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Mais qui es-tu, Ariel Jacobs ?
Le nouvel entraîneur de VA, c'est lui. Daniel Sanchez limogé suite à une série de huit matchs sans victoire, les décideurs valenciennois ont décidé de faire confiance à ce technicien travailleur, au CV irréprochable, mais à l'aura encore limitée.
Longtemps, on a cru que ce serait Pablo Correa et sa philosophie de jeu frileuse qui prendraient la direction du Nord. Après avoir refusé Sochaux, l’ancien entraîneur d’Évian et surtout Nancy (où il vient d’ailleurs de resigner) aurait amené au Hainaut son expérience de la Ligue 1 et ses bus garés devant la défense. Cependant, pour ne pas trancher avec le style de jeu prôné par Daniel Sanchez durant deux saisons, les dirigeants valenciennois ont finalement opté pour un autre profil, étranger certes, à défaut d’être exotique.
Après moult hésitations, le président Jean-Raymond Legrand a en effet couché sur sa feuille le nom du technicien belge Ariel Jacobs, dont la notoriété n’a pas vraiment dépassé les frontières, du moins celles du Quiévrain. Ariel Jacobs a pourtant le mérite d’avoir été double champion de Belgique avec Anderlecht, en 2010 et 2012, ainsi que champion du Danemark la saison passée avec le FC Copenhague. Limogé au mois d’août dernier, suite aux mauvais résultats de début de saison, l’entraîneur attendait un défi à sa mesure. La perspective de coacher en Ligue 1, dans un club qui ne cesse de progresser depuis le début des années 2000, l’a finalement séduit.
Un CV qui sent la gaufre et l’OTAN
Les premiers contacts entre les deux parties auraient eu lieu peu avant la rencontre face à Reims, samedi dernier, où VAFC a mis un terme à une série de sept défaites consécutives en obtenant un match nul inespéré, au bout du temps additionnel (1-1). Le groupe nordiste n’a jamais lâché son entraîneur Daniel Sanchez, mais les dirigeants du club ont estimé qu’il était temps de changer de dynamique avant qu’il ne soit trop tard, et qu’un électrochoc pourrait sans doute s’avérer salvateur pour un groupe de qualité, dont le manque de réaction inquiète les observateurs les plus aguerris. Le club a annoncé avoir paraphé un contrat de deux ans, avec une année en option, qui prend effet ce lundi. Âgé de 60 ans, Ariel Jacobs devrait rapidement être épaulé par un entraîneur français, titulaire du DEPF et fin connaisseur de la Ligue 1, afin de l’aider dans sa délicate mission.
Auparavant traducteur pour l’OTAN, en sa qualité de linguiste reconnu, Ariel Jacobs est un ancien attaquant qui a mis du temps à percer au plus haut niveau. Il n’a d’ailleurs jamais évolué dans l’élite en tant que joueur, dans ses clubs successifs de 3e et 4e division belge. Sa carrière d’entraîneur commence à la Fédération belge, où il est devenu responsable des -20 ans et des espoirs dans les années 80, avant de s’orienter vers la Jupiler Pro League, à la Louvière, le premier club à lui avoir fait confiance en 2001. Un choix qui ne sera pas regretté : le Belge est nommé alors que l’équipe n’a marqué qu’un seul point en sept matchs sous l’égide de Daniel Leclercq. Il finira finalement 11e du championnat avant de remporter la coupe nationale en 2003.
Journaliste à Sport Foot Magazine, Jan Hauspie se souvient bien de son intronisation : « Ariel est arrivé en première division à presque 50 ans. C’est vraiment à la Louvière que sa carrière a démarré. Il a connu un véritable succès avec cette petite équipe, en recrutant beaucoup de jeunes joueurs, c’est vraiment à ce moment qu’il s’est fait un nom. » Il s’engage ensuite à Lokeren puis à Mouscron, qu’il sauvera habilement d’une rétrogradation pourtant promise en 2007 malgré un passage mitigé.
En dépit de sa réussite indéniable dans le domaine, Ariel Jacobs n’est pas qu’un entraîneur destiné à jouer les pompiers de service. Avec plus de moyens, il a ensuite prouvé à Anderlecht, entre 2007 et 2012, qu’il était capable de gagner des titres. « C’est un homme soucieux de la qualité de jeu qu’il produit, en qui on peut facilement avoir confiance, explique Georges Heylens, l’ancien entraîneur de Lille, qui le suit depuis le début de sa carrière. C’est un technicien très sérieux et appliqué qui mérite ce qui lui arrive aujourd’hui. À mon avis, grâce à son vécu, il est susceptible de réussir dans le championnat de France, comme beaucoup d’entraîneurs belges avant lui. Il peut même très vite rejoindre le gotha des Éric Gerets ou Raymond Goethals, il est de cette trempe selon moi. Jusqu’à présent, il a réussi quelque chose dans tous les clubs où il est passé. »
« C’est vrai qu’il a un CV intéressant, on ne devient pas 3 fois champion sur les quatre dernières saisons par hasard, explique François Launay, journaliste à 20Minutes Lille et spécialiste de Valenciennes. Mes contacts en Belgique m’ont néanmoins expliqué qu’il n’avait pas forcément la poigne nécessaire pour ranimer le club, il traîne un peu une image de loser depuis ses éliminations répétées en barrage de Ligue des champions avec Anderlecht, un club où il est resté cinq ans. » Une réputation peu flatteuse selon Jan Hauspie : « Après quelques doutes initiaux, il a prouvé son fort caractère à Anderlecht. Il sait garder un vestiaire en main tout en étant capable d’entretenir des relations très bonnes avec ses joueurs ; selon moi, pas de doute, il saura remobiliser le vestiaire valenciennois. » Cela tombe bien, c’est exactement ce que cherche le président Jean-Raymond Legrand.
Cynique et adepte des bons mots
La mission ne sera cependant pas aisée, car le nouveau venu va arriver dans un club délesté de ses cadres, où les dents grincent et les nerfs sont à vifs, notamment envers certains jeunes joueurs au comportement déplacé. Mais pas de doute selon Jan Hauspie, Ariel Jacobs saura se faire respecter : « Personnellement, je le connais comme un homme très sérieux. Le mot qui le caractérise le mieux, c’est sans doute celui de gentleman. C’est quelqu’un qui se montre correct avec tout le monde en tant qu’homme et qui est très travailleur en tant qu’entraîneur. » Le journaliste belge poursuit : « Autant que je sache, il n’a jamais eu de problèmes particuliers avec les joueurs qu’il a dirigés. Avec les journalistes, en revanche, c’est différent, il y a des frictions, car Ariel Jacobs n’aime pas faire d’amitiés avec notre profession, et il faut bien avouer qu’il a un humour un peu spécial. Pour bien le connaître, c’est quelqu’un avec qui il est possible de rire, mais il traîne lourdement l’image de quelqu’un de cynique… Et c’est vrai qu’il l’est de temps en temps. »
« On m’a parlé d’une personnalité ferme et surtout assez étrange, qui est un adepte reconnu de la langue de bois devant la presse, rebondit François Launay, avant d’ajouter : Ça va nous changer de Daniel Sanchez qui était quelqu’un de précieux pour les médias, avec qui on pouvait travailler. Il n’hésitait jamais à parler football et ne nous embrouillait jamais, ce qui est de plus en plus rare aujourd’hui. » S’il ne sait en réalité qu’encore peu de choses sur ce technicien à la réputation limitée, le journaliste français loue pourtant ce recrutement inattendu : « Aller voir en Belgique, ce n’est pas une mauvaise idée. Souvent, on fait comme si la Belgique n’existait pas alors qu’elle est à peine à 10 kilomètres et qu’elle regorge d’opportunités. Lille l’a bien compris depuis plusieurs années. Sur le papier donc, le choix n’est pas trop mauvais, même si Ariel Jacob ne connaît pas bien la Ligue 1. »
Si quelques réserves entourent encore Ariel Jacobs, notamment au niveau du jeu proposé, Jan Hauspie en est persuadé, le Belge va réussir. « C’est un homme de qualité à chaque niveau. Il a montré sa capacité à sauver les petits clubs mal en point, et surtout à gagner des titres sur le long terme. Je ne connais pas assez Valenciennes et le championnat français pour l’affirmer, mais je pense qu’il a le profil idéal, il a déjà sauvé des équipes en difficulté et a prouvé qu’il pouvait remplir ce genre de missions. » Plus prudent, Georges Heylens y croit, mais ne veut pas se mouiller : « Je pense que Valenciennes a fait le bon choix. Après est-ce vraiment le meilleur ? On ne peut jamais le dire à l’avance. »
Par Christophe Gleizes