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Mais qui es-tu, Marco Rose, entraîneur du RB Salzbourg ?
La vie de Marco Rose s’écrit entre trois pays : la RDA, où il a grandi, l’Allemagne réunifiée, où il a joué, et l’Autriche, où il s’est révélé. Pour sa première saison à la tête d’une équipe professionnelle, ce natif de Leipzig biberonné à la Klopp s’apprête à disputer une demi-finale de Ligue Europa avec le RB Salzbourg, un club qu’il incarne à la perfection. Portrait d’un homme qui pourrait rapidement rentrer au bercail.
Quand il était petit, Marco Rose ne croyait pas en Dieu. Logique quand on grandit en RDA, un pays réputé pour avoir le plus fort taux d’athéisme au monde. En revanche, beaucoup croyaient en ses talents de footballeur, à commencer par Achim Steffens, le coach du VfB Leipzig, un club historique de sa ville natale, où Rose passe pro au milieu des années 1990. À ce moment-là, son pays n’existe plus et c’est logiquement vers un Ouest plus développé qu’il se révèle en tant que défenseur central. Hanovre d’abord et puis surtout Mayence, où officie sur le banc un certain Jürgen Klopp. En près de dix ans passés sur les bords du Rhin, il apprend à trouver sa place dans un schéma offensif, agressif et volontaire, ce qui ne l’empêche pas de rester d’un calme olympien en toutes circonstances, comme lors d’une interview passée à la postérité après l’accession de Mayence à la première division.
Meneur de petits Mozart
Et puis, Klopp est parti, un peu avant que le Lipsien ne mette un terme à sa carrière et ne fasse ses premières armes comme assistant de Thomas Tuchel, successeur de l’actuel gaffer de Liverpool. Mais Marco Rose a besoin de se faire sa propre expérience. Alors, il rentre chez lui et prend en charge un autre club historique de Leipzig : le Lokomotive. L’expérience dure une saison, en division amateur. Une saison à la dure, comme le froid béton de l’ex-RDA, toujours omniprésent. Une saison pendant laquelle, Rose
développe un système tactique calé sur celui de son mentor : nerveux, rapide, parfois insoutenable pour l’adversaire. Basé sur le fameux gegenpressing, il attire l’intérêt des scouts du RB Salzbourg, qui le font signer un an plus tard pour entraîner les jeunes du club. De la ville de Wagner, il passe à celle de Mozart et excelle avec les gosses, remportant coup sur coup le titre de champion d’Autriche U16, puis U18, avant de finir en apothéose par la Youth League en 2017, qui révèle nombre de talents qu’il emmènera avec lui lorsqu’il remplacera Óscar García sur le banc de l’équipe première en début de saison dernière.
Le pari est risqué : Rose n’a aucune expérience avec un groupe professionnel. Et pourtant, il fait vivre au RB Salzbourg la meilleure saison de sa jeune histoire, tant au niveau national où il est encore en course pour un doublé coupe-championnat, qu’européen, où nombre d’observateurs marseillais s’accordent à penser que la demi-finale de Ligue Europa face au club autrichien a tout d’un cadeau empoisonné. Un parcours doré qui l’amène à être sacré entraîneur de la saison par un jury unanime, une première depuis la création du trophée.
Un avenir à la maison ?
Son secret ? Mis à part un travail tactique acharné, il se trouve dans sa relation à autrui : « Dans le sport de haut niveau, la réussite est un paramètre très important. L’un des facteurs pour obtenir cette réussite, c’est le rapport à l’équipe et aux individus en général. » Une manière d’entretenir cette étiquette d’éducateur qui lui colle à la peau, lui qui a fait des équipes de jeunes sa plus belle réussite : « Chaque homme doit apporter sa contribution à une société meilleure. Mais quand tu occupes un poste à responsabilité dans un club, tu as encore plus de responsabilité sociale. » Détail : Marco Rose n’est pas fleur bleue. Conscient qu’un effectif
professionnel ne se gère pas de la même manière que de jeunes espoirs en devenir, il a pourtant réussi à rendre son club crédible sur la scène européenne grâce à la complicité bâtie avec ses joueurs et qui repose sur deux piliers : la confiance et la franchise, quitte à parfois décevoir. « Quand on travaille avec des pros âgés de 20 à 25 ans, on peut supposer qu’ils ont chacun des buts personnels. On déçoit toujours les joueurs et les hommes. Et mon but est de leur montrer qu’ils sont tous importants. Chez nous, ce n’est pas tout le temps la paix, la joie et les crêpes ! Chez nous, il y a aussi des joueurs insatisfaits. Chacun doit savoir qu’on défend une cause. Et cette cause, c’est la réussite de l’équipe. »
Depuis son enfance athée, Marco Rose avoue avoir trouvé la foi en Dieu. Un compagnon qui peut aider à tuer le temps quand on se sent seul : depuis son départ pour l’Autriche en 2005, il ne voit sa famille que par intermittence, celle-ci étant restée à Leipzig, où sa femme officie en tant qu’avocate. Alors, pour voir grandir sa fille de dix ans et franchir une étape logique dans sa carrière professionnelle, il se murmure déjà que Rose pourrait rentrer au bercail la saison prochaine. Et pas n’importe où : Dortmund penserait à lui pour remplacer Peter Stöger, non reconduit. Ou bien Francfort, pour pallier le départ de Niko Kovač au Bayern. À moins que le destin ne le maintienne dans le giron du taureau rouge ? Ralph Hasenhüttl est sur la sellette au RB Leipzig. Un retour dans son Heimat donnerait des ailes à Marco Rose. Les ailes de la volonté de toujours aller de l’avant.
Par Julien Duez
Propos de Marco Rose recueillis par les Salzburger Nachrichten et la Kleine Zeitung.