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Mais qu’est-ce qui cloche entre Frenkie de Jong et le jeu du Barça ?
Si l’Ajax Amsterdam et le FC Barcelone partagent le même héritage footballistique, passer de l’un à l’autre ne se fait pas sans encombre. La preuve avec Frenkie de Jong, dont les premiers pas en blaugrana ne sont pas aussi élégants qu’espérés.
Il n’est que la deuxième plus grosse recrue de l’été du Barça derrière Antoine Griezmann, mais les attentes qu’il suscite chez les supporters sont sans doute les plus grandes. Après avoir ébloui l’Europe avec l’Ajax la saison dernière, Frenkie de Jong a posé ses valises en Catalogne avec un objectif : rendre son style au FC Barcelone. Une mission loin d’être aisée, d’autant que le Néerlandais doit d’abord passer par la case départ : s’intégrer à un collectif qui lui demande de développer de nouvelles qualités.
Car pour ses premières minutes en Liga, De Jong n’a pas eu la tâche facile. Titulaire devant la défense face à l’Athletic Bilbao, il a connu la défaite d’entrée (0-1). Une semaine plus tard face au Betis, alors que le Barça renversait une situation mal embarquée (5-2), il a erré sur le terrain à un poste très avancé de relayeur gauche. Le fait de faire face à un bloc sévillan positionné très bas et de devoir compenser les mouvements de Rafinha, placé sur l’aile par Valverde, a même fait penser à certains, dont Frank de Boer, qu’il avait été utilisé en tant qu’ailier : « J’ai vu le dernier match de Barcelone et Frenkie jouait presque comme un ailier. Ce n’est pas son poste. Il doit jouer plus dans l’axe. Je ne sais pas ce que veut faire Valverde avec lui. »
En vérité, Valverde ne s’est pas montré plus original que Ronald Koeman une dizaine de jours plus tard, lorsque Frenkie défendait les couleurs des Pays-Bas face à l’Estonie. Comme le Barça face au Betis, la sélection oranje s’est retrouvée face à un bloc estonien positionné très bas sur le terrain (ci-dessous à droite). Relayeur gauche, De Jong s’est quasiment retrouvé dans la même zone que lors de ce fameux match au Nou Camp (ci-dessous à gauche) sans que personne ne remette en question le choix de Koeman. Et pour cause, le joueur s’était montré plus à son aise du fait d’une adversité forcément plus faible qu’en Liga.
Si ses premiers pas en blaugrana ont été en dessous des attentes, ce n’est pas à cause de son positionnement, c’est d’abord en raison du changement de contexte. En passant de l’Eredivisie à la Liga, De Jong rejoint un championnat où les lignes adverses sont plus resserrées. La saison dernière, que ce soit le week-end ou lors des grands soirs de Ligue des champions, il n’a jamais vraiment rencontré les blocs bas qui font le quasi-quotidien du Barça. Des adversaires qui poussent les milieux de terrain relayeurs à jouer plus haut, entre les lignes et souvent dos au jeu.
Face à un bloc regroupé dans ses 40 mètres, inutile d’avoir deux joueurs sur la même ligne pour ressortir le ballon. Au sein du Barça, un seul suffit et il est installé depuis une dizaine d’années maintenant : Sergi Busquets. L’Espagnol tient une place centrale dans le système barcelonais. Au cœur de l’animation offensive, il est le point de référence de toutes les séquences de construction. Point fixe installé dans le rond central, il a pour mission d’être toujours disponible… et la mission des autres milieux est de ne surtout pas marcher sur les lignes de passes qui permettraient de le toucher.
C’est là que la liberté, si chère à De Jong lorsqu’il évoluait à l’Ajax, se heurte à la structure collective de sa nouvelle équipe. Aux Pays-Bas, le milieu de terrain pouvait dézoner à sa guise pour récupérer le ballon près de ses défenseurs et le remonter balle au pied. À ses côtés, Lasse Schöne était là pour compenser ses mouvements et maintenir une cohérence dans l’organisation de l’équipe au gré des inspirations de son partenaire. Une complémentarité qui ne peut se nouer naturellement avec un Busquets fixé dans l’axe et surtout peu enclin à en sortir.
Peut-être que dans les grands matchs, face à des adversaires rodés à l’exercice du pressing, De Jong retrouvera son envergure de l’Ajax. Lorsque Busquets sera introuvable, sa capacité à prendre des initiatives plus bas sur le terrain pourront éviter à Messi de devoir décrocher jusque dans son propre camp pour toucher le ballon et le remonter.
Ce soir-là, son raid est venu ponctuer un premier match-référence sous ses nouvelles couleurs. Passeur décisif puis buteur, De Jong a réalisé 70 minutes de très bonne facture au poste de relayeur droit, évoluant toujours dans une position plus avancée qu’à l’Ajax. La progression était notable par rapport aux matchs du mois d’août, même si l’adversaire du soir n’était pas des plus concernés après le limogeage de son coach.
Mardi soir, face aux lignes très resserrées du Borussia Dortmund (0-0), De Jong a eu plus de mal à exister… jusqu’à la sortie de Busquets qui lui a permis d’occuper le poste de n°6 (60e). En une demi-heure, son influence sur la possession du Barça a largement augmenté (de 5,7 à 8,7%) et les spectateurs ont enfin pu le voir prendre des initiatives balle au pied. Une preuve, s’il en fallait une, que son avenir à Barcelone se jouera certainement dans cette zone une fois la succession de Busquets enclenchée. En attendant, c’est toute sa palette de milieu de terrain qu’il a l’opportunité d’étoffer en évoluant plus haut. Une expérience à accepter pour le voir devenir un joueur encore plus complet.
Par Florent Toniutti