- France
- Question existentielle
Mais qui es-tu, le but cadeau à l’attaquant adverse ?
C'est le plus beau présent à faire au cours d'une rencontre, preuve de dévotion et d'un sacré respect des valeurs du sport : offrir un but à l'adversaire. Et à l'inverse, pourquoi s'emmerder à marquer quand d'autres peuvent le faire pour vous ?
Il n’est pas entouré de papier cadeau, mais il emballe toujours un sacré paquet de personnes. Pourquoi ? Parce que c’est le parfait présent à glisser sous un conifère enguirlandé : inattendu, surprenant, exaltant. Le but offert à l’équipe adverse est un peu comme le père Noël, parce qu’on ne le voit pas arriver, parce que les caméras le loupent même parfois en direct, et surtout parce que derrière lui, il laisse autant d’heureux que de déçus. Unique différence, pas besoin de fournir ici en cookies et verre de lait. Petit recadrage au passage : non, le nombre de « buts cadeaux » n’augmente pas drastiquement à l’approche de Noël. Mais qui est-il réellement ? Quelles sont ses formes ? Est-il forcément teinté de bonne volonté ? Et surtout, sent-il forcément le sapin ? Réponses par étude de cas.
Le dribble manquéDifficile de déceler son origine : ici, le trop-plein de confiance en soi croise souvent la peur de mal faire. Un dribble tenté une demi-seconde trop tard et voilà votre équipe dans la panade, surtout en position de dernier défenseur. Comme sur cette action, à une époque où le PSG cherchait encore sa première victoire au Parc des Princes alors que le championnat en était rendu à la 16e journée, que Paul Le Guen venait de succéder à Guy Lacombe et que Nicolas Florentin crucifiait Michaël Landreau. Foutu Marcos Ceará.
Les guibolles sont faibles, la faute à ce « leg day » de la veille honoré avec bien trop de zèle, et voilà que cette passe assurée pour le gardien devient capsule de cyanure. Car oui, mouvement sécuritaire par excellence, moquée en five et applaudie au Camp Nou, la passe au gardien peut rapidement se transformer en un poison mortel en cas d’absence de prise d’information de la part du défenseur. Un attaquant rôdait par là et le voilà désormais servi, comme on filerait le couteau pour découper la dinde au seul invité vegan de la soirée : forcément, ça jette un froid.
Il y a certains cadeaux dont on peut s’occuper seul, celui-là n’en fait pas partie. Dans la flopée de cadeaux collectifs, le présent balancé dans le dos d’un attaquant qui se replaçait siège à une place particulière. 1) parce que c’est ridicule, 2) parce que c’est gênant au possible, et 3) parce que lorsqu’il est raté, le fautif essayera toujours de rejeter la faute sur l’autre. « Il était hors jeu ! » , « C’est interdit de gêner la relance ! » , « De toute façon, le saut en parapente pour mamie, c’est ton idée. » Même combat.
Là, on commence à entrer dans la nébuleuse du but contre son camp. Carlos Kameni, un type pourtant bien sous tous rapports, s’est ainsi laissé aller à la discipline de l’auto-goal le 2 mars 2016, lui faisant atteindre un niveau presque artistique. La question dans ce cas-là, c’est le « pourquoi » . Relancer l’intérêt d’une partie jusque-là maîtrisée ? Peut-être bien. Ici, on peine pourtant à imaginer Kameni lavable de tout soupçon. C’était plus sûrement pour empocher ces quelques sous misés dans un bar sous-éclairé de l’avenue Luis Buñuel, au coin nord-ouest du stade de La Rosaleda. La preuve : alors que Málaga menait 1-0, le club s’est finalement incliné 1-2 face à Valence, laissant ainsi ses adversaires du soir le doubler au classement. Ou sinon, c’est juste que Kameni, il vient pas de Paname, mais de Marly-Golmon.
Déchaînement des éléments oblige, le but du vent relève plus du cadeau que l’on vous a forcé à faire que d’une volonté personnelle. Un peu comme ces casse-tête en bois offerts à la nièce que vous ne voyez que les années bissextiles, ou ce « superbe cadre photo à remplir » pour le beau-frère que vous ne pouvez pas encadrer, justement. Il n’y mettra pas votre trogne, c’est une certitude. Pas grave, l’impression globale est sauvée et le résultat est là : tout le monde se retrouve avec un cadeau sous le sapin. Même Assaf Mendes, portier malheureux du Maccabi Haifa lors d’une rencontre amicale face au Dynamo Kiev en 2012. Un match arrêté à 5-0 et au bout d’une heure seulement, parce que ça soufflait trop. Bien vu.
Probablement le plus détestable. Le joueur concerné est là pleinement responsable de ses actes, se faisant de fait copieusement insulter par ses coéquipiers et son entraîneur pour avoir laissé traîner dans son dos un attaquant qui rôdait par là. Comme Léo Dubois devant Júlio Tavares un soir d’octobre 2017, par exemple, ou comme lorsque vos parents avaient financé Final Fantasy XII pour la sortie d’hôpital de Tristan, au lieu de vous l’offrir à vous. C’est possible de penser à soi avant de filer des cadeaux aux autres ?
C’est le plus beau, le plus gros. Celui où l’on enlève tous les chichis pour ne garder que la plus pure expression de sa philanthropie : après tout, pourquoi ne pas s’aimer, aussi, sur un terrain de football ? Marquer contre son camp, c’est tendre à son adversaire un gros paquet à rayures rouges et blanches, comme celui qui vous attendait sous les branches inférieures du Nordmann traditionnellement planté dans le salon de votre enfance. Un vrai but, un vrai cadeau. Merci la vie, merci le Père Noël, et merci les compilations Youtube avec de la musique de bal musette dans le fond.
Par Théo Denmat