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  • Ligue des champions – 3e tour préliminaire – Milsami Orhei/Skënderbeu Korçë

Mais qui es-tu Skënderbeu Korçë ?

Par Régis Delanoë
Mais qui es-tu Skënderbeu Korçë ?

C'est l'affiche la plus WTF du troisième tour préliminaire de la Ligue des champions : les Moldaves de Milsami Orhei reçoivent les Albanais de Skënderbeu Korçë, quintuples champions nationaux au nom évoquant les grandes heures de ce pays des Balkans, mais au comportement qui pue la magouille et les arrangements…

Disputé cette semaine et la semaine prochaine, le troisième tour de Ligue des champions donne déjà lieu à de belles petites affiches qui font office de jolis apéritifs à la nouvelle saison de football. Il y a l’entrée en lice de Monaco contre les Young Boys de Berne bien sûr, mais aussi un affrontement entre Fenerbahçe et le Shakhtar Donetsk, le Panathinaïkos qui fait son retour dans la grande Coupe d’Europe face au FC Bruges, ou encore l’ambitieux Red Bull Salzbourg opposé aux Suédois de Malmö. Et puis, il y a Milsami Orhei contre Skënderbeu Korçë, une opposition kamoulox entre le champion surprise moldave (devant l’habituel Sheriff Tiraspol) et le quintuple champion d’Albanie. Le premier a déjoué les pronostics au tour précédant en disposant des Bulgares de Ludogorets Razgrad – qui ont participé à la phase de groupes de la C1 la saison dernière – tandis que le second a logiquement sorti les semi-pros nord-irlandais de Crusaders. Un bien curieux club, ce Skënderbeu Korçë…

Un nom en hommage à un seigneur de guerre

Officiellement né en 1909, ce n’est qu’en 1925 qu’il se structure véritablement et devient la principale entité footballistique de Korçë, sixième ville d’Albanie en nombre d’habitants – un peu plus de 80 000 au dernier recensement – située au sud-est du pays, dans les terres. « Skënderbeu » évoque un héros national nommé Gjergj Kastriot, seigneur de guerre qui a combattu les Ottomans pour la libération de l’Albanie au XVe siècle. Ses ennemis, en langue ottomane, l’appelaient « Iskander Bey » , ce qui signifie le prince Alexander, en référence à un autre grand seigneur de guerre de la région, Alexandre Le Grand. Surnom qui, mal traduit oralement en albanais, est devenu Skënderbeu pour ses fidèles soutiens et admirateurs. Sur le logo du club de Skënderbeu Korçë figure d’ailleurs le casque de métal blanc du héros surmonté d’une tête de chèvre. Hormis un premier titre national conquis en 1933, l’équipe de province a longtemps dû évoluer dans l’ombre de celles de la capitale (KF Tirana, Partizani Tirana et Dinamo Tirana), se contentant de places d’honneur et de titres mineurs, jusqu’à être menacé de disparition.

Des titres à la pelle et un soutien très gênant…

C’était en 2008/2009, Skënderbeu Korçë était tombé en deuxième division et voyait son avenir s’obscurcir considérablement, quand le miracle se produisit : des investisseurs vinrent à son secours, dont le représentant de Red Bull en Albanie, nommé alors président. Remontées en élite, les « Snow Wolves » se maintiennent péniblement la saison suivante, puis opèrent un spectaculaire redressement dès celle d’après, au point de conquérir un deuxième titre national au printemps 2011, 78 ans après le premier ! Un sacre suivi d’un autre en 2012, puis d’un autre en 2013, puis en 2014, et encore au printemps dernier, ce qui fait actuellement cinq titres de rang, série en cours. Une subite et outrageuse domination qui interpelle, forcément. Et qui agace. Dès 2011, l’éphémère entraîneur argentin d’un club rival, le Dinamo Tirana, allume. Alors qu’il était en poste l’année précédente, il dit avoir été témoin d’arrangements entre les dirigeants des deux clubs, propos rapportés dans une interview au quotidien Ole. Il nomme même un homme au cœur de ces magouilles : un certain Ridvan Bode, un des actionnaires du Skënderbeu Korçë, qui n’est autre que l’ex-ministre des Finances de l’Albanie de 2009 à juin 2013. Un sacré loustic, ce Ridvan Bode : durant son mandat de ministre, le pays est à 4% de croissance, un taux bien supérieur aux prévisions du FMI. Mais cette croissance repose sur une confiance aveugle et sur un gros mensonge, avec un ministre des Finances accusé plus tard d’avoir largement minimisé les dettes publiques. Ridvan Bode, qui a aussi piloté durant sa période au ministère la privatisation de la très lucrative loterie nationale, dont il aurait sous-estimé sa valeur pour la céder à un groupe privé autrichien avec qui il entretiendrait d’étroits liens… Information relayée par le Courrier des Balkans en 2012. Enfin, en avril, une agence de presse albanaise relayait l’information selon laquelle la cour des comptes locale aurait ce même Ridvan Bode dans le viseur pour fausse déclaration de richesse et blanchiment d’argent.

Amateurisme et petits arrangements

En clair, l’un des hommes forts de l’actuel champion d’Albanie est accusé d’être un mythomane magouilleur, ce qui ne constitue pas le meilleur des ambassadeurs. Dans le « board » du Skënderbeu Korçë, on retrouve aussi Samir Mane, considéré comme le seul milliardaire du pays, ainsi que Irfan Hysenbelliu, autre homme d’affaires influent dans les Balkans, patron de la plus grande brasserie du pays. Figurent aussi tout un aréopage d’hommes politiques et des médias, ce qui peut expliquer la soudaine puissance de ce club, ancien faire-valoir devenu le meilleur ambassadeur du football albanais à l’international. Non sans laisser encore un sentiment de grand amateurisme. Ainsi, le site Footballski évoquait ces jours-ci la mésaventure de l’équipe lors du tour précédent de Ligue des champions. Le voyage pour disputer le match retour en Irlande du Nord face aux Crusaders aurait été mal préparé, le staff ayant cru au départ qu’ils devaient se rendre en Irlande et non en Irlande du Nord, ce qui a causé quelques retards dans la préparation des visas et la menace d’une élimination sur tapis vert. Un match retour qui s’est joué finalement, non sans polémique une nouvelle fois. Ce coup-ci, c’est le site Hat-Trick qui révèle d’étonnantes prises de paris autour de ce match et une très surprenante défaite des Albanais 3-2, alors qu’ils menaient 2-1 à l’amorce du temps additionnel. Défaite sans conséquence pour la qualification puisqu’ils l’avaient emporté 4-1 à l’aller, mais dont la physionomie interpelle, les visiteurs ayant arrêté de jouer dans les dix dernières minutes… Pratique, le match n’était pas télévisé. Sur son compte Twitter, le gardien nord-irlandais a parlé de « blague » . Une blague qui poursuit donc son aventure en Ligue des champions. Place désormais à ce 3e tour préliminaire face au champion moldave. Il peut y avoir du lol.

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