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Mais que vient faire Carlos Tévez à Independiente ?
Après une première expérience d’entraîneur contrastée l’an passé à Rosario Central, Carlos Tévez va relever un immense défi en Argentine : sortir le mythique club d’Independiente d’une crise profonde et vaincre le scepticisme des supporters et des médias.
« Je mets ma carrière d’entraîneur en jeu. Cette responsabilité me revient, car j’ai les couilles de l’assumer. Je ne viens pas ici pour déconner ou gagner de l’argent, mais pour travailler et essayer de sortir le club de cette situation. » Mâchoire serrée, sourcils froncés et regard toujours planté dans les yeux de son interlocuteur, Carlos Tévez a des messages à faire passer. Ils sont autant destinés aux 150 journalistes regroupés face à lui dans les entrailles de l’Estadio Libertadores de América qu’aux supporters qui bouillonnent depuis l’annonce, mardi, de sa nomination sur le banc du CA Independiente, en Argentine. Quarante-huit heures après la démission du coach Ricardo Zielinski, suivie le lendemain de celle du directeur sportif Pablo Cavallero, l’Apache débarque chez un « géant endormi », ainsi qu’il l’a lui-même qualifié. Un club qui a décroché sept fois la Copa Libertadores (un record) et lutte désormais pour ne pas descendre en D2, plombé par une gestion calamiteuse et une dette d’environ 18 millions d’euros.
Mais alors qu’il ne cachait plus son impatience de retrouver un « bon projet », Carlitos (39 ans) a déjà pu constater que son arrivée ne fait pas que des heureux au sein de l’institution basée à Avellaneda, dans la province de Buenos Aires. « Je ne dirais pas que les supporters m’apprécient ou m’aiment, mais ils me soutiennent dans ce moment et c’est le plus important », a-t-il désamorcé, au micro de TyC Sports. Retraité depuis juin 2022, l’ancien attaquant passé par Manchester United, City ou la Juve « paye son lien très fort avec Boca Juniors, un rival historique, analyse Favio Verona, suiveur du Rojo depuis 12 piges pour le quotidien sportif Olé. Ce qui joue contre lui, c’est aussi son inexpérience en tant que coach. »
Défi et défiance
Son CV affiche pour l’instant une ligne : cinq mois à Rosario Central, l’an passé, pour un bilan de six succès en 24 matchs. « Mais il a gagné le clásico contre Newell’s Old Boys, ce qui l’a rendu populaire ici, et a fait progresser des jeunes qui ont permis ensuite au club de gagner de l’argent lorsqu’ils ont été vendus », nuance Carlos Durhand, statisticien et mémoire vivante des Canailles. Pas assez pour impressionner Pablo Alejandro Álvarez. « À moins d’obtenir des résultats immédiatement, Tévez ne terminera pas la saison, pronostique l’ex-leader de Los Diablos Rojos, la barra brava d’Independiente. On n’oublie pas qu’après son départ de Rosario, il avait déclaré que le club l’avait appelé, mais qu’il n’était pas prêt à aller n’importe où. »
"Primero vamos a enfocarnos en nosotros y en plantear a qué queremos jugar. Después pensaremos en el rival".
🎙️ Carlos Tevez en conferencia de prensa.#TodoRojo 🔴 pic.twitter.com/Cy2f9sj94U
— C. A. Independiente (@Independiente) August 22, 2023
« Des propos sortis de leur contexte », dixit l’intéressé, surpris et agacé par une question sur ce sujet sensible lors de sa présentation. S’il a aussi été chaleureusement accueilli par des fans en marge de sa première séance d’entraînement, l’ancien buteur de l’Albiceleste ne sera donc pas protégé par son aura, dans un championnat où les grands noms sont rares, sur les pelouses comme sur les bancs (Edinson Cavani à Boca, Gabriel Heinze à Newell’s, Martín Demichelis à River Plate, Fernando Gago au Racing…).
Le candidat du leadership
Du côté de la direction du CAI, qui a essuyé de « nombreux refus de profils maison », la décision est totalement assumée. « On savait qu’il y aurait une résistance du côté des hinchas, mais on a pris ce risque, car on est persuadés que c’est l’homme de la situation, justifie Esteban Saenz Rico, le secrétaire sportif du Rey de Copas. Il a le leadership nécessaire et la capacité à résister à la pression. » Loin, donc, d’être l’option numéro un d’Independiente à l’origine, Tévez s’est « démarqué par son discours, sa connaissance de l’effectif et sa méthode basée sur l’intensité », poursuit le dirigeant, qui assure que « ses propos en conférence de presse ont déjà un peu calmé la colère de certains supporters ». Élément loin d’être anecdotique considérant la crise économique traversée par le géant d’Avellaneda, Carlitos, sous contrat jusqu’en juin 2024, a accepté de travailler pour un salaire au rabais, qui sera renégocié en décembre en fonction des résultats. En attendant des renforts, il fera ses débuts à domicile contre le Vélez Sarsfield, ce dimanche soir, premier des treize matchs qui doit permettre à Independiente de sauver sa place en Primera División.
Dirigé par l’Apache à Rosario Central, Damián Martínez donne des raisons de croire en cette opération sauvetage. « Avec lui, on se sentait forts, car on travaillait beaucoup physiquement, se souvient le latéral droit argentin. On avait toujours un plan A, B et C. Il voulait qu’on soit courageux, qu’on aille de l’avant. On a beaucoup appris avec lui. Les jeunes se sont libérés et avec le temps, notre identité de jeu s’est révélée. » Le temps, un luxe disparu à Independiente qui, intérimaires compris, vient de changer de coach pour la 13e fois depuis 2019.
Par Thomas Broggini, à Buenos Aires
Tous propos recueillis par TB, sauf ceux de Tévez issus de conférence de presse.