ACTU MERCATO
Mais qui est Suk, la recrue coréenne de Porto ?
Neuf buts et quatre passes décisives avec Setúbal auront été suffisants pour que le Sporting et Porto se crêpent le chignon pour sa poire. Suk a finalement choisi o Estádio do Dragão. L’occasion de se pencher sur le cas du grand buteur, qui a fait ses débuts aux côtés de Luis Suárez avant d’enchaîner galère sur galère.
Le FC Porto va mal. Le club ne gagne plus de titres depuis deux ans, et la crise actuelle laisse entendre que cette période de disette pourrait bien se prolonger. La réputation de l’emblème portista ne semble pourtant pas plus écornée que ça auprès des joueurs. Dans la lignée de Danilo, Falcao, Lisandro López, d’abord annoncés à Benfica par les médias nationaux avant de filer au Dragão, le Coréen Hyun-jun Suk a posé ses valises dans la ville invaincue après avoir fait l’objet de convoitises de la part du Sporting de Jorge Jesus. D’après le Diario de Noticias, le Vitória Setúbal devrait toucher entre deux et trois millions d’euros pour l’un des meilleurs buteurs (neuf réalisations) et passeurs (quatre passes décisives) de Liga Nos. Grosse hype du moment au Portugal, le Sud-Coréen s’est notamment illustré par ses golaços contre l’Académica, et, plus récemment, face à à Braga. Son imposant gabarit (1m90 pour 83 kg) et sa « tête de la taille de deux ballons de basket » , à en croire son ex-coéquipier à Maritimo, Romain Salin, laissent entendre que Suk a tout du successeur du flop Dani Osvaldo, reparti à Boca Juniors après avoir organisé de savoureuses churrasco-parties dans le Nord du Portugal.
Malgré des progrès certains et une capacité hors norme à emmerder les meilleures défenses du championnat, Domingos Paciência, son entraîneur l’année dernière et ancien buteur maison du FC Porto, émet des doutes quant à la réussite du buteur du Vitória chez les Azuis e Brancos. « Ce serait vous mentir que de vous dire qu’il est taillé pour le Porto, le Benfica ou le Sporting. Je suis un peu surpris de voir Porto le recruter. Techniquement, ce n’est pas un joueur qui a les capacités pour évoluer dans une équipe de ce niveau. Après, c’est un joueur qui a encore une marge de progression et qui peut évoluer. » Salin, lui, se veut moins sceptique. « Porto est toujours dans la logique où ils prennent les meilleurs joueurs, ceux qui ont le meilleur ratio buts/match du moment. Et là, Suk est en confiance. » Tout le contraire des Dragons, en plein doute devant les buts en ce début 2016. « En tout cas, il joue quand il veut dans n’importe quel club de Ligue 1, hors PSG. Même à Monaco. »
Premiers pas aux côtés de Luis Suárez
Avant Porto, Hyun-jun Suk a déjà évolué dans un club historique dont le fonds de commerce est le beau jeu et la qualité technique. Il y a même été formé. Jamais passé par son pays natal au niveau professionnel, le buteur géant termine son apprentissage à l’Ajax et débute sa carrière en Ligue Europa en entrant à la pointe du 4-3-3 aux côtés de l’illustre Luis Suárez lors d’un match contre la Juventus. Le néo portista ne s’imposera jamais à Amsterdam où il ne passe que 100 petites minutes sur le terrain en deux saisons. Souvent blessé en raison d’un genou défaillant, il perd le soutien des dirigeants ajacides et file à Groningue, où, malgré plusieurs rechutes, il réussit à planter cinq banderilles en 20 matchs en 2011/2012. L’année suivante se passe moins bien sur le plan physique et, comme à l’Ajax, Suk est poussé vers la sortie. Il rebondit à Maritimo où il connaît sa première expérience positive. « Il est resté chez nous un peu plus de quatre mois. Il est arrivé fin janvier, et il a marqué les quatre buts qu’il fallait, notamment contre le Sporting et Porto » , se rappelle Salin. L’entraîneur des Dragons de l’époque n’est autre que Vítor Pereira, qui l’emmènera dans ses valises à Al-Ahli (Arabie saoudite), où le Coréen connaît une expérience similaire à l’Ajax et Groningue. Toujours Salin : « Il se blesse à la cheville là-bas, et les dirigeants ne veulent plus de lui… Ils le jettent. » S’ensuit un retour à Madère, puis un transfert fructueux à Setúbal, où il est épargné par les blessures. « Il a besoin d’être toujours au top physiquement parce qu’il a une grosse masse musculaire et c’est sur ça qu’il base son jeu. Il est entre guillemets violent dans le sens où il y va toujours à fond. C’est un attaquant chiant pour les défenseurs » , poursuit le portier de Maritimo. Domingos confirme. « C’est quelqu’un de très combatif, il aime le contact. Il a une grosse présence, notamment dans la surface et il fait en sorte d’être toujours disponible. » Quand on sait que le FC Porto a eu du mal à trouver Aboubakar dans les zones clés ces derniers mois, ça peut toujours s’avérer utile.
Il ne faut pas l’appeler « le Chinois »
Pas forcément hyper talentueux techniquement, mais courageux. Un profil qui ressemble beaucoup à celui de Vincent Aboubakar, en manque de concurrence malgré l’éclosion du prometteur André Silva sur le banc portista. Tout comme le Camerounais, Suk est un gros bosseur, et il est peu probable qu’il s’adonne à des beuveries dans les coins pommés à proximité de Porto, grande spécialité de la rock-star Osvaldo. « Il est très discipliné. C’est un compétiteur, il est facile à gérer, car il veut toujours apprendre. C’est un professionnel et il est de bonne éducation. Ce sont ses plus grandes vertus » , analyse Paciência. Bon professionnel et bon gars également. Malgré la barrière de la langue, Hyun-jun Suk réussit à s’intégrer dans toutes les équipes qu’il a représentées. Son départ prématuré en Europe l’a rendu moins introverti que ne peuvent l’être une grande partie des joueurs asiatiques qui s’exportent sur le Vieux Continent à l’âge adulte. « Grâce à son passage à l’Ajax, il parlait déjà anglais, mais il faisait toujours l’effort de demander comment on disait telle ou telle chose en portugais pour pouvoir communiquer sur le terrain par exemple, alors que tu as beaucoup de types qui s’en foutent complètement. C’est un chic type » , à en croire les paroles de Salin. « Il est généralement très apprécié des autres joueurs » , finit Paciência. La gentillesse du Coréen n’a aucune limite, ou presque. Il paraîtrait qu’il n’aime pas trop qu’on le qualifie de « chinois » , et qu’il fait la moue pendant de longue minutes quand cela arrive. Les supporters adeptes du racisme ordinaire ont donc intérêt à s’abstenir. Pour le reste, la sociabilité du Coréen pourrait bien lui être utile pour s’intégrer dans un vestiaire sens dessus dessous. Et si ce n’est pas forcément le meilleur moment pour signer à Porto, Suk s’en tape un peu. Reste à savoir s’il tiendra le choc mentalement et si ses articulations lui foutront enfin la paix. Sa réussite en dépend.
Par William Pereira