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Mais qui es-tu, la rupture du ligament croisé ?
Nabil Fekir ne reverra pas les terrains de football avant au moins six mois. Rupture des ligaments croisés du genou pour lui. Clairement la pire blessure pour un footballeur. Voilà pourquoi.
C’est la sale blessure, celle qui vous met sur le flanc six mois minimum et vous nique la saison. Celle que tout footballeur redoute. À l’origine il y a une mauvaise réception, ou une rotation non maîtrisée et puis d’un coup, le genou se bloque dans la pelouse. Rien de très douloureux, mais un bruit sec abominable, comme un claque-doigt. Votre ligament croisé antérieur vient de lâcher, ça y est. Si vous ignoriez au départ que vous en aviez pour six mois minimum avant de re-tâter la gonfle, un médecin un peu sec vous le confirme en vous donnant, l’air désolé de circonstance, les résultats de votre IRM. Il va falloir passer sur le billard.
La galère ne fait que commencer. La rupture du ligament croisé, c’est la hantise du footballeur. Tout le monde a un pote qui s’est « fait les croisés » et qu’on n’a pas vu pendant presque un an. Même chez les pros, les exemples sont légion : Robert Pirès, Philippe Mexès, Xavi, Falcao, Lorenzo Insigne ou, plus récemment, Max-Alain Gradel et Benoit Costil, ont dû passer par la case hosto. La différence, c’est qu’eux ont eu la chance de se payer des cliniques privées hors de prix. Pas vous. Votre lot quotidien après l’opération, ce sont les infirmières assez loin du fantasme véhiculé par les films pour adultes, l’odeur abominable de l’hôpital et le voisin de palier qui, lui, n’en a plus pour très longtemps. Durant les premiers jours, la douleur est si forte qu’elle pousse parfois à regarder des documentaires sur l’express côtier norvégien en suppliant une interne un peu sympa de vous faire une piqûre de morphine. Bouger la jambe, la plier, contracter la cuisse. La première semaine, il faut réapprendre ces gestes après des nuits trop courtes sauvées par quelques injections d’anti-douleur.
Quatre heures par jour de kiné
À la sortie de l’hôpital débute la phase de rééducation active. Pierre Abric, kiné qui fut à l’origine de la création de Capbreton, le centre de rééducation réservé aux sportifs de haut niveau en connaît un rayon à ce sujet : « Avant de reprendre un sport à torsion(où le genou doit pivoter), c’est 6 mois minimum, pas un jour de moins, avant c’est suicidaire de faire reprendre un joueur. » « Ça, c’est pour un sportif de haut niveau, pour une personne qui joue au football de manière occasionnelle, c’est 10 à 12 mois » , conteste quant à lui le docteur Tarek Ala Eddine, spécialiste du genou, « auparavant le patient peut reprendre le vélo et le crawl au bout du deuxième mois et le footing sur terrain plat après 6. » Quoi qu’il en soit, les sportifs ne chôment pas en rééducation. « À Capbreton, c’est quatre heures par jour de kiné et balnéothérapie pendant un bon mois » , confie Abric. L’objectif est dans un premier temps de gagner des degrés de flexion sur un genou encore meurtri, et de remuscler un quadriceps qui a fondu comme neige au soleil après l’opération.
Pour les sportifs du dimanche qui n’ont pas le droit d’aller se refaire la cerise à Capbreton, il y a toujours le centre de rééducation fonctionnelle de Villiers sur Marne. Ici c’est un peu l’arche de Noé des bras cassés. Les kinés vaquent entre les personnes âgées ayant des problèmes d’arthrose et quelques accidentés de la route. Il y a aussi Patrick, chef de cuisine chez Sodexho qui s’est vautré en moto, mais jure que malgré sa prothèse à l’épaule, il remontera sur sa bécane : « Ce week-end, il y a Moto Légende à Dijon, le kiné veut pas que j’y aille, mais je m’en branle. De toute façon, je ne conduirais pas, je serai sur la Goldwing de mon pote. Sur ces bêtes-là, on est comme dans un fauteuil. » Val de Marne oblige, les Portugais sont légion, des ouvriers du bâtiment font du renforcement musculaire en causant du pays natal, liquette de Porto sur le paletot : « Moi, je viens d’un petit village entre Leiria et Fatima et toi ? »
Home-run sur sa chaise de souffance
Dans une ambiance détendue, on réapprend à marcher normalement et à consolider le genou opéré. Parmi cette armée de convalescents, on trouve aussi pas mal de rupture de ligamentés. Pour la plupart, des mecs qui se sont abîmés en taquinant la balle le dimanche sur les synthétiques de la banlieue est. Yassine en fait partie, il joue à Neuilly Plaisance et s’est « fait les croisés » sur un tacle assassin. D’autres comme Momo se sont esquintés tout seuls comme des grands. Quoi qu’il en soit, tous sont là pour rejouer le plus vite possible, mais la route est longue. Pour rendre l’attente plus supportable, le centre organise des cours de sport. Au programme : abdos et gainage tous les jours. Et le vendredi pour bien finir la semaine, ultimate en fauteuil roulant. Paradoxalement, la perspective de faire un home run sur sa chaise de souffrance stimule tout le monde. La vérité, c’est que les mecs savent mieux que quiconque qu’ils sont condamnés à errer loin du rectangle vert pendant un bon moment. Alors faute de grives, on mange du merle.
Par Arthur Jeanne, rupture de ligamenté
Article publié initialement en juin 2013