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Mais qu’est-ce qui te prend, Jeff Reine-Adélaïde ?
Jeff Reine-Adélaïde ne se sent plus à sa place à Lyon. C'est en tout cas ce qu'il a signifié dans une interview brute de décoffrage à L'Équipe. Mais que peut-il espérer d'une sortie aussi peu clairvoyante ?
Quand les joueurs sont déposés par leur taxi à la porte du QG de leur sélection, que transportent-ils dans leur valise ? Souvent, elle est trop petite pour contenir assez de fringues pour la quinzaine. À écouter les internationaux de l’Olympique lyonnais, il y a à l’intérieur tout un paquet d’état d’âmes ou de vérités à délivrer. Un sac à vider dans ce confessionnal, loin des équipes de communication du club sur le dos. Dans le cas de Memphis Depay, cela a ressemblé à du rétropédalage. Annoncé partant pour assouvir son rêve de rejoindre « un gros club », le Néerlandais pourrait finalement aller au bout de son contrat à Lyon. « Je n’ai jamais dit que je voulais partir, assurait mardi l’attaquant des Oranje. J’ai encore un contrat d’un an, je suis capitaine et nous avons une bonne équipe. Nous l’avons montré. » À l’inverse, pour Jeff Reine-Adélaïde, la rentrée avec les Bleuets lui a permis de déballer sur la place publique une cargaison de frustration, d’incompréhension et d’ego mal placé.
T’as glissé, Jeff
Le capitaine des Espoirs français s’est en effet livré avec beaucoup d’amertume sur sa situation à l’OL, dans L’Équipe du jour. Arrivé l’an dernier d’Angers, avec l’étiquette du « joueur d’avenir » et celle du transfert record du club rhodanien (25 millions d’euros hors bonus), « JRA » ne se sent déjà plus à sa place. « Je ne vois pas forcément mon avenir proche à Lyon. Ma progression est arrêtée depuis un moment et il faut qu’on trouve une solution. J’ai besoin d’avancer. » La phrase fait forcément tiquer pour un joueur de 22 ans, qui sort d’une saison marquée par une absence de six mois pour blessure. Cette rupture des ligaments croisés, il l’a accueillie avec « un peu de haine, de dégoût », alors qu’il commençait tout juste à trouver ses marques dans sa nouvelle équipe. Le garçon a dû batailler pour revenir, a cravaché pendant le confinement pour se tailler un summer body et pour espérer participer à la finale de Coupe de la Ligue et à la phase finale de Ligue des champions. Pourtant, le garçon de Champigny-sur-Marne est resté sur le banc face au PSG et s’est contenté de miettes durant l’épopée européenne (49 minutes sur 270).
Rassuré par de bons matchs amicaux, Jeff Reine-Adélaïde prétendait à autre chose que des entrées intéressantes. « Ne pas jouer dès le premier match officiel, la pilule a du mal à passer, retrace-t-il avant de pointer les incohérences de son coach Rudi Garcia. Il y a un discours la semaine et un autre le week-end. C’est un peu bizarre. J’ai de la frustration par rapport à ce que je dégage aux entraînements, ce que je rends sur le terrain. » Problème, certains joueurs se sont révélés (Caqueret), d’autres sont arrivés (Toko Ekambi et Guimarães) et un nouveau système a été adopté durant son absence. Et forcément, les places sont devenues plus chères. « Quand les compositions de match apparaissent, je sais que les gens sont un peu étonnés. Dans le vestiaire ou même en dehors, ils se disent qu’il y a un souci ou que je m’entraîne mal, continue Jeff. Moi, je suis un très gros bosseur, et que les gens pensent ça de moi, ça me dérange. Je pense humblement être performant sur le terrain et aux entraînements. Même si je suis encore perfectible sur certaines choses, je ne triche jamais. » Les explications de Rudi Garcia n’ont peut-être pas été suffisamment claires, l’entourage du joueur a pu lui monter le bourrichon, peu importe : un lien semble s’être distendu.
Une balle dans le pied ?
Cette sortie lunaire ressemble à un suicide médiatique pour un joueur qui n’a pas encore fait ses preuves. Comment penser que ces mots puissent mettre sous pression Jean-Michel Aulas, Juninho ou Rudi Garcia ? Dans cette histoire, rien ne va. D’abord le timing, puisque Lyon devrait voir Houssem Aouar partir sous d’autres cieux, et Jeff Reine-Adélaïde a le profil pour être son successeur. Ensuite, s’il se décide à claquer la porte, les débouchés sont restreints : dans le contexte actuel et au vu de sa situation, aucun club ne pourra lui offrir un refuge sans que l’OL ne perde de l’argent dans la transaction. Enfin, parce que le club lui-même n’a jamais eu l’intention de se passer de ce fort potentiel. Juninho l’a clarifié lui-même dans L’Équipe : il « croit en lui, en son talent », et le club « compte sur lui ».
Le directeur sportif aurait « préféré qu’(ils) en parlent dans (son) bureau ». Pourtant, le Brésilien se montre lucide et compréhensif, soulignant « l’anxiété » d’un joueur ayant peur de perdre sa place, y voyant aussi une réaction d’orgueil : « Jeff pense qu’il est trop gentil, mais c’est la meilleure des choses d’être gentil avec les gens ! Peut-être qu’il a fait ça pour montrer que sa gentillesse a des limites. » Après tout, plutôt que l’annonce d’un bras de fer, il faut voir dans cette interview le cri d’un jeune joueur qui veut jouer, ne pas rater le train, ne pas perdre l’attention dont il bénéficiait jusqu’alors. Il suffit d’un rien dans ce milieu pour être oublié. Alors, Jeff a agrippé le projecteur vers lui avec toute la maladresse qui peut caractériser sa jeunesse. Mais la franchise a aussi un prix. Car après cette sortie, quelle que soit l’issue de ces discussions, à Lyon ou ailleurs, il devra forcément assumer ces paroles. Oui, la valise de Jeff risque d’être bien lourde au moment de repartir de Clairefontaine…
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