- Euro 2016
- Reportage
Mais qui êtes-vous, les collectionneurs de billets ?
À la sortie du stade, on ne voit qu’eux avec leur pancarte : « Colleting tickets ». Eux, ce sont les collectionneurs. Et la plupart ont fait un bon bout de chemin pour cueillir ton bout de papier qui ne te sert plus à rien.
Quaresma vient à peine de tirer son penalty, le Portugal vient à peine d’accéder aux demi-finales, que Ron dévale déjà les marches du Vélodrome. Pour avoir la meilleure place, il doit être l’un des premiers à sortir du stade : « C’est un peu à celui qui est le plus près d’une sortie. Après, les autres doivent se mettre un peu plus loin. Parce que si on est trop près les uns des autres, ça ne rime à rien. Chacun son périmètre, et puis, on récupère chacun nos tickets. Plus t’es près d’une sortie, mieux c’est. » L’une de ses passions, c’est donc de faire la collection des tickets. Pas commun. Mais il n’est pas le seul autour du stade. Ils sont une dizaine, plantés devant les entrées, à attendre un geste de bonté. Si Ron porte un maillot de l’OM, c’est parce qu’il sait que ça peut attiser la sympathie, et donc obtenir plus de tickets, là où d’autres n’ont que leur sourire et un mauvais emplacement.
Philatélistes
La plupart d’entre eux viennent de l’étranger. Wolfgang, étudiant allemand, connaît ses concurrents : « Les collectionneurs ne sont pas qu’allemands, il y a beaucoup de Belges, beaucoup de mecs du UK, des Français. » Et la méthode est simple. Soit ils se procurent un billet sur le marché noir et quittent l’enceinte juste avant la fin du match. Soit ils restent en dehors, négocient avec la sécurité, passent le cordon et se posent au bon endroit le moment venu. La méthode, c’est ok. Mais récupérer des tickets pour quoi faire ? « Moi, c’est une passion que j’ai depuis 2006, et le but, sur ce genre de match, c’est de pouvoir récupérer le plus de tickets possibles, pour les échanger après. On est comme des philatélistes, si tu veux. » En gros, plus un ticket est rare, plus il a de la valeur. Et vice versa.
Pour ce quart de finale Portugal-Pologne, les quelques collectionneurs autour du stade ont les mains pleines de tickets, plus d’une centaine. Ces billets n’ont donc que peu de valeur. Et servent surtout de monnaie d’échange. « Mais pour Angleterre-Islande, par exemple, comme c’était un super match et que les Islandais ne filaient pas leur ticket, c’est une belle pièce. » Le prix initial, la rareté, l’état du ticket, l’inscription du match dessus… Voilà ce qui compte. Un spectateur file son ticket et son numéro à Wolfgang. Non, ce n’est pas un rencard, mais parce qu’il pourra « lui téléphoner pour voir ce qui lui manque et échanger des tickets. L’idée, c’est qu’on puisse tous les deux compléter notre collection. C’est un réseau de collectionneurs, en fait. »
Chaussettes-sandales
Et forcément, le graal pour ce genre de passionné, c’est une place en finale. Martin, jardinier à Stuttgart et qui a osé le combo short-sandales, tient à bout de bras sa pancarte en carton « collecting tickets » . Il est concentré, a mal aux bras, reste les yeux rivés sur la horde de spectateurs quittant le stade, mais est en mesure de discuter. Un tout petit peu : « Je collectionne les tickets depuis 1998. Il m’en manque assez peu de toutes les phases finales depuis cette époque-là. Les finales surtout, parce que les gens ne lâchent pas leurs tickets pour une finale. J’en fais un grand album que je garde précieusement chez moi. Pour les finales, les prix peuvent aller jusqu’à 50 euros. Moi, à ce prix-là, je ne peux pas. » Et il faut aller sur eBay ou d’autres plateformes de vente en ligne pour trouver son bonheur, assouvir sa passion. Ron n’est peut-être pas aussi bien placé qu’il le voudrait sur le parvis, mais il sait qu’il pourra toujours se rattraper sur les échanges en ligne : « Là, c’est vraiment moins sympa. S’il y a un ticket que tu veux, faut être le premier dessus et ne pas le lâcher. Et puis faut aussi trouver la monnaie d’échange adéquate. Moi, je suis au chômage, donc ça va, j’ai du temps. »
Par Ugo Bocchi et Arthur Jeanne