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Mais qui es-tu, Mauro Arambarri ?
Recrue surprise de Bordeaux, Mauro Arambarri portera le numéro 10 et devrait apporter une certaine dose technique au milieu girondin. Portrait.
« Quand je peux jouer au ballon, je joue. J’aime avoir une certaine liberté sur le terrain. Mais si la situation l’exige, je peux adapter mon style, être un peu plus rugueux. » Quand vient l’heure des présentations, Mauro Arambarri, fraîche recrue bordelaise, tente un autoportrait pour la presse et le public français. Car il faut le dire, le jeune Uruguayen est un inconnu en France. Outre l’absence totale de diffusion des championnats sud-américains dans l’Hexagone, les scouts des clubs de Ligue 1 sont si rares sur ce continent que de tels recrutements se transforment en événement. Alors quand un jeune crack débarque en France, c’est l’extase. Surtout qu’il était suivi par la Juventus. Surtout quand le nouveau numéro 10 des Girondins a été adoubé par Diego Forlán, qui termine sa carrière à Peñarol : « Quand on a joué contre Defensor, les deux milieux défensifs ne se fatiguaient pas. Parce que Mauro sait lire le jeu et couvrir tout le terrain. Ne le perdez pas de vue. C’est le meilleur jeune sud-américain de l’an passé. » Pas mal de pression quoi.
Salto en avant
Devant un parterre de journalistes étonnés de voir des recrues à Bordeaux, le jeune Arambarri poursuit le speed-dating : « J’essaie d’avoir deux types de jeu, selon le déroulement du match. Mais s’il faut jouer comme Diego Pérez, je jouerai comme Diego Pérez, même s’il avait un jeu un peu dur parfois… Mais je reste un joueur libre, qui aime marquer des buts. » Débarqué au Defensor Sporting à quinze ans, le natif de Salto a déjà pas mal d’expérience sur les terrains. Pour en savoir plus sur le cadre des U20 uruguayens, il faut s’adresser à Ricardo Meroni, l’un de ses formateurs : « On a découvert Mauro pendant un tournoi à Salto. Il avait quinze ans. Avec mes collègues, on a directement décidé de le recruter. Il a intégré le centre de formation. Et il s’est passé quelque chose de rare avec lui. Contrairement aux gamins qui viennent de petites villes pour jouer dans un club de la capitale, lui s’est adapté très rapidement. Au bout de quinze jours, il était déjà titulaire » .
Cette maturité, il la démontre sur le terrain : « Il est tellement calme. On dirait qu’il n’est pas uruguayen. Vous ne le verrez jamais protester ou s’énerver » , ajoute l’entraîneur d’Arambarri chez les moins de 17 ans, qui a aussi formé Diego Rolán à la Viola. Un caractère réservé que confirme Fernando Curutchet, ancien entraîneur de Defensor Sporting : « C’est un gamin timide, sérieux, qui veut toujours progresser. » Et raconte un échange qui l’a marqué : « Un jour, il est venu me voir à l’entraînement. Il me demande : « Coach, qu’est-ce qu’il manque dans mon jeu ? » Je lui ai dit : « Mauro, à ton âge, tu es déjà titulaire, c’est rare. » Il me coupe et me répond : « Je sais, mais je pense que je peux avoir un meilleur rendement. » Du coup, je le prends à part. Et je lui dis qu’il doit apprendre à prendre des décisions plus rapides sur le terrain, qu’il doit lâcher le ballon bien plus vite, jouer en une ou deux touches de balle. Il me dit : « Coach, c’est aussi ce qu’Óscar Tabárez (le sélectionneur uruguayen, ndlr) m’a dit quand je l’ai rencontré. » On lui a donné cette consigne, on l’a fait travailler tactiquement à part et il s’est parfaitement adapté, il a évolué. » La sélection de Tabárez, c’est d’ailleurs le destin promis au jeune d’origine basque.
Un joueur « mixte »
Avec les moins de vingt ans uruguayens, Arambarri a disputé le Sudamericano 2015 et la Coupe du monde de la même année. Deux compétitions où il a brillé et tapé dans l’œil d’Óscar Tabárez, en pleine reconstruction de son équipe nationale. Ricardo Meroni nous offre quelques détails tactiques sur la pépite charrúa : « Si tu veux profiter des qualités de Mauro, il faut jouer comme la sélection uruguayenne, avec un « doble cinco », comme on dit ici. Il a besoin d’une certaine liberté, d’un joueur qui peut défendre un peu plus. » Des petits conseils pour Willy Sagnol et son staff donc. Et de reprendre : « Il a un parcours classique de jeune espoir au sein des sélections de jeunes. Mais il a été capitaine de Defensor à vingt ans. C’est unique. Derrière Peñarol et Nacional, Defensor est le club le plus important en Uruguay. Tu ne deviens pas capitaine sans caractère. »
Curutchet, qui a entraîné Arambarri lors de la saison 2013-2014 et l’a conforté dans un rôle de titulaire, y va lui aussi de son portrait-robot : « Mauro, c’est ce qu’on appelle chez nous un joueur mixte. Il t’offre la possibilité d’aborder le match différemment. C’est un véritable plus tactique pour un jeune de son âge. Il a une excellente vision du jeu, une bonne frappe, une agressivité dans la récupération de balle. » Alors que la presse française a directement dégainé des comparaisons avec Diego Pérez, il s’offusque : « Avec lui, oubliez les milieux défensifs classiques uruguayens comme Arévalo Ríos ou Diego Pérez. C’est vraiment un joueur différent. Il génère bien plus de football. Ce n’est pas un milieu à qui tu vas demander de faire un marquage individuel. Ce serait un énorme gâchis. » Et poursuit : « Offensivement, il est très créatif. Ce n’est pas un numéro 10, ce n’est pas Pastore par exemple. Même si j’ai vu qu’il a pris ce numéro, il ne faut pas le cataloguer ainsi. »
À entendre ses mentors, la trouvaille de Jean-Louis Triaud devrait rapidement s’imposer sur les pelouses françaises : « Je pense que Bordeaux est un choix excellent pour lui. Il va rapidement s’adapter au football français. C’est un championnat souvent difficile pour les Sud-Américains. Ils découvrent une culture différente, un football différent » . Et de conclure : « La seule difficulté qu’il rencontrera, c’est de se mettre au niveau physiquement. Ça lui prendra peut-être un ou deux mois. Mais s’il a du temps de jeu, il s’imposera » , affirme Fernando Curutchet, qui travaille aujourd’hui chez les jeunes de Peñarol. À toi de jouer, Willy.
Par Ruben Curiel
Tous propos recueillis par RC