ACTU MERCATO
Mais qui es-tu, la lettre d’adieu ?
Aujourd’hui, impossible de quitter un club sans explications, écrites ou orales. Et il faut croire que la lettre d’au revoir/d’adieu est devenue la norme.
C’est sans aucun doute l’une des séparations les plus réussies, l’une des plus belles lettres de l’histoire du foot. En 2012, quand Pippo annonce sa retraite, il prend sa plume et met ses tripes sur la table pour son unique amour, le Milan. En voici un échantillon :
« Toutes les choses que vous lirez seront secondaires par rapport à une seule, la première chose que je veux que vous sachiez : j’ai joué et j’ai gagné pour nous. Jouer et gagner sans le moindre partage ne sert à rien. Nous, on a tout connu ensemble. Nous avons espéré, nous avons souffert, nous avons exulté, nous avons joui ensemble. Nous avons soulevé les coupes et les Scudetti, nous avons toujours été sur la même longueur d’onde et ça ne sera jamais différent. (…) Merci football, merci Milan, permettez-moi de l’appeler « Mon Milan ». Je remercie également les gens de la via Turati, de Milanello, les bureaux, les standards, les magasiniers, les cuisiniers, les médecins, les kinés, le stade, les employés, le vestiaire et tous les gens qui attendaient mes buts, et qui m’ont toujours soutenu. Un merci tout particulier à M. Ancelotti, avec qui j’ai tout gagné. Merci également à tous mes coéquipiers, d’hier et d’aujourd’hui.(…) Mon cher Milan, je te laisse seulement parce que c’est la vie, parce que le moment est venu et tu le sais.
Merci à tous.
Filippo Inzaghi. »
Épistolaire Yohan Mollo
Si certaines lettres ont marqué les esprits – Pippo Inzaghi au Milan donc, Henry à Arsenal, Gerrard à Liverpool ou encore Casillas à Madrid –, il est difficile pour autant de retrouver le pionnier, ou l’homme qui a initié la mode. Quoi qu’il en soit, il faut croire que cet engouement est né à la fin des années 2000 et ne semble plus avoir de limite aujourd’hui. Elle était à la base limitée aux vraies histoires d’amour. Elle est aujourd’hui aux footballeurs ce qu’une Stan Smith est aux Parisiens. À savoir un passage quasiment obligé, surreprésenté, et ce, peu importent la durée ou la nature de la relation entre les deux parties.
#UnaVida pic.twitter.com/yAPs1yJ9iQ
— Iker Casillas (@CasillasWorld) 12 juillet 2015
C’est pourquoi la plupart d’entre elles sont désormais écrites ou du moins revues et corrigées par un tiers, agent ou membre du club. Non pas que le joueur en question ne sache pas écrire, mais il s’agit encore et toujours de communication. Et qui dit communication, dit forcément minutie et calcul. Quelques-unes d’entre elles passent forcément entre les mailles du filet, via les réseaux sociaux généralement (et on pense notamment à Yohan Mollo), mais la norme actuelle, c’est donc de trouver le juste milieu entre propreté et sincérité. Les idées viennent du joueur, mais elles doivent se limiter à un cadre bien défini.
Jusqu’à ce que la mort nous sépare
Pas de plume, ni d’insomnie, ni de parchemin éclairé par une chandelle, donc. On pouvait s’en douter. Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des lettres se ressemblent dans la forme et la construction. On remercie d’abord le club, les dirigeants et les supporters pour tout ce qu’ils ont pu apporter, on se rappelle quelques souvenirs, on donne une explication (l’ambition marche à tous les coups) et enfin on ferme la parenthèse avec parfois une touche d’espoir et d’éternité, du style : « Je continuerai à vous suivre » , « j’aurai toujours ce club dans le cœur » , « je reviendrai » ou bien un « TFC un jour, TFC pour toujours » à la Regattin, histoire de ne se mettre personne à dos et/ou de pouvoir revenir en cas d’échec sans se faire lyncher. En gros, c’est une rédaction type que les élèves peuvent suivre à la ligne ou réinterpréter à leur sauce, mais dont certains points essentiels ne peuvent en aucun cas être omis.
THANK YOU⚽️🙏 pic.twitter.com/qTrH0RRXvY
— André Ayew (@AyewAndre) 8 août 2016
Ce n’est donc jamais une mauvaise idée de se lancer. Mais comme toute les choses qui prolifèrent et foisonnent durant la même période et à vitesse grand V, sans conditionnement, c’est simplement aujourd’hui un geste qui se perd dans la masse, impersonnel et banal. Pour les grandes histoires d’amour, celles d’une vie, il va donc falloir trouver d’autres voies pour se démarquer, chercher encore plus grand, plus intense, plus fort. Francesco Totti ne doit plus en dormir la nuit. Rogerio Ceni, quant à lui, a donné sa vision des choses, certes drastique, mais véritable, à n’en pas douter : « Mon dernier vœu, c’est la première fois que j’en parle, c’est peut-être le plus difficile, mais cela arrivera un jour. Je veux demander à ma famille que mon corps soit incinéré au Morumbi(stade de São Paulo, ndlr)et que mes cendres soient éparpillées sur la pelouse du stade pour que je me rappelle à jamais tout ce qui s’est passé ici. »
Par Ugo Bocchi