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Mais qui es-tu le CFR Cluj?
Une ville presque aussi hongroise que roumaine, un président à la limite de la légalité et un effectif constellé de joueurs portugais de seconde zone, Cluj n'impressionne pas vraiment. Pourtant le club transylvanien est en tête du groupe H, avant la réception de Manchester United ce soir.
De prime abord, Transylvanie rime avec Dracula. Pourtant à l’ouest de la Roumanie, il est un club de football qui domine les « grands » de Bucarest depuis quelques saisons. Ce club, c’est le CFR Cluj, qui affronte Manchester United ce soir en Ligue des champions. Cluj, ville prospère située à la frontière hongroise. Une situation géographique qui ne devrait être qu’un détail mais qui dérange car un tiers de la ville est magyarophone. Un problème pour les nationalistes roumains qui n’apprécient que modérément la minorité hongroise, son goulasch et son orthographe impossible. Cluj agace à tel point que l’auguste Nicolae Ceausescu, partisan d’une « roumanité » pure a cru bon d’accoler par décret présidentiel en 1973 le nom roumain de Napoca au blase de la cité. Aujourd’hui encore, au pays d’Ilie Nastase, la communauté hongroise fait jaser les apôtres du nationalisme. A l’image du toujours classe président du Steaua Bucarest, Gigi Becali, qui déclarait : « C’est une honte de les voir jouer dans notre championnat. Le CFR Cluj est une équipe de Hongrois, pas de Roumains. » Le dirigeant d’origine roumaine en remettait une couche cette semaine en affirmant : « Tant que je vivrai, Cluj ne remportera pas le championnat de nouveau. »
Un business de vente de voitures
Pourtant pendant longtemps, Bucarest s’est moqué du CFR comme de sa première chemise. Durant des années les deux grands clubs de la capitale, Steaua et Dinamo se partageaient les breloques. Mais désormais, cette époque est révolue. Depuis quatre ou cinq ans, les Transylvaniens se permettent de faire la nique aux grands, pas habitués à voir leur suprématie contestée. Pour autant, l’histoire de Cluj n’est pas forcément aussi jolie que celle du petit poucet. Football roumain rime souvent avec pots-de-vin et Cluj n’échappe pas à la règle. Le président Arpad Paszkany fait partie de cette génération de businessmen interlopes, qui a poussé comme de la mauvaise herbe après la chute du communisme. Il traîne certaines casseroles mafieuses, et s’il se fait discret, à l’inverse d’un Becali tout en déclarations fracassantes, c’est que l’homme a été inculpé en 2009 par la Direction de l’Investigation de la Criminalité organisée et le terrorisme pour une sombre affaire d’extorsion. Mais du côté de la ville de Cluj, on est disposé à fermer les yeux sur les écarts de conduite du grand argentier du club. Pourquoi ? Tout simplement parce que depuis l’arrivée en 2002 de celui qui a fait fortune dans la vente de voitures, Cluj est passé de la Troisième division à la Champions League, remportant trois titres de champion au passage.
La formule magique de Paszkany consiste à acheter une flopée de joueurs peu onéreux dans des clubs sud-américains ou au Portugal tout en s’appuyant sur quelques valeurs du cru. Des investissements payants puisqu’en 2007-2008, les Ferroviarii (cheminots en VF) remportent leur premier titre au nez et à la barbe du Steaua. Le CFR fait une entrée tonitruante en Champions League l’année suivante en gagnant au Stadio Olimpico face à l’AS Roma 2-1 avant de tenir en échec Chelsea ; la suite sera moins glorieuse et Cluj éliminé dès la phase de poules. Tant pis, les Roumains se sont faits un nom et ont permis à un joueur très prometteur de se faire connaitre, Alvaro Pereira. Aujourd’hui à l’Inter, l’Uruguayen, qui a explosé à Porto, n’oublie pas ses années passées dans les montagnes des Carpates : « C’est grâce à Cluj que j’en suis là, c’est eux qui m’ont permis de jouer en Champions League. » .
La communauté portugaise
En 2010-2011, les « Clujistes » disputent à nouveau la grand-messe continentale, pour sortir au premier tour. Sans gloire cette fois malgré la poignée de buts inscrits par le géant ivoirien Lacina Traoré, qui épaule aujourd’hui Samuel Eto’o à l’Anzhi. Alors la troisième participation des hommes menés par l’ancien international Ioan Andone sera t-elle la bonne ? Possible, d’autant que les Transylvaniens disposent d’un effectif certes sans génie mais solide et difficile à manœuvrer. Une équipe qui pourrait aussi jouer en Liga Sagres tant les Portugais sont nombreux dans le groupe, à l’image du capitaine le défenseur Cadu ou du meneur de jeu Diogo Valente. L’international sénégalais Sougou débarque quant à lui de l’Academica Coimbra.
La victoire à Braga lors de la première journée avait d’ailleurs des allures de revanche pour certains joueurs de Cluj puisque les deux buts du triomphe du CFR ont été inscrits par Rafael Bastos (aucun lien), ancien joueur du Minho. Luis Alberto et le gardien Mario Felgueiras étaient également passés sans succès chez les Arsenalistas. Quoi qu’il en soit, avec cette victoire à l’extérieur les Transylvaniens ont bien lancé leur course à la deuxième place dans un groupe déjà promis à Manchester United. Et tant pis si les partenaires de Cadu sont pour le moment loin derrière le Steaua en championnat, car c’est bien à Cluj, ville magyarophone, que viennent jouer les Red Devils ce soir. Gigi Becali peut tirer la tronche.
Par Arthur Jeanne