- Foot et santé
Mais qui es-tu, l’électrostimulation de Cristiano Ronaldo ?
Pour faire de son corps une machine de guerre et entretenir ses abdominaux, Cristiano Ronaldo utilise des outils d'électrostimulation au prix non négligeable. Une technologie reposant sur des stimulations électriques, censés permettre de soulager certaines douleurs et d'optimiser la puissance de l'organisme en augmentant la masse musculaire. Exploitée par d'autres joueurs et clubs professionnels, cette méthode est-elle donc magique ou au contraire surestimée ?
Le gel dans les cheveux, les biscottos dans le polo et l’objet fétiche dans les mains. Pour promouvoir un nouvel appareil technologique, Cristiano Ronaldo ne change pas ses habitudes. Mais ses propos et ses poses, tenus dans cette publicité, paraissent un peu moins naturels que lorsqu’il s’exprime sur le terrain. « C’est un produit fantastique, révolutionnaire. Si votre désir est d’avoir un corps en forme comme le mien, il vous aidera », assène carrément la star marketing en janvier 2019, au sujet d’un appareil d’électrostimulation « à son image » qu’il tient entre ses doigts. Deux ans plus tard, le Portugais (re)vient au soutien de cet outil qui a évolué et qui se lance en France sous l’appellation SIXPAD. « Cristiano Ronaldo est co-développeur des produits SIXPAD, il les utilise pour ses propres entraînements personnels », détaille Tristan Monod, chargé de communiquer sur la marque.
Dans ses communiqués de presse, la marque japonaise annonce les objectifs de son engin dont les résultats seraient « bluffants » et étayés par des « études certifiées » : « soulager certaines douleurs », « rééduquer les fonctions musculaires » et « provoquer une hypertrophie musculaire ». Rien que ça. Mais pourquoi pas, après tout ? Plus globalement, le sport par électrostimulation (EMS) représenterait « une technologie très utilisée en Europe dans la préparation physique des athlètes ». Ce genre de machines seraient-elles donc désormais indispensables aux sportifs de haut niveau comme les footballeurs professionnels, et omniprésentes dans les staffs de leurs clubs ? Et s’agit-il véritablement de produits « révolutionnaires » aux résultats aussi incroyables que certaines lignes peuvent le laisser suggérer ?
Utilisé partout et tout le temps, vraiment ?
En réalité, CR7 n’est pas le seul à être addict à l’électrostimulation. Son pote Karim Benzema en serait par exemple fan, au point que le média espagnol AS a par le passé expliqué son changement de profil aujourd’hui hyper fitpar l’emploi régulier d’un gilet d’électrostimulation. Gilet dans lequel a aussi investi Ludovic Obraniak, afin de redessiner sa silhouette devenue « dégueulasse » (propos relayés par le site Girondins4Ever). En 2018, année où il évoluait au Paris Saint-Germain, David Luiz aurait également eu affaire à cette technique pour se remettre d’un claquage en moins de dix jours. Si bien que selon une étude datant de la même période, 13% des joueurs déclarent se laisser aller à des petites séances régulières d’EMS. « Les footeux aiment bien ça, oui », renchérit Antoine Albert, ancien masseur-kinésithérapeute d’Angers. Avant de se faire un peu moins convaincant, au sujet de la fréquence d’utilisation de l’objet : « Au club, on l’utilisait. Mais un peu, seulement… »
« On l’utilise très peu, en tout cas moins qu’avant, assène même son ancien collègue Antoine André, quant à lui toujours kiné au SCO. Pour la récupération, cet outil a par exemple été remplacé par les pistolets de massage. » Tendance confirmée par Olivier Rodríguez, préparateur physique du Havre : « Les kinés l’utilisent, mais pas énormément. Jamais en entraînement, pour ma part. C’est sans doute utile, mais le temps manque. J’ai vu les vidéos de Ronaldo, mais lui utilise tout de toute manière ! » Façon de dire que si un quintuple Ballon d’or et les plus grosses équipes du monde ou de France peuvent se concentrer sur ces utiles innovations, ces dernières ne sont pas non plus essentielles pour obtenir de bons résultats sportifs. Surtout vu leurs prix. « Avec le temps, les prix ont augmenté. Aujourd’hui, nous sommes sur des technologies sans fil via Bluetooth allant jusqu’à plus de 1000 euros… contre 300, au départ, appuie d’ailleurs le kinésithérapeute. Au début, les prix étaient pourtant suffisamment abordables pour qu’un joueur pro comme un sportif amateur puisse s’en procurer. C’était véritablement l’outil de récupération et de rééducation que l’on pouvait avoir à son domicile, en complément de ce qui se fait en club ou dans un cabinet de kiné. »
Renforcement musculaire, anti-douleur et récupération… limités
Car il faut savoir, et c’est peut-être le plus important, que l’électrostimulation est un outil de complément aux effets limités bien que réels. Ou réels bien que limités, au choix. L’idée est de solliciter les muscles via des décharges électriques envoyés par l’outil au contact de la peau et à l’intensité variable (plus l’intensité est forte, plus la sollicitation sera puissante) pendant l’activité physique, afin de renforcer ces mêmes muscles. « En effet, associer le courant et l’exercice augmente l’effet de la contraction musculaire. On peut travailler sur la force, l’endurance ou la trophicité. L’électrostimulation est donc utile, notamment sur les gains en force musculaire ou à la suite d’une opération entraînant une fonte musculaire, mais seulement en combinaison avec la contraction volontaire. Désolé, mais les beaux abdos en restant dans le canapé, c’est loupé ! », prévient Antoine André. Concernant les possibles douleurs dans le cas d’intensité trop poussée, l’Angevin précise : « Plus c’est fort et plus ce sera efficace, donc il faut mettre au maximum du supportable. Les joueurs apprécient, parce que ça les challenge un peu : on voit les progrès au fil des séances, car on peut mettre progressivement plus fort. »
Autre bienfait, cependant secondaire dans le monde du foot et seulement sur le moment : l’effet antalgique. « Ça a un effet anti-douleur, le message de la douleur est inhibé. Mais ce n’est pas tellement intéressant dans le sport pro, plutôt en cabinet ou au domicile pour des maux de rhumatisme », éclaire ainsi le kiné du SCO, qui parle également d’un soutien à la récupération (au moment « de l’oxygénation du muscle à la suite d’une lésion musculaire à l’effet massage, relaxation, décontraction musculaire) ». Au Havre, Olivier Rodríguez préconise lui aussi cette méthode pour optimiser la récupération : « Pour aider la capillarisation des vaisseaux en récupération et lorsque le joueur est encore en décharge, oui. Raison pour laquelle on l’utilise en réathlétisation, parfois. Surtout au niveau des quadriceps, des mollets et de la voûte plantaire. » Dès lors, que conclure du cas Ronaldo ? Que ses tablettes de chocolat doivent leur existence à l’EMS comme il semble le prétendre, ou qu’il privilégie un autre usage de son « produit fantastique » ? « S’il l’utilise légèrement en co-contraction pour un petit renforcement musculaire, je suis certain qu’il s’en sert surtout en récupération pour la capillarisation ou pour compenser le catabolisme musculaire lié à l’effort », répond le prépa physique du HAC. De toute façon, pas sûr que l’attaquant de la Juventus souhaite offrir l’intégralité de ses secrets.
Par Florian Cadu
Propos recueillis par Florian Cadu, sauf mentions