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Mais qui es-tu, supporter monégasque ?
450 supporters monégasques à Bordeaux en août. 600 à Marseille début septembre. 900 ce soir au Parc ! Et si le club de la Principauté avait non seulement une grande équipe, mais aussi de vrais supporters ?
Si l’ASM a été au cœur du mercato estival, avec son recrutement maousse costaud, et si les hommes de Claudio Ranieri sont déjà bien installés en haut du classement de la Ligue 1, l’absence présumée d’un véritable douzième homme fait l’objet de moult railleries. Même le record d’abonnés, 3 524 cette saison, a été l’occasion de rappeler une blague bien connue : « À Monaco, ce sont les joueurs qui connaissent le nom des supporters. » Un running gag facile qui ne dit finalement pas grand-chose sur l’identité des fans monégasques. Est-on vraiment face à des fils à papa, habillés en Armani plutôt qu’en Fred Perry ? Les supporters du club d’une des villes les plus riches de la planète ne peuvent-ils en aucun cas être assimilés aux autres supporters français, majoritairement de fibre populaire ou classe moyenne, beuglant l’amour de leur club tous les week-ends à domicile comme à l’extérieur ? So Foot est allé sur le Rocher pour en savoir plus sur les fans rouge et blanc.
Le siège social est monégasque, les supporters sont français
Un premier cliché ne résiste pas longtemps à l’analyse. Non, la majorité des supporters ne sont pas citoyens et sujets du prince Albert et de la jolie Charlène. Seule une minorité l’est, comme Jean-Paul Chaude, président du Club des supporters de l’ASM, fils et petit-fils de supporters monégasques. Selon son décompte, son groupe de supporters compte 80 % d’adhérents français, vivant autour de Monaco, dans les Alpes-Maritimes principalement. Moyenne d’âge ? La même que la majorité des tribunes françaises : 20-35 ans, toujours selon le président du CSM. Comment leur amour pour ce club atypique est-il né ? Plusieurs explications, parfois cumulatives, reviennent de manière récurrente. Certains fans travaillent en Principauté et se sont intéressés au club en allant au stade après le boulot. D’autres viennent à Louis-II par souci de « tranquillité » afin notamment d’éviter les turbulents ultras niçois. D’autres encore par « héritage » , comme J.-P. Chaude et d’autres membres de son club de supporters : emmenés par papa, ils ont l’amour du maillot rouge et blanc depuis toujours. Une dernière raison, mais pas la moindre, tient aux résultats, à l’histoire et au prestige du club asémiste.
L’ASM compte en tout et pour tout trois groupes de supporters. Les deux principaux sont les Ultras Monégasques 94 (UM 94) et le Club des supporters de Monaco (CSM). Les UM 94 ont été créés pour pallier la disparation du premier groupe ultra de l’ASM, les Sconvolts, apparus en 1986 avant de connaître des dissensions, puis de disparaître en 1993. À ce jour, impossible de connaître le nombre de membres exacts des UM 94, qui restent très discrets à ce sujet : un des membres nous a affirmé que même la police monégasque ne le connaissait pas ! De son côté, le CSM, 61 ans aux prunes, comptait un peu plus de 700 membres la saison dernière, avec comme président un ancien Sconvolt. La remontée en Ligue 1 et les noms ronflants arrivés sur le Rocher cet été ont fait exploser le compteur avec pas loin de 1 500 membres selon un des responsables de l’association. Les supporters les plus fidèles font contre mauvaise fortune bon cœur face à cet afflux de fans plus opportunistes. Il permettra au moins au stade Louis-II de sonner un peu moins creux que les saisons précédentes malgré l’augmentation astronomique du prix de l’abonnement en Pesage, passé de 38 € la saison dernière à 150 € pour 2013-2014 (pour les anciens abonnés).
Des fans migrateurs
Mais l’une des particularités méconnues du supportérisme munegascu est la mobilisation importante des fans en déplacement. La saison dernière, l’AS Monaco a fini dans le top 3 des parcages à l’extérieur, juste derrière Lens. À Nantes par exemple, pas moins de 600 supporters rouge et blanc sont venus au stade de la Beaujoire, en bus ou en J9 de la Principauté et d’ailleurs, comme tout supporter lambda. La raison ? Le nombre d’antennes de supporters disséminées sur tout le territoire français. Le CSM en compte une bonne douzaine (les plus gros bataillons sont les Monégask 60/75 et les Munegu Burgundy dans les régions lyonnaise et bourguignonne, réputés pour leurs fréquents déplacements). Ainsi, 900 supporters de l’ASM devraient garnir le parcage visiteur du Parc ce soir. Parmi eux, les membres du troisième groupe de supporters, L’Esprit monégasque de Paris, qui suit le club depuis environ 4 ans.
Comment expliquer cette large répartition géographique ? Dans une interview accordée l’an dernier au site asmfoot.fr, Ludovic Lestrelin, sociologue spécialiste des « supporters à distance » , l’explique en grande partie par la réussite sportive de l’AS Monaco, en particulier à la fin des années 80 et au début des années 90, période pendant laquelle l’ASM se posait comme le principal rival de l’ogre marseillais. Ces succès sportifs, relayés par la télévision à un moment où le supportérisme se développait en France, ont donné du club une image « bien plus lisse et « classieuse » que ses adversaires marseillais ou niçois de l’époque » . C’est que Monaco peut se targuer d’avoir joué, mais perdu, deux finales de Coupe d’Europe. Une première en Coupe des coupes en 1992, passée inaperçue car survenue juste après le drame de Furiani. Et une seconde, beaucoup plus flamboyante, en Champions League en 2004, après une mémorable épopée laissant sur le carreau rien moins que le Real et Chelsea. Loin d’éloigner ces « supporters à distance » , le retour dans l’anonymat et le début des années galère à partir de 2005 ont, au contraire, renforcé le lien avec le club « des princesses » , comme le note le sociologue Lestrelin : « Au contraire, c’est justement parce qu’ils sont souvent regardés différemment qu’ils mettent un point d’honneur à ne pas lâcher. Être supporter à distance rehausse d’autant plus la valeur de l’engagement, parce que c’est plus difficile. »
Supporter l’ASM : un acte rebelle
Être supporter de l’ASM deviendrait presque un acte de rébellion : « C’est aussi une manière de se différencier. » Ainsi, lors d’un déplacement à Auxerre, la « normalitude » des supporters monégasques a surpris les fans locaux, comme nous l’a raconté J-P Chaude. En effet, les Bourguignons pensaient voir débarquer des gars à l’image de Monaco et de ses paillettes (platinées). Et, en fait, non. Du coup, la journée a fini en bon apéro entre supporters adverses. De même, les Monégasques ont des amitiés avec d’autres groupes de supporters, notamment italiens, au Genoa ou à Ascoli. À domicile, en revanche, Louis-II ne se caractérise pas vraiment par une ambiance « ultra » , à coups de tifos, de fumigènes, de dénonciation du foot-business et de relations plus ou moins tendues avec les instances du club. À la décharge des supporters munegaschi, les tifos ont été interdits toute la saison dernière par la police de la Principauté suite à l’utilisation de 18 engins pyrotechniques pour fêter l’arrivée à la majorité des UM 94 lors d’un Monaco-Bastia.
Mais pour le reste ? À Monaco, « les contacts avec les dirigeants sont excellents » , nous dit un membre du CSM. Les banderoles contestataires ? Une ou deux la saison dernière, dont celle déployée à Paris à l’encontre de la Ligue, accusée d’être une mafia du fait de sa volonté de faire déménager le siège de l’ASM en France et de ses sanctions suite à l’envahissement de terrain de fin de saison dernière. Le foot-business ? Plutôt une image positive, avec l’arrivée de Dmitry Rybolovlev, le magnat russe du potassium.
Le fan de l’ASM : mastre ou courageux ?
À ce train-là, la sentence n’est pas loin de tomber, implacable. En fait, le supporter de Monaco serait un « mastre » , cette figure répulsive forgée par les ultras pour dénigrer les supporters opportunistes et sans culture de stade. Un constat pourtant beaucoup trop simple et réducteur. Car si les caractéristiques ci-dessus ne font clairement pas des fans monégasques des « ultras » , ils n’en restent pas moins des supporters passionnés et respectables, à défaut d’être toujours respectés. Et ils embrassent des causes qu’on pourrait retrouver en d’autres contrées. La défense de l’identité monégasque, d’abord. Une volonté qui n’est pas sans rappeler l’initiative prise par l’adversaire niçois, grâce notamment au travail de la défunte Brigade Sud, autour de la « nissartitude » . On la retrouve dans les chants ( « Biancorossi » par exemple), les slogans (le célèbre « Daghe Munegu » ), et les supports vendus par le CSM et les UM.
Surtout, ils sont habités de la même passion que les fans d’autres clubs. Supporter l’ASM tient du sacerdoce, de la croyance indéfectible et infatigable, peut-être plus qu’ailleurs. Pourquoi ? Parce que vous savez que comme chaque saison, vous allez devoir jouer certains matchs à domicile… mais à l’extérieur. Contre Nice, l’OM et Saint-Étienne particulièrement. Des clubs dont les fans adverses envahissent le quartier de Fontvieille quelques heures avant le match, font exploser la recette quotidienne du McDo de ce quartier commerçant, occupent les trois quarts du stade Louis-II, braillent de manière ouvertement provocatrice et condescendante qu’ils sont chez eux et couvrent souvent dans la minute les tentatives de chants des supporters munegaschi par d’autres chants ou des sifflets selon le score.
Les rivaux : Nice et Marseille plus que Paris
De quoi vous donner envie d’aller noyer votre désespoir au bar de la Rascasse. Eh bien pas pour la majorité des supporters monégasques. Même s’ils savent qu’ils vont être la risée des fans adverses (mais pas de tous, certains respectant la passion des supporters asémistes), ils attendent ces matchs avec impatience, comme nous le raconte un supporter proche des UM 94 : « Le match le plus important de l’année, de loin, est celui contre Nice, parce que les deux villes sont tellement proches que nous nous connaissons tous. La victoire dans le derby est essentielle et doit être l’un des objectifs de base de la saison. C’est une véritable rivalité saine et sportive. Cela dit, les Niçois ne sont pas des ennemis, uniquement des rivaux sportifs. Tout le 06 attend impatiemment notre derby et nous en parlons régulièrement et cordialement entre les supporters des deux clubs. »
Parmi les clubs que les Monégasques détestent cordialement, les Marseillais arrivent largement en tête : « L’OM, c’est surtout parce qu’ils sont vraiment arrogants et irrespectueux lorsqu’ils viennent à Monaco. Ils font beaucoup de dégradations et insultent le pays. » On imagine donc aisément la satisfaction des fans monégasques après la victoire à Marseille, il y a deux semaines. Et le PSG, qui se profile ce week-end ? « La rivalité est surtout médiatique. Nous n’avons rien contre le PSG, si ce n’est une déception quant à la façon dont leurs supporters de toujours ont été traités. » Comme quoi, même à Monaco, on se soucie des tracas des fans parisiens…
Par Guillaume Michel et Thomas Rouquette, avec Quentin Blandin
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