- Record
- Nombre de buts sur une année civile
- Lionel Messi
Mais qui étais-tu, Godfrey Chitalu ?
Depuis quelques jours, une folle rumeur agite le Web. Messi ne serait pas le recordman des buts sur une année civile. Ce record appartiendrait en réalité au Zambien Godfrey Chitalu, 107 buts en 1972. Une idole, en Zambie.
Les rares images que l’on ait de lui sont en noir et blanc. C’est dire si son nom ressort des archives. Godfrey Chitalu, toutefois, ne peut pas revendiquer ce qui pourrait être un record fou. Et pour cause. Il est mort en 1993. Les circonstances ? On s’en souvient tous. Ce tragique accident d’avion qui avait entraîné le décès de toute l’équipe de Zambie, dont Chitalu était alors le sélectionneur. Mais pourquoi reparle-t-on donc de cet ancien attaquant, décédé il y a près de vingt ans ? Tout simplement parce que, selon la Fédération zambienne de football, le joueur serait détenteur d’un record encore plus dingue que celui de Lionel Messi. Il aurait en effet inscrit 107 buts lors de l’année civile 1972, toutes compétitions confondues. Problème : la FIFA n’a jamais homologué ce chiffre et, comme par hasard, il n’existe, en interne, aucune archive capable de le prouver. Enfin, ça, c’est sans compter sur la ténacité de la Fédé zambienne, qui assure de son côté avoir « enregistré tous les buts de Chitalu, match par match, but par but » . Pour faire la lumière sur tout ça, la FIFA a donc missionné une équipe d’archivistes afin de retrouver la trace du record de l’ancien Chipolopolo. « Nous avons ce record qui a été inscrit en Zambie, mais qui est introuvable dans les archives de la FIFA. Nous travaillons dessus pour voir si nous pouvons le retrouver » , a expliqué l’un des responsables des archives de la FIFA. L’enquête est lancée.
Deux buts aux Jeux Olympiques
Retour, donc, en 1972. Et un peu avant, même. Godfrey Chitalu naît en 1947 à Luanshya et débute sa carrière très jeune, dans le club de Roan United. À l’âge de 18 ans, il s’engage avec Kitwe United, l’un des clubs phares de l’époque. Là, déjà, une première histoire de records. Pendant la saison 1968 (car en Zambie, une saison se jouait sur une année civile), il inscrit la bagatelle de 81 buts. En gros, deux buts par match. Une stat qui ne se base pas sur des archives concrètes, mais seulement sur des « on dit » . Bref, deux ans après cet exploit fou, Chitalu s’engage avec les Kabwe Warriors, grands rivaux de Kitwe United. C’est là-bas qu’il va réaliser son record non homologué. Pendant l’année 1972, celui que le commentateur Dennis Liwewe avait surnommé « Ucar » , parce qu’il l’avait comparé à une véritable « batterie humaine » , dépasse la barre des 100 buts. Avec le maillot des Kabwe Warriors, mais aussi celui de l’équipe nationale de Zambie, il claque, en tout et pour tout, 107 pions.
Impossible, toutefois, d’avoir des certitudes sur ces chiffres. Quelles compétitions ont été prises en compte ? Les matchs amicaux aussi ? Les matchs d’entraînement ? Une seule chose est sûre : cette année-là se dispute la Coupe d’Afrique des nations au Cameroun. Manque de bol, la Zambie n’était pas qualifiée. Chitalu n’a donc pas pu marquer lors de cette compétition. Quant au championnat zambien, on sait juste que les Kabwe Warriors ont été sacrés champions en 1972. Pour le reste, un énorme point d’interrogation. Mais la carrière de Chitelu ne s’arrête évidemment pas là. En 1980, à l’âge de 33 ans, il participe aux Jeux Olympiques de Moscou avec l’équipe olympique zambienne. Si la Zambie perd ses trois matchs, contre Cuba (1-0), l’URSS (3-1) et le Venezuela (2-1), Chitalu restera comme le seul buteur de son équipe, aussi bien contre les Soviétiques que contre les Vénézuéliens. Deux ans plus tard, en 1982, il prend sa retraite. Avec combien de buts à son actif ?
Tragédie du 27 avril 1993
Peu de temps après avoir raccroché les crampons, « Ucar » devient entraîneur des Kabwe Warriors. L’aventure sur le banc dure sept ans, le temps de remporter un nouveau titre de champion, en 1987. Mais après cela, l’ancien canonnier a besoin d’un nouveau challenge. Il décide donc de relever le défi que lui propose la Fédération zambienne : prendre en main la sélection nationale. L’objectif, c’est de se qualifier pour la Coupe du monde 1994 aux États-Unis, puisque la Zambie (vainqueur de la CAN en 2012) ne s’est tout simplement jamais qualifiée pour un Mondial. Et les promesses sont là, puisque l’équipe est en grande partie composée des joueurs qui avaient écrasé l’Italie (4-0) lors des JO de Séoul en 1988. Le 27 avril 1993, l’équipe zambienne doit se rendre à Dakar pour y disputer son premier match de qualification. Elle n’arrivera jamais là-bas. La faute à une erreur humaine, celle du pilote, qui, en état de fatigue avancée (c’est ce qu’a révélé l’enquête), a éteint le mauvais moteur suite à un début d’incendie. Toute l’équipe, ainsi que Godfrey Chitalu, ont péri dans l’accident.
Seuls Kalusha Bwalya, capitaine de l’équipe, Charles Musonda et Bennett Mulwanda Simfukwe ont échappé à la tragédie, le premier ayant eu un permis pour se rendre un jour plus tard au Sénégal, le second étant blessé et le dernier n’ayant pas été convoqué. Chitalu emporte ainsi dramatiquement avec lui son record. Voilà aussi pourquoi, aujourd’hui, la Fédération zambienne de football a réagi. Non pas pour s’opposer au fabuleux record de Lionel Messi. Mais uniquement pour rendre à Chitalu, plus grand joueur zambien de l’histoire, ce qui appartient à Chitalu. Une sorte de devoir de mémoire, pour que l’ancien buteur des Chipolopolos soit aujourd’hui reconnu à sa juste valeur. Par la FIFA, mais aussi par tous. Bon, après, peut-être que Lionel Messi aura envie de résoudre l’enquête à sa manière. En inscrivant 20 buts lors des trois matchs qu’il a encore à disposition en 2012. Bah quoi ? Avec Leo, trois septuplés, c’est si vite arrivé.
Eric Maggiori