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Mais qui est Andrea Binotto, l’entraîneur qui rend la D2 suisse sexy ?

Par Quentin Jeannerat, à Lausanne
Mais qui est Andrea Binotto, l’entraîneur qui rend la D2 suisse sexy ?

Passé tout près de l'exploit face au FC Bâle mercredi soir en Coupe de Suisse (défaite 1-2 à la 92e), le FC Stade Lausanne-Ouchy, encore en cinquième division suisse il y a cinq ans, découvre avec un appétit vorace la D2 helvétique depuis quelques mois. Ces trois promotions quasi successives vers le monde pro portent la patte d’un seul coach : un OVNI nommé Andrea Binotto, Docteur en mathématiques et frère de Mattia Binotto, grand boss de la Scuderia Ferrari.

Mercredi soir au stade Colovray de Nyon, où il est exilé à cause d’un éclairage non conforme aux exigences du haut niveau, le FC Stade Lausanne-Ouchy, promu en D2, est passé tout près de sortir le grand FC Bâle en huitièmes de finale de la Coupe de Suisse. Après un match plein, les protégés d’Andrea Binotto n’ont encaissé le but du 2-1 qu’à la 92e minute, inscrit sur un exploit personnel du grand espoir du foot suisse Noah Okafor (19 ans). Pas la première « grosse perf’ » du club des bords du lac Léman cette saison : le 30 août dernier, il tapait (3-0) le grand frère du Lausanne-Sport dans le derby vaudois de Challenge League, la D2 suisse. Un mini-séisme, tant le gouffre entre les deux équipes est béant sur le papier : le LS, septuple champion de Suisse et propriété d’Ineos, est programmé pour retrouver l’élite en fin de saison. Le SLO évolue lui en deuxième division – dont il est le plus petit budget – pour la première fois de son histoire. Et ce, grâce à trois promotions en six ans. Actuellement sixièmes du classement avec 14 points en 12 journées, les Rouge et Blanc se permettent même le luxe de prendre des points en « jouant au foot » , et c’est la presse locale qui l’écrit.

Lac Léman et géométrie riemannienne

L’épopée du Petit Poucet des bords du lac Léman est avant tout l’œuvre d’un homme, son coach Andrea Binotto. Pour bien mesurer l’ampleur du conte de fées, il faut remonter cinquante ans en arrière, où commence une histoire de famille au scénario fort bien ficelé. Elle concerne deux fils d’immigrés italiens comme la Suisse en a connu tant d’autres dans la deuxième moitié du XXe siècle. Nés à un an d’écart, Mattia – l’aîné – et Andrea sont inséparables et passent leur enfance lausannoise à taper dans le ballon, la faute à un père – chauffeur de taxi dans la cité vaudoise et tifoso de l’Inter – qui leur a refilé le virus. La passion est là, le talent un peu moins. De fait, les rêves de professionnalisme s’éteignent alors que vient le temps des études. Tous deux plus doués pour jongler avec les chiffres qu’avec un ballon, Mattia et Andrea intègrent la prestigieuse École polytechnique fédérale de Lausanne. Doués parmi les doués, ils en ressortent avec un doctorat : Mattia en génie mécanique, Andrea en géométrie riemannienne, « une branche de la géométrie différentielle nommée en l’honneur du mathématicien Bernhard Riemann, qui introduisit les concepts fondateurs de variété géométrique et de courbure » , comme le synthétise poliment Wikipedia.

Moins de vingt-cinq ans plus tard, les deux frangins ont montré qu’ils ont dans les gènes cet indéfinissable truc en plus qui les distingue du mortel moyen. L’aîné est depuis janvier dernier numéro un de la Scuderia Ferrari – Team Manager pour les intimes, un poste longtemps occupé par un certain Jean Todt. Pendant qu’il gravissait un à un les échelons hiérarchiques de la plus célèbre écurie de Formule 1 du monde, son cadet devenu prof de maths au lycée faisait de même – en tant qu’entraîneur – avec les niveaux de la pyramide du foot suisse.

Un enfant du « foot des talus »

En moins de vingt ans, l’actuel coach de Stade Lausanne-Ouchy est passé de la huitième et avant-dernière division suisse (équivalant au district en France donc) à la deuxième division. Cette ascension complètement dingue du « football des talus » – le surnom du foot amateur outre-Jura – au monde pro est, de mémoire d’Helvète, sans précédent. Aussi fou soit-il, ce parcours n’étonne pas ceux qui ont connu l’Italien de 48 ans dès ses débuts sur un banc. C’était avec le FC Concordia Lausanne en 4e ligue, l’avant-dernière division dans la patrie de Guillaume Tell. « Ce qu’il a de particulier ? C’est le plus fort, tout simplement » , pose d’entrée David Clément, son président de l’époque. À la barre de Concordia, où il est resté dix ans, Andrea Binotto a connu deux promotions successives. Avant de négocier avec succès de nombreuses opérations maintien. « Avec des équipes de bouts de bois » , dixit David Clément.

« J’ai toujours ressenti le foot comme quelque chose d’important »

Dans ce football amateur où vos meilleurs joueurs peuvent vous laisser tomber pour un mariage le jour d’un match décisif, Andrea Binotto se dédiait déjà corps et âme au football, au sens propre du terme : « À 38 ans, s’il l’estimait nécessaire, il rechaussait les godasses et se faisait entrer en défense pour sauver les meubles et assurer le maintien » , se souvient son président d’alors.

Même en 7e ou 8e division, s’il fallait supprimer des vacances pour le foot, je le faisais…

Maintenant que la lumière est (un peu) là, le principal intéressé assume un peu plus l’ambition qui l’a toujours animé. « Je ne l’ai jamais dit parce que ça paraît ridicule quand on est en 7e ou 8e division, mais au fond de moi, j’ai toujours voulu gravir les échelons, j’ai toujours ressenti le foot comme quelque chose d’important, confie Andrea Binotto. Ce n’était pas juste aller s’entraîner et boire des bières pour la troisième mi-temps. Ça a d’ailleurs été un motif de grande frustration, car évidemment, dans le foot amateur, on ne peut pas demander à ses joueurs d’être tout le temps là, de faire parfois un entraînement de plus, etc. Moi, même à ce niveau-là, s’il fallait supprimer des vacances pour le foot, je le faisais, car j’ai toujours cru en ce parcours-là. »

Sergio Guzzo, son fidèle portier de l’époque Concordia, décrit le docteur es mathématiques comme une sorte de gourou pour lequel on est toujours prêt à partir au combat. « Une fois où je m’étais pété un doigt peu avant un match, Andrea était allé chercher le gardien de la deuxième équipe chez lui le samedi matin pour lui faire quelques tirs et voir de quoi il était capable, se souvient celui qui est aujourd’hui vice-président du club. Pas convaincu, il m’avait demandé d’attacher le doigt cassé avec son voisin et de jouer comme ça, et c’est ce que j’avais fait. »

« Il vous captive, vous charme, vous séduit »

Le gardien aujourd’hui retraité est convaincu que son ancien mentor entraînera un jour dans la cour des tout grands. « En bon mathématicien, il est clair, concis et très rigoureux dans tout ce qu’il demande à ses joueurs, raconte Sergio Guzzo. Mais il est bien plus que ça : c’est le roi de l’impro, c’est quelqu’un qui vous captive, vous charme et vous séduit. Et quand il doit faire passer une pilule difficile à avaler, il le fait en utilisant juste le tact ou l’humour nécessaire. » L’art oratoire, le technicien italo-vaudois l’a peu à peu apprivoisé en tentant de résoudre la quadrature du cercle : transmettre aux jeunes lausannois le virus des mathématiques, branche allergène par excellence. Première règle ? Ne pas abuser de l’attention de son auditoire. « C’est comme avec les élèves : on a 10-15 minutes maximum pour sa causerie. Au-delà, vous ne parlez pour personne » , affirme-t-il. Le mathématicien a aussi fait de l’allégorie une de ses recettes pour multiplier les exploits face aux gros.

« Aujourd’hui, vous êtes onze gardiens de but »

Pour illustrer ce qu’il appelle une « théorie à la Andrea Binotto » , Sergio Guzzo nous ramène au jour où, alors en 2e ligue (D6), Concordia avait battu Aigle, leader et épouvantail du groupe. « Dans sa causerie, Andrea nous dit :« Aujourd’hui, vous êtes onze gardiens de but. Si le ballon passe, c’est but et on perd le match. » Derrière, on fait un super match et on gagne 2-1. »

S’il y a bien une scène qui laisse entrevoir depuis longtemps le potentiel du cadet des Binotto, c’est celle de la Coupe de Suisse. Avant le match perdu d’un boyau face au FC Bâle mercredi soir, l’Italo-Suisse a par le passé tapé le Lausanne-Sport et Sion, et enquiquiné plus rutilant que lui à de nombreuses reprises. « Chaque fois que son équipe joue contre un gros poisson en Coupe, ça vaut le coup de se déplacer. On sait qu’il va se passer un truc » , affirme Sergio Guzzo.

Donnez-lui une grosse écurie !

La génétique est formelle : il n’y a aucune raison qu’il dottore ne rate un freinage en si bon chemin, ce qui devrait lui permettre de continuer de foutre le bordel dans le sérail cloisonné du foot pro encore un bon moment. Car il suffit de jeter un œil à la liste des vingt coachs en poste actuellement en D1 et D2 suisse pour mesurer que ce qu’il a accompli n’est pas tout à fait normal : il est le seul avec Peter Zeidler (Saint-Gall) à ne pas avoir de carrière de joueur pro derrière lui. Sauf que l’Allemand n’a jamais connu que le football d’élite, lui qui dirigeait déjà les jeunes du VFB Stuttgart à l’âge de 22 ans. Andrea Binotto est définitivement un type à part. Il est temps que le football suisse lui confie un baquet à sa taille.

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