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Mais qui es-tu, Panagiotis Kone ?

Par Alexandre Pauwels
5 minutes
Mais qui es-tu, Panagiotis Kone ?

Un nom africain, un passeport albanais, une expérience à Lens, une dégaine intrigante. Non, Panagiotis Kone, milieu de terrain de Bologne, n’a ni la vie, ni l’allure, ni la trajectoire du footballeur lambda. Ce qui vaut bien un portrait.

16 décembre dernier, au Stadio San Paolo. Naples accueille, en clôture de la 17e journée, Bologne. A priori, une formalité pour Cavani et ses potes. A priori. Menés 2-1, les Rossoblù vont mettre un coup d’accélérateur en toute fin de rencontre, pour finalement l’emporter. Panagiotis Kone, entré en cours de jeu, est l’auteur d’un ciseau incroyable, qui a permis aux siens d’égaliser. Le monde du football découvre alors sa dégaine filiforme, ses tatouages et sa gueule à mi-chemin entre un Johnny Depp version Pirates des Caraïbes et un modèle pour la pub Only the Brave Tattoo by Diesel. Le soufflé retombe quasi instantanément, passées les exclamations sur la beauté du geste. Pourtant, trois jours plus tard, toujours au San Paolo, cette fois-ci en Coupe d’Italie, Kone réitère l’exploit, offrant la qualification aux siens d’une superbe frappe enroulée. « La preuve que le premier but n’était pas un coup de chance » , selon lui. Et depuis lors en effet, Koné a planté à trois autres reprises, face au Chievo, et lors des deux dernières journées de Serie A, pour offrir à Bologne une victoire sur la pelouse de Pescara, et le point du nul face à Sienne. En vrai, Panagiotis Kone est un joueur décisif, plus qu’un intermittent du spectacle. Et en plus de ça, il est plutôt spécial.

L’Abanie, Lens, et l’Italie en GPS

Déjà, son patronyme. Grec de nationalité, Kone est né à Tirana de parents albanais. Prénommé Gjergj, il devient Panagiotis Giorgios à son arrivée en Grèce, à l’âge de 2 ans. En cela, il est déjà une étrangeté. Être international grec en étant albanais de naissance, au regard des relations tendues entre les deux pays, autant dire que c’est plutôt rare. « Je respecte l’Albanie, mais je suis grec. C’est ici que j’ai grandi, que je suis allé à l’école, c’est ici que se trouve mon cœur. » De fait, doué balle au pied, le jeune Panagiotis intègre très tôt le centre de formation de l’Olympiakos. Milieu offensif considéré comme un grand espoir, il prend un nouvel élan à l’été 2004, en rejoignant la Gaillette, et Lens. Remarqué par les scouts nordistes pour son talent balle au pied, il ne fait pourtant pas de vieux os en France. Au bout d’un an, il plie bagages et rentre au pays. Pourquoi ? Georges Tournay, ancien directeur du centre de formation lensois, bien qu’il ne garde qu’un « vague souvenir » du jeune homme, se remémore ses difficultés d’adaptation : « Pendant l’hiver, il avait galéré le pauvre… Il n’était pas bien psychologiquement, il avait des choses pas évidentes à gérer. Il avait 17 ans, quoi. Et vous savez, dans ces moments-là, même si vous tenez un bon joueur, pour nous éducateurs, ça ne sert à rien de s’entêter. » En dépit des 400.000 euros versés un an plus tôt, le RCL laisse donc filer sa perle. Un type « qui avait du ballon. Belle allure, beau footballeur, avec une très très belle technique en mouvement » conclura Tournay.

Plutôt satisfait de la tournure des événements, l’AEK en profite pour lui offrir son premier contrat pro, et même un maillot floqué du numéro 10. Mais à son retour, Panagiotis ne s’impose pas. Trop irrégulier, il est transféré vers Iraklis trois saisons plus tard, où les critiques sont identiques. Le talentueux Kone tarde à percer au pays, et n’étant guère plus patient, il choisit de rejoindre l’Italie. Car s’il n’a pas confirmé sur les prés, il a muri et se sent prêt, enfin, pour l’expérience étrangère. A tel point qu’il rejoint Brescia en voiture depuis la Grèce, seul, uniquement muni d’un GPS. Quand même.

Joueur décisif à Bologne

Parce que sur les cendres d’un échec à Lens, le jeune Panagiotis s’est forgé une personnalité. Celle-là même qui rejaillit aujourd’hui sur les terrains de foot, à même sa peau. Tatoué de part en part, le Grec affiche notamment un immense « Libertad » sur le torse, tandis qu’un visage féminin est imprimé sur son bras, aux côtés d’une tête de mort ou d’oiseaux de mauvais augure. Ajoutez à ça une barbichette soigneusement fournie, le détail du GPS ou le fait qu’il soit polyglotte – il parle couramment cinq langues, dont l’espagnol – et vous tenez la dégaine d’un voyageur du monde. Une dégaine assez proche de l’une de ses rencontres à Brescia – un poil plus punk à chien celui-là – Alessandro Diamanti. Joueur qu’il côtoie à partir de l’été 2010, et qu’il ne quittera plus depuis. Après leur pige à Brescia, les deux hommes se retrouvent en effet, un an plus tard, à Bologne. Brescia étant descendu en Serie B, Diamanti a vite filé en Emilie-Romagne, d’où il a conseillé, instantanément, son acolyte grec à ses nouveaux dirigeants.

La suite est presque connue. Presque. Après sa saison honorable avec Brescia (31 matchs, un petit but), Kone se fond dans le moule chez les Rossoblù, et fait rapidement partie de la rotation de coach Stefano Pioli, en tant que milieu central – plutôt qu’en 10, ce qui était jusque-là son positionnement attitré. Un premier exercice abouti (et des stats identiques), et le voilà donc qui explose dans la foulée. Pas toujours utilisé comme titulaire en début de saison, il était avant toute chose l’atout numéro un de coach Pioli sur le banc. Mais depuis cette fameuse double opposition face au Napoli en décembre dernier, Kone a enchaîné six matchs consécutifs dans le onze de départ. Choix payant, lui qui a inscrit trois buts dans ce laps de temps, alors que Bologne connaît actuellement la meilleure passe de sa campagne. S’il prend encore trop de cartons – son jeu physique au milieu de terrain le caractérisant tout autant que sa lourde frappe – Kone semble, à 25 ans, avoir enfin franchi le pas. Celui qui le fait passer d’espoir quasiment déchu à bon joueur de football. La sauce a pris à Bologne, et il ne serait pas étonnant de voir cet homme libre utiliser prochainement son GPS. Puisqu’il aime les voyages, après tout…

En bonus track, évidemment, ses deux buts face au Napoli.

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