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Mais qui es-tu, la Cascadia Cup ?
Loin des rivalités inventées de toutes pièces par la Major League Soccer et son besoin croissant de médiatisation, les trois franchises de la côte Pacifique Nord-Ouest se disputent chaque année un titre à la signification bien particulière. En Cascadia, personne n'a attendu la MLS pour jouer des derbys passionnés.
Pour relier Portland, Seattle et Vancouver, touristes et travailleurs empruntent quotidiennement l’Interstate 5 qui longe la côte Nord-Ouest. D’un côté, le Pacifique s’étend à perte de vue, de l’autre, le regard peut se perdre sur le relief marqué d’une chaîne de montagnes volcaniques qui court du Nord de la Californie jusqu’en Colombie-Britannique, de l’autre côté de la frontière canadienne. La chaîne des Cascades – dont ne fait pas partie la chanteuse Cascada – représente à merveille la fierté des habitants de la région. Tout le long de la portion Nord de l’I5, tout le monde chante les louanges d’une région que beaucoup voudraient voir devenir autonome. Loin des deux capitales, Washington et Ottawa, les Cascadians ont appris à développer une culture propre, une économie florissante, une mentalité éco-responsable, bref, une société à part. De Portland à Vancouver, on a surtout appris à développer une rivalité forte pour savoir quelle ville est la plus à même de contrôler cette région. Cette rivalité, c’est par le football qu’elle s’extériorise le mieux. Si Timbers, Sounders et Whitecaps font flotter dans leurs tribunes le même drapeau – le Doug Flag, symbole parfait de la Cascadia – les joueurs ont le pouvoir de décider chaque année qui en est le plus digne.
Les supporters à l’honneur
S’il a fallu attendre le XXIe siècle pour que soit instaurée une compétition officielle entre les Portland Timbers, les Seattle Sounders et les Vancouver Whitecaps, les nostalgiques se remémorent quelques joutes sportives des années 1980, époque où tout le monde prenait du bon temps en North American Soccer League. La première Cascadia Cup, disputée en 2004, n’a rien de similaire avec les autres rivalités américaines. Celle-ci, ce n’est pas la ligue qui a tenté de la faire naître, mais bien les supporters des trois clubs, qui, unis, ont décidé de réunir quelques sponsors pour financer la création d’un beau trophée de soixante centimètres de haut, tout en argent. De 2004 à 2008, les trois franchises évoluent en USL-1, loin de la Major League Soccer qu’elles rejoindront toutes plus tard. Le principe de la Cascadia Cup est simple : un classement est établi après que les trois équipes se sont affrontées en saison régulière. L’équipe avec le plus de points à la fin de la saison régulière repart avec la coupe à la maison.
Seulement, en 2009, l’admission des Sounders vient tout chambouler. Seule en Major League Soccer, Seattle laisse à Vancouver et à Portland le soin de se disputer la Cascadia Cup en USL, en attendant la suite. La suite, elle arrive en 2011, lorsque les trois franchises rivales se retrouvent enfin toutes ensemble en Major League Soccer. Sept ans après sa création, la compétition prend une ampleur particulière et vient donner une leçon à la MLS et à ses commissaires, qui s’efforcent de créer des rivalités de toutes pièces. Loin du « derby » imaginé par la ligue entre le Galaxy de Los Angeles et les Red Bulls de New-York – rivalité marketing comme il en existe aujourd’hui beaucoup –, le soccer américain découvre une vraie bataille. Car bien au-delà du football, les trois villes de la côte Nord-Ouest se disputent tout. Et depuis 2011, elles ont enfin un immense terrain de jeu pour se départager. Oui, il n’y a qu’en soccer que les trois villes ont une franchise chacune au plus haut niveau. « Toute la rivalité en Cascadia, c’est ce dont rêve la ligue dans toutes les régions » , explique Troy Perkins, le gardien de but des Timbers, en 2011, sur le site officiel du club, à l’aube d’un match exceptionnel.
Every time we touch
Le 14 mai 2011, Sounders et Timbers se retrouvent donc pour le premier match de la Cascadia Cup en Major League Soccer. « Du point de vue du club et de mon point de vue à moi, c’était sans aucun doute le match le plus important de l’histoire » , se souvient Troy Perkins. Ce jour-là, 36 000 supporters se massent dans l’immense CenturyLink Field. Une bonne partie de la Timbers Army a fait le déplacement pour ce match historique. En MLS depuis plus longtemps, et avec un effectif plus fourni, les Sounders partent grands favoris de cette rencontre. Devant au score, les coéquipiers de Kasey Keller se font finalement reprendre à l’heure de jeu. Au coup de sifflet final, les deux équipes se séparent donc sur un match nul. « C’était sans aucun doute le match le plus important pour notre arrivée en MLS, et c’était exceptionnel d’aller là-bas et de réussir à faire match nul » , se réjouit Troy Perkins. Cette année, et malgré ce nul, ce sont pourtant les Sounders qui remportent la Cascadia Cup.
Samedi dernier, en venant facilement à bout des Whitecaps (3-0), les Sounders de Martins et Dempsey se sont à nouveau adjugé la Cascadia Cup, quatre ans après. Avec 12 points, les Sounders passeront donc la trêve avec ce trophée si important aux yeux des supporters qui lui ont donné naissance. Toutefois, la saison n’est pas encore terminée, et il reste aux trois équipes de Cascadia de nombreux objectifs à atteindre : le Supporters’ Shield, les play-offs et, pour les meilleurs, un beau parcours en Ligue des champions de la CONCACAF. Mais même si l’une des trois équipes arrive à décrocher l’un de ces trois beaux titres, les supporters adverses pourront toujours se targuer d’avoir chez eux la Cascadia Cup. Et de pouvoir faire flotter fièrement le Doug Flag dans leurs tribunes.
Par Gabriel Cnudde