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Mais qui es-tu, Muriel ?
Il a tout juste 20 ans, il découvre cette saison la Serie A, et il est en train de porter à bout de bras l’équipe de Lecce vers le maintien. Personne ne le connaissait il y a encore six mois, et pourtant, ce jeune Muriel va rapidement faire parler de lui.
Oui, certains ont osé le dire. Lorsque, il y a quelques semaines, Muriel a déposé Walter Samuel à la course, la presse a lâché le mot. « Il nous a semblé revoir le Ronaldo de la première année à l’Inter » écrit le lendemain la Gazzetta dello Sport. Ronaldo? Rien que ça? Oui. Mais il faut dire que le petit Muriel a de quoi laisser perplexe. Débarqué dans le sud de l’Italie cet été, dans l’anonymat le plus total, il n’a pas mis bien longtemps à séduire le public des Pouilles. Dans un premier temps peu utilisé par Eusebio Di Francesco, qui ne croyait pas franchement qu’un joueur aussi jeune puisse être titulaire en Serie A, le Colombien se révèle immédiatement à l’arrivée de Serse Cosmi. Le coach au béret décèle, dès son arrivée au mois de décembre, un énorme potentiel chez ce joueur. Il l’aligne d’entrée de jeu lors d’un match contre la Lazio, au cours duquel Muriel réalise une prestation énorme. Malgré la défaite des siens, il prouve déjà à son entraîneur qu’il a l’étoffe pour prendre le rôle de sauveur d’une équipe qui occupe à ce moment-là la dernière place du classement. Cosmi insiste. Et 2012 lui donne raison. Depuis le début de l’année, Muriel, associé à son compatriote Cuadrado, transcende la formation de Lecce. Monstrueux contre Sienne (4-1), décisif dimanche contre Cagliari (2-1), il a déjà contribué à ramener son équipe à deux points du premier non-relégable. Et, apparemment, ce n’est que le début.
L’Udinese a tout compris
Pourtant, si le grand public ne le découvre qu’en ce moment, Muriel a découvert l’Italie il y a déjà quelques années. En juin 2010, l’Udinese (et son célèbre réseau de recruteurs) va le chercher en Colombie, et le fait venir pour 1,8 millions de dollars, une somme notable pour un joueur de 19 ans. Ce qui a convaincu le club frioulan ? Ces neuf buts inscrits en onze matches avec le maillot du Deportivo Cali, club que Muriel avait rejoint en 2008, après avoir fait ses armes à l’Atletico Junior. Fidèle à sa politique, l’Udinese décide de le prêter. Pratique : l’attaquant est prêté à Grenade, club qui appartient également à Giampaolo Pozzo, le patron de l’Udinese. Mais Muriel ne va pas laisser une grande trace en Espagne. Avec Grenade, il ne totalise que huit présences en deuxième division, sans parvenir à inscrire le moindre but. Il se console tout de même avec la promotion du club à la fin de la saison. Une promotion dont il ne profitera pas, puisque dès le mois de mai, il rentre à la maison mère.
L’Udinese, qui vient de vendre Alexis Sanchez, se tâte. Le garder ou le refourguer encore ? La réponse arrive lors du dernier jour du mercato. Lecce acquiert la moitié du contrat du joueur. Mais le club du Frioul n’est pas le genre à laisser filer une pépite sous son nez. Dès le mercato hivernal, alors que Muriel a déjà inscrit deux buts en Serie A (contre le Napoli et l’Inter, excusez du peu), l’Udinese récupère l’intégralité de son contrat, mais accepte de le laisser en prêt à Lecce jusqu’à la fin de la saison. Tout comme son pote Cuadrado, d’ailleurs, qui est lui aussi prêté par le même club bianconero. Sympa. Lecce va donc devoir en profiter : dans 13 matches, l’attaquant, qui porte le même nom qu’une comédie franco-australienne toute moisie sortie en 1994, partira. Et il espère bien laisser Lecce là où il l’a trouvé. En Serie A.
Ronaldo, Sanchez et Falcao
S’il faudra encore convaincre les dirigeants de l’Udinese de lui donner sa chance, ceux de Lecce, eux, sont déjà convaincus. Et pas que les dirigeants, d’ailleurs. Serse Cosmi, son coach, qui a vu éclore de nombreux talents au cours de sa carrière, est unanime : Muriel est un futur grand. « Muriel ? Il me rappelle Ronaldo, pour ses déplacements et ses caractéristiques. Selon moi, il est plus fort que ne l’était Alexis Sanchez au même âge » lâche-t-il aux micros de la Rai après la victoire au stadio Sant’Elia contre Cagliari. Une rencontre au cours de laquelle Muriel a inscrit un but magnifique, en bouffant en vitesse son défenseur et en trompant le gardien d’un plat du pied enveloppé. Merci qui ? Merci Cosmi, selon le principal intéressé. « Les gens, à Lecce, m’aident à me sentir important. En Italie, j’ai appris à être plus agressif, et c’est notre nouvel entraîneur, Cosmi, qui me l’a appris. Je ne dois pas seulement être un joueur qui dribble et qui marque, je dois aussi courir et aider mon équipe dans toutes les zones » a-t-il assuré dans une interview au quotidien colombien El Heraldo.
Selon les médias italiens, la Roma serait déjà sur le coup pour s’accaparer les services du jeune attaquant pour la saison prochaine. Mais n’allez pas dire ça à Muriel. Cela le mettrait mal à l’aise. « J’ai lu ça dans les journaux, mais je n’y pense pas. Pour le moment, je suis concentré sur Lecce et sur le maintien. C’est tout ce qui compte. En juin, quand je rentrerai à Udine, je penserai à mon avenir » a-t-il expliqué. Un avenir qui pourrait aussi le mener vers l’équipe nationale et le Mondial 2014. Muriel en a déjà porté les couleurs, mais seulement celles des moins de 20 ans. Sélectionné pour la Coupe du monde des moins de 20 ans, en août dernier, il s’était mis en évidence en claquant quatre buts (dont deux contre l’équipe de France de Francis Smereki). L’équipe première ne lui a pas encore ouvert ses portes, mais, à coup de prestations de ce niveau-là, il ne devrait pas tarder à convaincre Jose Pekerman, nouveau sélectionneur colombien. Bah quoi ? S’imaginer être associé à Falcao, lorsque l’on a 20 ans, cela n’a rien de bien fascinant. Non ?
Eric Maggiori