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Mais qu’est-ce que fout le RC Strasbourg Alsace ?

par Arnaud Clement
7 minutes
Mais qu’est-ce que fout le RC Strasbourg Alsace ?

Tombé en CFA2, le RC Strasbourg remonte la pente tout doucement. Avec les frères Keller à sa tête, le club espère bien retrouver le National la saison prochaine. Et redevenir d'ici quelques années un acteur majeur du football français. Mais ça, ce n'est pas gagné.

Grenoble et Strasbourg, deux villes pas vraiment jumelées par une quelconque liqueur ou spécialité gastronomique, bien que la Fisher coule à flot dans les troquets isèrois. Par contre, les deux clubs de la ville partagent quelques liens du sang sur le plan footballistique. Même descente aux enfers à l’été 2011 après un dépôt de bilan, même souffrance eu égard au pillage des joyaux des centres de formation, même choix de redonner les clés du sportif aux fidèles coachs de la réserve, même atterrissage au sous-sol nommé CFA2, pour aussitôt regrimper un niveau au-dessus, même nombre de contrats fédéraux, etc. Si aujourd’hui les deux plus beaux noms du championnat de France amateur joue des coudes en haut de tableau pour retrouver leur lustre d’antan et leur statut pro au plus vite, il se pourrait toutefois qu’ils partagent une similitude supplémentaire en fin de saison : s’être fait salement entourlouper et rater le train pour le National. Dans le groupe B du quatrième échelon français, ni l’un ni l’autre n’occupe à l’heure actuelle la première place offrant l’unique ticket pour la troisième div’. Balo, non ?

Voici ce qui pourrait être comme le premier accroc d’une aventure débutée il y a deux ans et qui a plutôt tourné à l’histoire Disney jusqu’à présent. D’ailleurs, dès l’annonce du dépôt de bilan et l’officialisation d’un come-back dans la sphère amateur, certains comme Olivier Kost, taulier des Ultra Boys 90, y ont vu du positif : « On s’y attendait et on l’espérait presque, car ça voulait dire que Jafar Hilali s’en irait. De toute façon, ça faisait des mois qu’on s’y préparait. Et puis, entre le National et la CFA, la différence n’est pas énorme. Les stades sont aussi pourris, il n’y a pas d’ambiance, qu’est-ce que ça changeait au fond ? Nous, on y gagnait, en plus, niveau distance. » Côté sportif, le son de cloche n’est pas le même. Que tous les joueurs de l’effectif pro soient libres de s’engager là où ils le souhaitent, soit. Mais que tous les jeunes du septième centre de formation de France, surfant encore sur sa victoire en Gambardella en 2006, puissent en faire de même ? Le coup est rude. Voilà pourquoi encore aujourd’hui, l’actuel entraîneur François Keller parle de viol : « Le mot est fort, mais c’est la réalité. Tous ces gamins qui sont partis à Fribourg, Reims, Wigan et ailleurs, c’est nous qui avons passé du temps à les former. » De quoi avoir les boules au moment où les recruteurs s’approchent comme des vautours pour arracher les petits du nid.

Un ADN et des finances locales

Comment faire dès lors quand on se retrouve à la mi-juillet, avec l’interdiction de recruter plus de trois joueurs amateurs et plus aucun garçon en stock, pour constituer une équipe qui tient la route pour le 15 août ? Coach Keller l’explique : « Heureusement qu’on a eu des gens fidèles au club qui ont accepté de mettre la main à la poche, tout simplement. Car sans contrats fédéraux, on n’aurait jamais pu repartir avec seulement trois seniors, des U17 ou des U19. À partir de ce moment-là, au vu des infrastructures pro et avec l’argent qu’on avait à disposition, on a signé 18 contrats fédéraux. Parce qu’on n’avait pas le choix pour être en conformité avec les règlements français, qui ne tiennent pas compte de la possibilité d’un dépôt de bilan en plein été. » Et voilà comment le Racing renaît pour remonter illico quelques mois plus tard, après une chiée de derbys contre Schiltigheim et plusieurs autres petites écuries locales. Le tout avant que Marc Keller, frère de, ne reprenne les rênes du club laissé pour un Euro symbolique par Frédéric Sitterlé, avec dans son sillage un XI d’actionnaires locaux ou amoureux de la Meinau et de l’histoire de ses pensionnaires. « Le projet est de retrouver le National sous trois ou quatre ans. On a déjà établi un budget CFA et un autre pour le National pour l’an prochain. Si on ne réussit pas, on tâchera de se renforcer pour y arriver en 2014 » , pose l’ancien international.

Avec une raison d’être désormais profondément alsacienne, l’embellie peut donc se poursuivre en CFA. D’autant que très vite, des noms ayant foulé les pelouses de la L1 ou de L2 acceptent de signer pour les infrastructures et le professionnalisme strasbourgeois. Des garçons comme Noro (ex-Sedan), Gauclin (ex-Guingamp) ou Sabo (ex-OM). De quoi séduire. La progression se fait connaître d’ailleurs aussi en tribunes. Signe que les soutiens populaires n’ont pas traversé en masse la frontière pour garnir un peu plus les arènes allemandes, l’ancienne maison de Gress, Lebœuf ou Luyindula a pété tous les records d’affluence de ce niveau il y a quelques semaines. Pour le derby contre Mulhouse, ils étaient plus de 20 000 à donner de la voix.

« Ça remonte au fur et à mesure. Chez les UB90, nous étions 160 et nous venons de passer la barre des 180 encartés. S’ils n’étaient pas des passionnés du club, on n’en serait pas là. De toute façon en Alsace, tout le monde sait quand le club connaît des frasques ou a de bons résultats » , assure Olivier Kost, pas peu fier de voir l’enceinte située au bord du Rhin Tortu dépasser la moyenne des 7000 spectateurs cette saison. Dit comme ça, on pourrait ainsi valider que tous les voyants sont au vert et que le Racing aurait saisi ce que signifie reculer pour mieux sauter. Oui, mais…

Et si le club ne montait pas ?

Le hic est d’ordre comptable. Certes, Strasbourg est aujourd’hui deuxième de son championnat. Mais Strasbourg est à trois points du leader, Raon l’Étape. Et ce, à quatre journées de la fin. « On s’attendait à ce que ça soit difficile avec la concurrence de Grenoble. Et puis, quand les autres formations viennent ici, il faut voir comme ils défendent à onze. Jouer à la Meinau, c’est comme un Graal pour eux. On voit des matchs de Coupe de France tous les week-end. Pour avoir eu l’occasion de voir d’autres matchs de CFA du temps où la réserve y évoluait, je peux vous dire que ce n’était pas le même niveau, ni la même physionomie » , pose Olivier Kost. Un supporter rejoint dans son analyse par François Keller, pour qui toutes les formations de sa poule sont soit pro, soit semi-pro : « J’en ai discuté avec l’entraîneur d’Yzeure, qui connaît ce niveau depuis des années et qui nous a dit que cette année était la plus dure qu’il avait connue. Tout le monde a tenu compte de la présence de Grenoble et Strasbourg et a recruté en conséquence. Les équipes n’ont rien à voir avec ce qui se fait d’habitude. Mais aussi parce que le niveau a augmenté, qu’il y a du chômage en L1 ou en L2 et des mecs prêts à redescendre pour jouer. Et puis bon, il faut voir à quel point les mecs se dépouillent lorsqu’ils jouent Strasbourg. Ce que peu de gens savent, c’est que je reçois des CV de joueurs adverses avant ou après les matchs. Ils veulent se montrer. J’en ai même vu pleurer après avoir perdu chez nous, alors… »

Il n’en reste pas moins que lorsqu’on peut s’entraîner tous les jours, jouir d’un kiné ou d’un médecin et d’infrastructures sans commune mesure avec ce qui se fait chez la concurrence, on se doit de réussir, non ? Pour François Keller, comme pour le coach grenoblois, il faut faire avec un paramètre fondamental en moins par rapport à la concurrence : « Toute la difficulté, c’est qu’on joue face à des clubs qui ont un vécu, un passé en CFA. Quand tu joues Lyon-Duchère, Mulhouse, Villefranche-sur-Saône ou autre, tu joues des clubs qui ont déjà un fort esprit d’équipe, une identification au maillot. Nous devons construire tout ça de notre côté et ça ne peut se faire rapidement. » De quoi sans doute expliquer que les Strasbourgeois ont moins de facilité à se faire mal et à aller au mastic lorsque les parties se transforment en pures guerres de tranchées. « On a l’équipe qu’il faut, avec un coach comme François qui a mis toutes ses tripes pour l’équipe. Mais parfois, il faudrait arrêter de vouloir faire dans le beau jeu et mettre le pied comme nos adversaires savent le faire. » Et tous redoutent déjà de devoir patienter une année de plus dans ce championnat charnière, bien qu’il n’y ait pas d’impératif de temps fixé par le board. Car comme le suggère François Keller, si le Racing végète toujours en CFA dans quelques années, « il n’y aura plus 20 000 personnes au stade pour le derby contre Mulhouse, mais seulement 1000 » .

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