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Mais quelle est la formule magique de ce Racing ?
Septième de Ligue 1 avant de se déplacer à Monaco samedi, le Racing est la bonne surprise de la première partie de saison qui vient de s'achever et fonce dans la seconde avec l'étiquette de troisième attaque de Ligue 1. Où est le secret ? Probablement entre la naissance d'une formule tactique plus fluide, la quête de spectacle de Thierry Laurey et un ensemble cohérent.
Et si un match de football était un numéro ? Posé sur le bord de la piste, coincé dans son spencer de chef du secteur, l’entraîneur est là, attentif, responsable du rythme de la soirée et du numéro en cours. Pourquoi se déplacent-ils ? Quel est leur objectif ? Comment les satisfaire ? De ces questions peuvent être tirées mille réponses, issues d’au moins autant d’écoles : un coach est un homme libre et ce dernier est, par conséquent, autorisé à choisir la couleur de sa proposition et le degré de fantaisie qu’il souhaite y ajouter. Ainsi, il faut tout accepter, l’entraîneur qui vient présenter à la foule un football construit sur l’idée qu’ « avant de jouer, il faut commencer par ne pas perdre » mais aussi celui qui vient le réduire à « un sport d’hommes » où « seule la victoire est belle » . Du spectacle ? Jouer ? Mais pourquoi faire ?
« La seule chose qui m’importe, c’est de marquer un but de plus que l’adversaire, répond Thierry Laurey, pilote d’un Racing Club de Strasbourg septième de Ligue 1 et qui a décidé de ranger le boulier. Si on gagne 3-2, je suis content. Si on gagne 1-0, je suis content. Je ne cherche pas à savoir si on a pris un but ou non. Sincèrement, je m’en fous. Si je prends un abonnement à la Meinau, c’est pour voir des buts, du spectacle. Du spectacle, c’est un peu prétentieux, mais j’ai envie de voir des choses, des occasions, des buts. Je préfère savoir qu’on a marqué X fois en X matchs plutôt que de savoir le total de buts encaissés. Ce qui m’intéresse, c’est le nombre de points empochés. » Et cette saison, le Monsieur Loyal alsacien en a déjà vingt-neuf dans les poches. L’an passé, à la même époque, il n’en comptait que vingt-quatre. Où est la différence ?
Costume taillé sur mesure et espace
Comprendre le succès actuel du Racing, c’est d’abord revenir à un casse-tête éternel : comment un entraîneur doit-il prendre le problème ? Est-ce les joueurs qui entrent dans son système ou l’inverse ? Et le système, qu’est-ce que c’est, au juste ? « La position des footballeurs, ajustait il y a quelques années Rafael Benítez. La tactique, elle, représente les mouvements sur un terrain. Ensuite, si tu ne sais pas occuper l’espace, le restreindre ou le conquérir, le système ne sert à rien. » Laurey, lui, ne s’était « jamais imaginé » se retrouver dans la durée avec une défense à trois têtes, un schéma tenté dans un premier temps au printemps dernier lors d’une victoire contre Lyon (3-2). Le coach alsacien l’assure : le foot n’est « pas une histoire de système. J’aime qu’on attaque de manière organisée, que chacun sache son rôle et son positionnement. J’aime faire du travail à trois ou quatre… Lorsqu’on attaque, ce n’est pas seulement une personne qui travaille. Si l’un se déplace, l’autre doit s’engouffrer dans l’espace, etc.(…)Ce n’est pas le système qui fait la différence, mais les joueurs. » Et surtout les mouvements à l’intérieur du système, car si l’on ne peut s’organiser en improvisant, l’improvisation est possible dans l’organisation. Ainsi, le système de jeu ne devient qu’un « costume taillé sur mesure » pour son effectif pour reprendre l’expression de Carlo Ancelotti.
Résultat, rapidement, Thierry Laurey, qui assume « ne pas avoir de système de jeu préféré » et qui n’hésite pas à varier les plats tactiques lorsque l’adversité monte d’un cran (Lille, Monaco, Paris), a été obligé, cette saison, de prendre son aiguille après un début de saison compliqué en matière d’équilibre collectif malgré une première victoire initiale à Bordeaux (0-2) en août. Le 1er septembre, Strasbourg reçoit le FC Nantes et se retrouve mené logiquement de deux buts à l’heure de jeu dans ce qui sera la seule victoire nantaise de l’ère Cardoso. Première épreuve : Laurey décide alors de faire sortir Thomasson pour installer Lamine Koné, une recrue décisive de l’été, et de faire naître l’idée d’un axial supplémentaire pour « libérer ses latéraux » (Carole, Lala). Peu importe le score final (2-3), le Racing vient de trouver une formule plus fluide et un schéma qui lui permet de couvrir davantage le terrain sur la largeur. Le 3-5-2 a cette fonction, mais est surtout particulièrement efficace dans les phases de transition, où les Alsaciens excellent souvent, grâce à des lubrifiants efficaces (Thomasson, Martin, Sissoko) au milieu et des latéraux omniprésents.
Spectacle à tenir, fruits à récolter
Problème, si Laurey, souvent caché par son étiquette de punchlineur, semble avoir trouvé son numéro parfait, ce dernier a aussi ses défauts. « On a besoin d’une grosse dépense d’énergie pour être performant et si on joue arrêté, on est mort » , glissait-il après une victoire contre Dijon (3-0) fin septembre, quelques jours après avoir été puni par la gourmandise de ses gars au Vélodrome. Le 3-5-2 a des exigences, notamment une principale : si l’adversaire s’avance avec deux pions de chaque côté, le déséquilibre peut rapidement arriver et le Racing l’a déjà payé à plusieurs reprises cette saison. Pour se protéger, les deux excentrés (Carole, Lala, Caci, voire Liénard) doivent répéter les efforts et se balader avec un coffre athlétique immense. C’est notamment le cas de Kenny Lala, brillant depuis le début de saison, auteur de six passes décisives, plus gros centreur de l’effectif strasbourgeois, mais aussi d’Anthony Caci, soldat multi-tâches de Laurey. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le Racing a rendu sa plus mauvaise copie de la saison (contre Nîmes, en novembre, 0-1), alors que les deux indispensables étaient absents. Et ce n’est également pas un hasard si les deux joueurs ont été placés dans certains viseurs de Ligue 1.
Retour au numéro car, comme l’avouait récemment Thierry Laurey, pour l’instant, Strasbourg a eu la chance de pouvoir disposer le plus souvent de ses principales cartes et de pouvoir jouer comme il l’entend. Cela a été le cas à Rennes, par exemple, lors d’une journée modèle, qui aura vu Strasbourg couper la tête de Sabri Lamouchi (1-4) au terme d’un match quasi parfait. Soit une rencontre où le Racing aura glissé sur le seul exploit individuel breton du jour – une merveille d’Ismaïla Sarr – avant de dérouler dans les sorties de balle grâce à l’exigence technique de ces centraux (Caci, Koné, Martinez – probablement le meilleur trio dans l’animation, Mitrović n’étant pas toujours aussi rassurant) et dans les transitions portées par un Jonas Martin DJ référence de Laurey.
Ce match est probablement le pic de la première partie de saison d’une équipe qui se trimbale avec la troisième attaque de Ligue 1 (32 buts, soit autant que Lille), qui a bousculé le PSG (1-1) – les Parisiens ont marqué alors que Martin était en train de se faire soigner – et qui doit désormais récolter les fruits de tout le boulot abattu jusqu’ici. Le plus dur commence certainement, les dernières semaines l’ont prouvé, avec un Racing moins dominateur, mais souvent vainqueur grâce à la maîtrise d’une approche décidée sous la forme d’un pacte entraîneur-joueurs : un voyage à Monaco est dans ce cadre une belle occasion de ne pas foirer son enchaînement. La marge est trop faible, et le numéro peut vite tomber à l’eau, surtout quand Strasbourg ne joue qu’une mi-temps sur deux. Un spectacle n’est réussi que s’il est tenu de A à Z : Laurey le sait, et lorsqu’il le fait, ce Racing peut faire lever un bon nombre de foules.
Par Maxime Brigand
Propos de Thierry Laurey issus de conférences de presse et de Onze Mondial.