espère expérimenter pourquoi pas l’Amérique du Sud et le Brésil. Forcément, je vais toujours être amené à bouger, et ce n’est pas pour me déplaire.

On a lu dans Libération que ta maman militait au Parti socialiste guyanais… (Il coupe en riant) Toujours !

Donc, si on parle forcément de personnalité de gauche en Guyane, on pense à Christiane Taubira. Certains veulent la pousser à se présenter en 2017. T’en dis quoi ?

Christiane Taubira, c’est quelqu’un dont je suis proche. On a grandi dans la même commune, j’étais en classe avec son fils. Pour nous, Guyanais, c’est une fierté.

Christiane Taubira, c’est quelqu’un dont je suis proche. On a grandi dans la même commune, j’étais en classe avec son fils. Pour nous Guyanais, c’est une fierté. C’est quelqu’un qui aime maîtriser son sujet, cultivée et qui, politiquement, a des idées bien arrêtées. Disons qu’aujourd’hui, les politiques sont un peu comme des girouettes, ils vont essayer de savoir ce que l’électorat va penser pour flatter les gens. Christiane Taubira n’est pas du tout comme ça. Ce qui me fait rire, c’est que tout le monde voulait la dégager lorsqu’elle était ministre et maintenant on parle d’elle pour la présidentielle. Je ne sais pas si c’est une réalité, mais c’est quelqu’un qui m’inspire. Pour 2017, on voit les dossiers qui sortent sur les uns et les autres. Déjà, à l’époque, c’était Strauss-Kahn à New York. On parle peu de la situation réelle du pays, ce qui m’intéresse plus que la personnalité des politiques. Et depuis l’étranger, je suis un peu inquiet parce que j’ai l’impression que la situation du pays se dégrade. J’espère qu’il sera plus question de vrai programme et de choses réalisables plutôt que des promesses faites pour être élu.

Retrouvez la deuxième partie de l’interview vendredi 11 sur sofoot.com

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