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Mais qui va aller supporter les Bleues à l’autre bout du monde ?

Par Raphaël Brosse
6 minutes

La France lance son Mondial dans cinq jours, face à la Jamaïque. Si les groupes de supporters n’ont pas organisé de déplacement collectif, les Bleues pourront malgré tout compter sur le soutien de quelques motivés qui, malgré la distance et les dépenses engendrées, ont décidé de les accompagner Down Under.

Illustration during the FIFA World Cup 2022, Quarterfinal match between France and England at Al Bayt Stadium on December 10, 2022 in Al Khor, Qatar. (Photo by Anthony Bibard/FEP/Icon Sport)
Illustration during the FIFA World Cup 2022, Quarterfinal match between France and England at Al Bayt Stadium on December 10, 2022 in Al Khor, Qatar. (Photo by Anthony Bibard/FEP/Icon Sport)

Faut-il y voir un signe ? C’est sur la pelouse du flambant neuf Sydney Football Stadium, inauguré en septembre 2022, que l’équipe de France entrera dans sa Coupe du monde, dimanche (12h, heure française) contre la Jamaïque. Couleur commune aux trois clubs résidents de l’enceinte, à savoir les Roosters (rugby à XIII), les Waratahs (rugby à XV) et le Sydney FC (foot), le bleu habille l’immense majorité des 42 500 sièges installés en tribunes. Les joueuses d’Hervé Renard évolueront donc dans un environnement qui, au moins, ne leur sera pas hostile visuellement parlant. Mais du bleu, on espère aussi en voir porté par les supporters présents ce jour-là et les suivants. La communauté française basée en Australie devrait se mobiliser, surtout qu’elle est bien implantée en Nouvelle-Galles du Sud. Dominique Garnier et les expatriés sont ainsi attendus de pied ferme pour pousser les Tricolores. Et ce, d’autant plus que les fans vivant dans l’Hexagone ne seront, a priori, guère nombreux à faire le déplacement.

Distance, coût exorbitant et vacances d’été, le cocktail fatal

Quelque 17 000 kilomètres séparent Paris de Sydney. Il faut compter au bas mot 24 heures de vol pour relier ces deux villes, avec une escale en Asie du Sud-Est. Un voyage extrêmement long et éreintant. Au coût exorbitant, aussi, ce qui explique en partie pourquoi les associations de supporters des équipes de France n’ont pas proposé de déplacement groupé à leurs adhérents. « Nous n’organisons rien de particulier. La seule chose que nous pouvons faire, c’est aider ceux qui seront sur place à avoir des billets facilement », déclare Olivier, responsable des Baroudeurs. « Le coût du voyage a été plus que dissuasif », embraye Fabien Bonnel, porte-parole des Irrésistibles Français. Seul adhérent des IF à se rendre en Australie, Philip voit un autre élément susceptible de refroidir les ardeurs des éventuels volontaires : « Il faut accepter de sacrifier ses vacances d’été, et ce n’est pas simple. En France, on a l’habitude de louer une maison, pour partir en famille ou entre amis. Les Anglais et les Allemands n’ont pas la même culture, ils peuvent très bien se chauffer à plusieurs pour suivre une compétition de foot. »

La plupart des quelques intrépides ayant choisi d’effectuer ce périple jusqu’en Océanie se sont positionnés à l’automne 2022, au moment où la billetterie a été ouverte par la FIFA. L’équipe de France était encore entraînée par Corinne Diacre, et l’atmosphère pesante qui planait alors n’avait rien à voir avec la dynamique insufflée par Hervé Renard, son successeur. « On a l’impression d’avoir retrouvé un petit engouement derrière les Bleues depuis février, mais les gens ne peuvent pas s’organiser en l’espace de cinq mois », estime Anne. Elle et trois autres membres des OL Ang’Elles, association de supporters de l’Olympique lyonnais, s’apprêtent d’ailleurs à passer un mois Down Under, mais « sans suivre spécifiquement l’équipe de France. On n’était pas en phase avec le management de Diacre et la mise à l’écart de joueuses qui, pour nous, étaient très importantes. Maintenant que la situation a changé, on regrette un peu, mais c’est comme ça », justifie celle qui a prévu d’assister à quelques belles affiches et suivra d’un œil attentif les autres Rhodaniennes qui prendront part au tournoi. Enfin, il y aurait encore une forme de désintérêt injustifié à l’égard du foot féminin, selon Othmane. « On est capables de se déplacer par milliers pour aller encourager les hommes au Qatar, et personne ne veut aller en Australie pour les femmes », se désole l’un des deux Baroudeurs à faire le voyage.

Si plus de personnes avaient prévu de se rendre en Australie, peut-être que je n’y serais pas allé.

Othmane, Baroudeur et supporter des Bleus

Facilement reconnaissable en tribunes grâce à son déguisement d’Obélix, le trentenaire s’est décidé à prendre ses billets il y a deux semaines à peine. Avec l’idée de nager à contre-courant. « Ça me tient à cœur de défendre le foot féminin, la mixité dans le sport, insiste-t-il. Si plus de personnes avaient prévu de se rendre en Australie, peut-être que je n’y serais pas allé. En fait, je vois ça comme un défi, une façon de marquer le coup. » Au pays des kangourous, Othmane croisera inévitablement la route d’un autre supporter des Bleus qui n’a pas peur d’empiler les heures de vol. Du haut de ses 58 ans, Alain compte cinq Coupes du monde masculines à son actif et va vivre, d’ici quelques jours, son troisième Mondial féminin. « Aller en Coupe du monde, ça me permet de faire un peu de tourisme et de parler de mon île, révèle le Guadeloupéen. Il y a souvent des joueurs originaires des DOM, je peux les rencontrer et échanger avec eux. Et puis, à chaque compétition, je me fais pas mal d’amis, vivant en France ou à l’étranger ! »

Quant à Philip, 37 ans, qui a vécu à Perth plus jeune et s’était promis de revenir en Australie – « de préférence avant mes 40 ans, parce que c’est un voyage très lourd » –, cette aventure estivale s’inscrit pleinement dans sa passion pour le groundhopping. « Je fais ça à 70 % pour faire des stades. Et je préfère largement faire des stades pendant une Coupe du monde féminine plutôt que d’aller voir des matchs de championnat australien, au sujet duquel je ne connais absolument rien », confie-t-il.

Budget planifié vs « style aventurier »

Évidemment, tous ont dû consentir à d’importants efforts financiers. Philip, par exemple, en a eu pour 2000 euros de billets d’avion et 2000 euros d’hôtel, sans oublier une belle enveloppe pour les dépenses quotidiennes. « Je ne vais pas manger dans des restos incroyables tous les jours, mais je reste quand même trois semaines sur place. Disons que j’ai prévu 1000 à 2000 euros supplémentaires, ce qui me fera un budget de 6000 euros tout compris », détaille-t-il. Anne et ses amies, elles, ont déjà lâché 4000 euros chacune en billets d’avion, en comptant les vols intérieurs. « On y reste un mois, donc on va beaucoup bouger, révèle la fan de l’OL. Pour diminuer les coûts, on a loué un van la première semaine. Ça nous permettra d’avoir juste une place de camping à réserver, au lieu d’aller à l’hôtel. »

Si certains ont tout planifié de A à Z, Alain et Othmane, eux, ont une approche plus freestyle de leur séjour chez Mark Viduka et Harry Kewell. « Les voyages organisés, les hôtels, ce n’est pas trop mon truc, balaie le premier cité. Je suis plutôt du style aventurier, donc pour dormir, j’irai en auberge de jeunesse. J’en profiterai pour rencontrer des supporters d’autres nations et discuter avec eux. » Le second, qui se définit comme « voyageur dans l’âme », avisera au jour le jour : « Je ne sais pas encore où je vais loger sur la durée, mais je vais essayer de faire du couchsurfing (forme d’hébergement gratuit, NDLR) chez les locaux dans un premier temps. Et peut-être qu’avec d’autres supporters, on pourra s’arranger pour mutualiser les frais de logement. » Tous, c’est sûr, espèrent voir les Bleues tracer leur route jusqu’en finale. Après tout, quitte à être de l’autre côté du globe, autant en profiter pour vibrer le plus possible.

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Par Raphaël Brosse

Tous propos recueillis par RB.

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